Cherchant à se dédouaner et à dédouaner le Haut-Ogooué dans la descente aux enfers dans laquelle l’ancien régime, auquel il appartenait, l’a plongé, le notable de la République, Zacharie Myboto, a affirmé que le Haut-Ogooué ne peut en porter seul la lourde responsabilité. Selon lui, toutes les provinces du Gabon sont mouillées jusqu’au cou. Ceci n’est pas vrai. D’abord, en dehors des « mauvaises langues » dont il parle, personne n’a fait porter au Haut-Ogooué la responsabilité du fiasco de l’ancien régime encore appelé « système Bongo ». Seuls les Bongo et tous ceux qui les ont soutenus dans cette aventure en portent la responsabilité…
Intervenant devant le chef de l’Etat, qui recevait les délégations des départements du Haut-Ogooué, Zacharie Myboto a dit ceci : « les mauvaises langues pensent toujours que, oui, c’est l’affaire du Haut-Ogooué, ce sont les Altogovéens. Certes, celui qui était à la tête est Altogovéen, mais, que je sache, Monsieur le président, il s’agit d’un système, d’un régime. L’action est collective. Et au Gabon, je ne connais pas une seule province qui puisse dire qu’elle n’a pas pris part au système déchu qui a conduit le Gabon justement dans l’abîme (tonnerre d’applaudissements). Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le Haut-Ogooué a sa part de responsabilité, mais les huit autres provinces également ont leur part de responsabilité et nous devons tous le savoir… ».
Le Gabon comprend neuf (09) provinces. De ces neuf provinces, une seule province (le Haut-Ogooué), une famille (celle des Bongo) a confisqué le pouvoir 56 ans durant. Sauf que ce serait un mensonge que de dire que tous les fils et filles du Haut-Ogooué ont profité du régime ou du système Bongo. Les plus prudents se taisaient, les plus courageux donnaient de la voix, mais étaient incarcérés ou assassinés. Les plus avisés s’alignaient… La preuve que tout le monde n’est pas concerné est qu’on trouve encore là-bas des bâtisses tôle en haut, tôle en bas, mais personne ne peut nier que l’essentiel du pouvoir se trouvait dans le Haut-Ogooué. Certes, Albert Bernard Bongo (devenu El hadj Omar Bongo, puis Omar Bongo Ondimba), pour sécuriser politiquement son régime, avait nommé dans chaque province un leader politique qu’il avait plus tard surnommé « roitelet ». Mais les postes juteux étaient pour le G2 et un peu la province sœur, le G7. Léon Mebiame Mba pour l’Estuaire, Zacharie Myboto pour le Haut-Ogooué, Georges Rawiri, alias Joe-le-rapide, pour le Moyen-Ogooué, Richard Nguema Bekale, alias Etat, dans le Woleu-Ntem. Lorsque le multipartisme arrive en 1990, Omar Bongo prend peur et recompose son régime. Cela étant, il faut bien faire la différence entre le régime Bongo et le système Bongo.
Lorsqu’on parle du régime Bongo, on voit son parti, le PDG, et le parti-Etat qu’il incarnait. Le système, lui, est beaucoup plus complexe. Il comprend le régime, les partis satellites du PDG, ses alliés occultes de l’opposition, la France politique, les cadres des forces de sécurité et de défense, les religieux, les sociétés occultes comme la franc-maçonnerie, le Ndjobi… Voilà ce qu’était le système Bongo. D’aucuns s’accordent, d’ailleurs, à dire aujourd’hui que ce système garde encore sa capacité de nuisance au sein du CTRI. Pour d’autres, le CTRI, c’est le système Bongo qui a fait sa mue. On ne voit pas où se trouve la responsabilité des provinces dans ce partage ou dans le fonctionnement du système Bongo.
Omar Bongo tenait ses proches non seulement par l’aisance que procurent le pouvoir, les postes, l’intimidation, l’argent, les femmes et les loges, mais aussi par la peur de la précarité et de la mort subite, les Bongo, de père en fils, ayant introduit les assassinats dans leur mode de gestion. Non, Monsieur Myboto, les provinces et leurs ressortissants (y compris le Haut-Ogooué) n’ont rien à se reprocher dans la manière dont le système Bongo, dont vous étiez un acteur central, a géré ce pays et l’a mis dans l’Etat où il est.
Revenons dans le cas spécifique du Haut-Ogooué ! Omar Bongo l’a divisé en trois zones d’influence. Ainsi, le pouvoir politique se trouvait à Bongoville (la ville des Bongo, ancien Lewaï), chez lui ; le pouvoir militaire à Akiéni (qui compte actuellement le plus grand nombre de généraux) et le pouvoir financier à Okondja (le sanctuaire du Ndjobi). Lorsqu’on voit ce partage, on constate que tous les départements du Haut-Ogooué ne sont pas concernés. Quid des autres provinces et départements du Gabon ?
Il est vrai que la longévité au pouvoir d’Omar Bongo et la nomination à des postes clés des fils du Haut-Ogooué avaient donné l’illusion à de nombreux Gabonais que seuls les cadres du Haut-Ogooué profitaient du régime. D’où la violence dont ils ont fait les frais en 1990. Mais, depuis lors, les Gabonais sont désormais conscients que le mal du Gabon c’était les Bongo, leurs suppôts et autres collabos. La preuve, lorsque Zacharie Myboto quitte le PDG pour aller dans l’opposition en créant l’UGDD, des milliers de Gabonais de toutes les provinces ont adhéré à son parti en fermant les yeux sur son passé et son passif au sein du régime et du système. Idem pour Mba Obame, les Chambrier, Jacques Adiahénot, Missambo, Oye Mba et Jean Ping… Pourquoi ? Tout simplement parce que, dans l’imaginaire des Gabonais, ils n’étaient que les maillons d’un système qui a ruiné le Gabon et que chaque fois qu’un de ces maillons s’affranchissait, on pensait que cela affaiblirait le régime. Ce qui n’était pas forcément vrai. La preuve, ce régime a tout de même tenu 52 ans. Le système Bongo, lui, refuse de mourir et reste aux affaires, aussi bien au palais du bord de mer, au gouvernement qu’au Parlement.
Mais on comprend. Le vieux Lopez voulait se dédouaner en qualité de fils du Haut-Ogooué. Sauf que le Haut-Ogooué n’a rien à avoir dans le passé et le passif du Gabon. En revanche, de nombreux fils de ladite province sont devenus immensément riches grâce au régime et au système Bongo. Ils ne peuvent pas, en dehors de la politique, justifier leur immense fortune. Et sans la France et Mborantsuo (ressortissante du Haut-Ogooué), sans la GR (tenue par un ressortissant du Haut-Ogooué), jamais les Bongo ne seraient restés aussi longtemps au pouvoir.
Rappelons que lorsque Zacharie Myboto est nommé secrétaire administratif du PDG, il est instituteur du primaire. Rappelons aussi que tous les ministres des Travaux publics, à partir de 1976 après le départ de Paul Malékou, étaient tous du Haut-Ogooué. Sans exception. En voici les noms : Joumas Libizangomo, général de police Jean Boniface Assélé, Zacharie Myboto, Egide Boundono Simangoye, Gl Idriss Firmin Ngari et Magloire Ngambia, Jean Pierre Oyiba (sous Ali Bongo). Il y a ici une évidence. C’est qu’une province (le Haut-Ogooué) a monopolisé le ministère le plus important du Gabon pendant plus de 35 ans sans véritable résultat. Et là Myboto dit que tout le monde est coupable ? Quelle est la part de responsabilité des cadres du Haut-Ogooué en dehors de ceux qui étaient aux affaires dans ce désastre ? Et celles des autres provinces ? Aucune ! Non, il n’y a pas de responsabilité collective. En politique, en administration, comme en droit, la responsabilité est individuelle.
C’est le président de la République qui en porte la responsabilité et non sa province d’origine
Un pays est gouverné par un président élu, souvent sur la base d’un projet de société. Et c’est lui qui prend les décisions. Les Bongo, au Gabon, parce qu’ils estimaient que le pouvoir leur était dû, considéraient le Gabon comme leur bien privé, leur héritage ancestral. C’est sur cette base qu’ils organisaient des parodies d’élections dont ils refusaient d’ailleurs les résultats lorsqu’ils étaient contraires à leur position.
Sous Omar Bongo (42 ans de règne), le Gabon a connu plus de cinq PM tous originaire de l’ethnie fang de l’Estuaire (Léon Mebiame Mba, Casimir Oye Mba, Dr Paulin Obame Nguema, Jean François Ntoutoume Emane Eyeghe, Jean Eyeghe Ndong). Tous ont échoué. Etaient-ils tous des cancres ? Non. Seulement, pour réussir, il fallait avoir l’imprimatur du Bongo régnant. Sous Ali Bongo, sept PM en 14 ans (Paul Biyoghe Mba, Raymong Ndong Sima, Daniel Ona Ondo, Emmanuel Issoze Ngondet, Julien Nkoghe Bekale, Rose Christiane Ossouka Raponda et Alain Claude Bilie-by-Nze). Tous des cancres, des idiots, des voleurs ? Non ! Personne d’entre eux ne devait réussir. Les cadres des neuf provinces du Gabon ne peuvent porter la responsabilité de ce fiasco. Et ce n’est pas parce que Marie Madeleine Mborantsuo validait chaque fois les coups d’Etat militaro-électoraux des Bongo que le Haut-Ogooué va en porter la responsabilité sous-prétexte qu’elle est de là-bas. Omar Bongo, faut-il le rappeler, avait tout fait pour que son fils, Ali Bongo, lui succède. En son temps, feu Léon Mba (un Fang de l’Estuaire et du Moyen-Ogooué) n’aurait jamais fait ça. Pire, combien de Fang, du côté de son père et de sa mère, a-t-il mis aux affaires ? Si Léon Mba était tribaliste, il n’aurait jamais choisi Albert Bernard Bongo comme vice-président et successeur.
Parlons un peu des postes !
Quelle est la province qui avait les ministères clés au sein du gouvernement et les postes clés au sein de l’administration ? Après 56 ans de pouvoir, il manque de l’eau potable dans les villages du Haut-Ogooué. Après 56 ans de pouvoir, pas une route carrossable digne de ce nom pour rallier le Haut-Ogooué. Même à Mounana, chez Myboto, la route est un palabre. Et pourtant, il est resté 20 ans au TP.
Parlant du Transgabonais (encore appelé train de la brousse), il est l’un des plus ridicules du monde (une seule voie). Pourtant il a enrichi des personnes comme Eyamba Tsimba (Haut-Ogooué), Georges Rawiri (Moyen-Ogooué). Ils portent seuls la responsabilité de leurs actes.
Au temps de Léon Mba, un programme routier avait été tracé à l’époque de Vincent de Paul Nyonda. On devait faire toutes les routes du Gabon. Nous avons 9 700 km de route. Il semble qu’il n’y a même pas 30 % qui sont bitumées. Depuis pratiquement 1967, il n’y a pas eu de grands travaux. Quand on a essayé le programme de 1977, Libreville devait ressembler à Dubaï. La maquette de l’époque existe. Mais Bongo et ses proches ont pris l’argent. Doit-on accuser les autres provinces du Gabon ?
Au Gabon, lorsqu’on vous nommait ministre, les Bongo mettaient autour de vous des cadres du Haut-Ogooué qui avaient la décision. Vous étiez nommé directeur général, on vous collait un adjoint ou un directeur financier du G2 qui avait la décision. vous ne pouviez donc rien faire. La même logique existait dans les corps habillés. Un petit lieutenant du Haut-Ogooué était plus influent qu’un commandant d’une autre province… Et Bongo l’a avoué lui-même lorsqu’il déclara que « je préfère faire confiance à un Bûcheron du Haut-Ogooué qu’à un pédégiste du Woleu-Ntem ». Non, Monsieur Myboto, personne n’accuse le Haut-Ogooué de rien. Ce qu’on demande à certains de ses fils qui étaient aux affaires et qui se sont enrichis sur le dos de l’Etat, c’est de nous montrer les résultats de vos 56 ans à la tête du pays. Soyez honnêtes avec vous-mêmes !
Il n’y a pas un seul Gabonais qui avait l’expérience de Marc Saturnin Nan Nguema qui avait de l’expertise en matière de négociation en matière des produits énergétiques. Il est l’un des premiers Africains à avoir travaillé à Genève dans ce marché-là. N’était-il pas le gars le plus indiqué pour s’occuper du pétrole ? Omar Bongo a dit non. Il lui a plutôt demandé de venir au gouvernement. Il a posé une condition, seulement le ministère des Finance afin de redresser l’économie du pays. Omar a encore dit « non, je ne peux pas te donner ça ». Il a mis le maître Jérôme Okinda (Obamba d’Okondja) qui ne connaissait rien à ce niveau. Conséquence, ses interlocuteurs se plaignaient. Pascal Nze venait toujours jouer au bouche-trou en corrigeant le tir. Le successeur de Jean Clément Didjob Divungi di Ndinge à la direction générale de la SEEG n’avait jamais dirigé, car sortant de ses études, donc un homme sans expérience. Il était du G2… Où est-ce qu’on en est aujourd’hui ? Actuellement, le ministre de l’Energie est du G2, le DG de la SEEG aussi. Mais Franceville, comme les autres localités du Gabon, subit les affres des coupures intempestives et l’eau manque dans les robinets.
Les politiques du G2 avaient fait le siège chez Omar Bongo, au palais du bord de mer, pour enlever Mamadou Diop à la direction générale des douanes qui est resté là (un monsieur responsable). Leur siège a payé, car ils ont récupéré le poste pour mettre Ludovic Ognagna. Peut-on parler des résultats ? Jean Pierre Lemboumba Lepandou (Obamba d’Okondja) était commissaire général au plan pendant 10 ans, rongeant son frein en attendant de récupérer la place de son parent Jérôme Okinda aux finances où il a encore passé 10 ans. Le pays a-t-il avancé ? Lemboumba n’est-il pas devenu l’une des plus grosses fortunes du Gabon à l’image de Mborantsuo, Okinda, Mamalépot, Assélé, Ngari, Toungui, Ali Bongo, Myboto…Mais qu’est-ce que le Gabon y a gagné ?
C’est quand même incroyable, pour des gens qui sont restés au pouvoir pendant 56 ans, que, dans leur province, il n’y ait pas de routes. Regardez ce qu’Alassane Ouattara vient de faire en Côte d’Ivoire ! Il a mis les routes. Regardez comment Houphouët-Boigny a transformé Yamoussokro (un village de pêcheurs) ! Toutes les routes sont tracées. Même aujourd’hui où il n’est plus là, les habitants, pour lui rendre hommage, maintiennent la propreté de la ville. Ils nettoient les routes. C’est comme ça que les autres font. C’est-à-dire que chaque président a le souci d’arranger sa région et son pays. Le Gabon est le seul pays où le président n’a rien fait pour sa province et l’on dit qu’il était Altogovéen. Il faut voir les belles bâtisses des cadres du G2 à Libreville. Mais il n’y a aucune bonne route qui part de Libreville pour arriver chez eux. Depuis que les Bongo ont quitté le pouvoir, quel est le compatriote du G2 qui a été ou qui se sent inquiété ? Même pas Mborantsuo…
Le programme des fêtes tournantes a commencé dans le Moyen-Ogooué en 1970. On a promis les routes aux gens du G3. Mais on n’a rien vu. Omar Bongo est venu plusieurs fois à Lambaréné par la route. Le notable Ekoh a fait deux discours pour lui dire l’état des routes de Lambaréné. Bongo l’a laissé parler. Une fois qu’il avait quitté Lambaréné, Georges Rawiri a envoyé les gendarmes pour arrêter Ekoh. Il a passé 15 jours à la gendarmerie parce qu’il avait osé dire à Bongo que les routes de Lambaréné sont dans un piteux état. Elles le sont encore à ce jour, 44 ans après.
D’ailleurs, en venant à Lambaréné, Bongo a été victime du mauvais état de la route. La voiture qui devait le conduire pendant son séjour a été coincée entre Bifoun et Oyan à cause de la pluie. C’était la Mercedes noire du député de la commune qui l’avait conduit pendant les trois jours qu’il a passés à Lambaréné. Non, Myboto n’a pas à culpabiliser. On veut juste les résultats de son passage aux TP.
Abime te !
Guy Pierre Afane Ayare