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Gabon : Tribune libre de Beauty Nana BAKITA MOUSSAVOU /Transition gabonaise : Les boniments de Brice Clotaire Oligui Nguema

C’est de Makokou, chef-lieu de province de l’Ogooué Ivindo, que le chef de la junte militaire au pouvoir au Gabon, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, avait présenté ses vœux de nouvel an à la Nation. Il en avait profité pour dresser le bilan de sa seizaine de mois de pouvoir, mais surtout s’appesantir sur ses desseins à venir à la tête de son gain.

Au soir du 31 décembre 2024, à Makokou, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema a tenté de dissuader les Makovistes de ne pas céder aux chants des sirènes de leur fils Alain Claude Bilie-by-Nze, dernier Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba, critique acharné de la transition dont il avait serré les pinces quelques jours auparavant. L’intéressé s’était rendu chez Brice Clotaire Oligui Nguema pour lui remettre les propositions de sa plate-forme « Ensemble pour le Gabon » suggérant des clés permettant une sortie sans heurts de l’état d’exception actuel.
Dans son allocution, Brice Clotaire Oligui Nguema a, tout feu tout flamme, fait l’étalage de ses innombrables réalisations, de l’unité nationale restaurée à initiative du fulgurant succès de son scrutin référendaire. Aussi, sans aucune humilité, s’est-il prévalu d’avoir tout bâti, tout construit en seize mois de magistère. Outre-tombe, Hercule crèverait de jalousie.
Les Gabonais, hormis peut-être les cajoleurs, ont beaucoup souffert de l’écouter pendant sa prise de parole au cours de laquelle les contorsions du chef de la junte militaire au pouvoir au Gabon réduisaient l’étendue et la portée de ses annonces. Il est généralement admis que c’est par les gestes que l’on peut juger la grandeur d’une personne, car ceux-ci sont le reflet de soi-même. Narcissisme égocentrique en bandoulière, il croyait éclairer la lanterne des Gabonais en s’échinant à révéler ce qu’ils ignoraient et ce que les yeux des non-initiés ne voyaient pas, notamment des écoles, des hôpitaux, des routes…sortis spontanément de terre. Tout le pays croulant sous le poids des chantiers.
Peignant avec une minutie certaine l’état d’une Nation, il avait dégainé, entres autres, « le Gabon se remet debout, uni et déterminé ». « La paix règne sur l’ensemble de notre territoire » et il y veille comme sur la prunelle de ses yeux. « Notre unité nationale (…) s’est renforcée pendant cette période de transition ». « Les ethnies, jadis instrumentalisées, s’effacent au profit d’une identité nationale plus forte et plus fraternelle… ».
Dans cette adresse circonstancielle, le père Noël avait annoncé les constructions d’une ligne ferroviaire Booué-Mayumba et d’un port en eau profonde de Mayes-sur-mer portées en son temps par le talentueux artiste musicien Makaye-ma-Mboumbe, alias Mack-joss. Très optimiste, il incantait que « bientôt traversera nos forêts le chemin de fer tant attendu… » pour, en fait, préparer l’opinion au passage du témoin entre Léon Mba, dont de Gaulle ne voulait plus comme sous-préfet de son domaine, et Albert Bernard Bongo, son ex-agent de renseignements à Brazzaville.
D’Albert Bernard Bongo, devenu, plus tard, Omar Bongo, et, enfin, Omar Bongo Ondimba, le port de Mayumba et le chemin de fer, même si Oligui Nguema a sorti de son ciboulot un tracé changeant de direction pour ce qui concerne la voie ferrée, ces projets ont été plusieurs fois procrastinés à cause des détournements de budgets affectés à leur réalisation.

Paix et unité nationale questionnées

Spinoza avait dit, en son temps, que « la paix n’est pas l’absence de guerre, une vertu, un état d’esprit. C’est une volonté de bienveillance, de confiance et de justice » alors que les dirigeants gabonais associent sans cesse la paix à l’absence de guerre. Leur approche caricaturale de la paix est matérialisée par les incessants recrutements dans les corps de défense et de sécurité, tout comme le nombre très élevé de généraux au sein des corps habillés. La dernière cuvée a porté son nombre à plus d’une centaine d’étoilés alors que la population gabonaise était estimée à deux millions quatre cent trente-sept milles (2 437 000) âmes en 2023.
Un bataillon est une unité militaire commandée par un officier supérieur regroupant plusieurs compagnies de trois cent (300) à mille deux cents (1 200) hommes. Pour l’armée gabonaise, constituée d’à peine trente mille (30 000) têtes, un général ne disposerait que d’environ deux cents (200) hommes de troupe, chiffre bien en deçà de l’effectif d’un régiment.
La pléthore d’étoilés au Gabon donne à croire, d’une part, que la plupart sont davantage appelés pour, non seulement améliorer leur ordinaire, mais aussi pour garantir à jamais leur panse et leur sécurité financière ad vitam aeternam, aux frais de la « princesse » et sans raison, d’autre part, qu’il y aurait une relation dialectique entre le concept de paix et l’inflation affolante des généraux.
Si nous prenons l’autre pan de la définition de Spinoza, c’est-à-dire « une volonté de bienveillance, de confiance et de justice », serait-on en paix lorsque des compatriotes se nourrissent de produits avariés extraits des ventres des décharges de Libreville, de Ntoum et de Port-Gentil ? Serait-on en paix lorsque la volonté de justice se traduit par une répartition inégale des fruits de la richesse du pays ? Serait-on en paix lorsque les étudiants à l’étranger sont assimilés à des sans domicile fixe (SDF) et menacés de reconduite à la frontière par les pays d’accueil parce qu’ils sont rendus insolvables par l’Etat gabonais qui les prive de leurs bourses et de leurs allocations d’études ?
Le concept de paix a donc été souvent mis en musique par les locataires du pouvoir gabonais pour servir, sans élément objectif probant, une manipulation « machiavélisée ». Force est de constater qu’aucun déficit de paix n’a été jusqu’alors constaté pour justifier le niveau de misère et une pauvreté du pays et de sa population. L’usage quodlibétique et machiavélisé de la paix est aussi questionné que celui de l’unité nationale.
A l’évidence, il est constaté, avec effroi, que les tensions ethniques, naguère en courbe descendante sous Ali Bongo Ondimba, se sont vivement exacerbées depuis l’arrivée de Josué au pouvoir. Leur pic a crevé le plafond à l’occasion de la campagne référendaire. En effet, les locataires du pouvoir ont copieusement instrumentalisé les tensions ethniques par la création de groupements communautaires et d’associations ethniques pour faire triompher le « oui » que le chef de la junte militaire au pouvoir a tracté à sa personne, car ce dernier fonde l’exercice de son action politique sur l’émergence des ressortissants fang, particulièrement ceux du canton Kyé, et sur la promotion des Téké de Ngouoni. Le dire n’est pas synonyme d’une exacerbation des tensions, mais attirer l’attention de la junte militaire au pouvoir au Gabon sur le fait que lorsque le vide remplace le vide, il se crée un tourbillon dans le vide.

Justice sociale de façade

Ali Bongo Ondimba, de sa somptueuse résidence où il est reclus sous bonne garde, avait défié son tombeur et ses acolytes du CTRI en prophétisant : « nous verrons s’ils feront mieux ». En d’autres termes, l’ex-monarque sans couronne déchu marquait sa tragique dubitation quant au génie créateur des individus sortis tout droit des éprouvettes des laboratoires de son illustre géniteur des plateaux. Leurs résultats paraissent lui donner raison. Ceux-ci troublent le Parti gabonais du progrès (PGP) qui a affirmé avec gravité que la dignité et la vie du Gabonais n’ont plus de valeur. L’inflation des prix des produits de première nécessité, continuant à s’envoler soumet à rude épreuve le panier de la ménagère, davantage au niveau des Gabonais économiquement faibles. Les petites surfaces et les quelques Petites et moyennes entreprises (PME) ayant pignon sur rue jouent toutes à la valse des étiquettes. La mercuriale, manipulée à souhait par des commerçants véreux sous la protection des services du contrôle des prix, contraint une frange des Gabonais à se nourrir de produits avariés des décharges et des égouts.
En ce qui concerne l’électricité et l’eau, tout se passe comme au temps du pouvoir déchu. Le bal des directeurs généraux à la tête de la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG) inaugurée sur fond de gonflement des muscles et des humiliations de son personnel par le chef de la junte militaire au pouvoir ne contribuent pas à réduire les délestages. Les interruptions du courant, volontaires, momentanées et souvent de longues durées, continuent à faire vivre le calvaire aux abonnés. La dégradation de leurs faibles stocks alimentaires et la détérioration de leurs appareils électro-ménagers en témoignent.
Pendant ce temps, les dirigeants de cette entreprise parapublique, de la base aux tutelles, jouent au sport-roi toujours en expansion dans le Bongoliguiland. Hier, c’étaient des détournements des recettes et pillages via des sociétés-écrans montées par des cadres de la SEEG. Aujourd’hui, c’est l’arnaque sur fond dudit sport-roi impliquant, outre la direction générale, la mairie de Libreville, le Fonds gabonais d’investissements stratégiques, des membres du gouvernement, notamment Mays Mouissi. D’autres fossoyeurs de la SEEG sont connus et attendent leur tour pour répondre l’appel de la Commission de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.
Mais la SEEG n’est pas la seule proie des athlètes du sport-roi au Bongoliguiland. Il y a, par exemple, l’affaire Webcor qui fait le pont entre le régime déchu et la junte militaire au pouvoir au Gabon. En effet, elle remonte au temps où la marie de Libreville, entre les mains de Jacky-mille-diplômes, apparatchik et idéologue du Parti démocratique gabonais (PDG), décida de doter la capitale gabonaise d’un grand marché moderne dont la société Webcor en fut adjudicataire. Mais la mise œuvre du projet prit du plomb dans l’aile. Des marchandages financiers, sur fond de velléités des athlètes du sport-roi bongolandais, amenèrent Webcor à saisir le tribunal arbitral de Paris. Elle perdit le procès et le Gabon fut relaxé. Les « Oliguilandais », fraîchement en selle, salivèrent en découvrant cette affaire. Des proches du chef de la junte militaire au pouvoir, parmi lesquels sa belle-sœur, du haut de sa dignité de directrice générale de l’agence judiciaire de l’Etat, se crurent alors malins de conclure sur le dos de leur pays et du tribunal arbitral de Paris un accord transactionnel qui permettait à cette société de ne pas jeter l’éponge et à eux d’être servis au titre de l’Etat gabonais, pourtant relaxé par la justice française, d’une rétro-commission du pactole d’une centaine de millions d’euros, soit environ une soixante treizaine de milliards de Fcfa devant revenir dans les caisses de Libreville.
L’homme d’affaires Hervé Patrick Opiangah, qui en eut vent, se fendit d’une plainte auprès du tribunal arbitral de Paris pour faire foirer cette opération frauduleuse de haute voltige d’une crapulerie de la pire espèce, mais usitée en terres gabonaises. Opiangah, patriote fusse-t-il d’un jour, désormais réduit au silence, il s’ensuit un lourd silence sur ce crime financier. Ainsi va notre essor vers la félicité.

Satisfecit débordant et ostentatoire

La masse salariale dans la fonction publique a explosé. Elle serait d’environ huit cent milliards (800 000 000 000) de Fcfa. Il se susurre qu’elle continuera à s’envoler avec l’accroissement vertigineux du nombre de généraux et, partant, des émoluments faramineux. Les primes et indemnités octroyées aux parents, amis, à la famille, copains et coquins y contribueront également. A contrario, les différents rappels de salaires ou d’indemnités de cessation de service des dignes Gabonais qui ont servi honnêtement ce pays ne peuvent pas être payés. Comme au temps du pouvoir déchu, la corruption, les détournements des deniers publics et la kleptomanie ont pris des proportions inégalées. Le taux de chômage de jeunes diplômés à la recherche d’un premier emploi a explosé. Cerise sur le gâteau, un opérateur économique burkinabè, de la société Ebomaf, est allé jusqu’à traiter les gouvernants gabonais d’ambianceurs qui passent leur temps à danser au lieu de créer des entreprises pour lutter contre ce fléau. En réponse à une aussi grave infamie, lesdits dirigeants se sont offert, à coups de plusieurs millions de francs cfa, des artistes de la chanson pour enivrer le peuple pourtant englué dans la misère et la précarité.
Comme l’a souligné récemment la Coalition pour la nouvelle République (CNR), la gestion du pays depuis un an par les forces de défense et de sécurité, particulièrement par le CTRI, a amené la Banque mondiale à arrêter ses décaissements, à deux reprises. La dette publique avait atteint des sommets insoutenables tant sur les marchés internationaux qu’au niveau national. Les institutions de Bretton Woods pointaient du doigt, notamment, la mégestion économique, la pratique soutenue du sport-roi enraciné depuis des décennies dans notre pays, la dépendance excessive aux matières premières dont le pétrole, le manganèse… marqués par une volatilité des prix qui boostent la vulnérabilité structurelle du Gabon et l’endettement chronique. Et puis, il y a le désintérêt relatif des investisseurs traditionnels pour le Gabon où l’Etat de droit reste discutable.

Pour Vincent Moulengui Boukosso, président de « la CNR, comme au temps du pouvoir déchu, les auteurs de détournements des deniers publics, pourtant connus de tous, qui mettent en mal les institutions de la République, jouissent d’une impunité totale. Ils sont, tout au plus, suspendus de leurs fonctions, mais jamais mis à la disposition de la justice ». Son « mouvement, a-t-il martelé, ne prône pas le règlement des comptes, mais milite pour la culture d’une justice qui assainit les mœurs d’une société, une justice rendue au nom du peuple gabonais, équitable et qui élève la Nation par son indépendance, son impartialité, sa transparence et sa responsabilité ».
Les arrestations arbitraires, les humiliations de tous genres, les tortures, les décès par torture et les assassinats sont légion. Cas de Johan Bounda, alors sous le drapeau, torturé au B2 jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les officiers supérieurs, présumés commanditaires et donneurs d’ordres, suspendus de leurs fonctions ne sont pas toujours mis à la disposition de la justice. Du coup, petit à petit, le pays sombre dans la République de l’impunité comme dans un film relatif au Far-West où le crime et la mort d’un homme y sont considérés comme de simples incidents.
S’en indignant, la CNR a rappelé certaines dispositions de la Constitution promulguée le 19 décembre 2024 en la matière. L’article 12 stipule que « nul ne peut être humilié, maltraité, torturé, ni faire l’objet de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants même lorsqu’il est en état d’arrestation ou d’emprisonnement ».
L’article 16.3 dispose, à son tour, que « tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité… ». Pourtant, ce sont ces humiliations, tortures, arrestations arbitraires et emprisonnements sans jugement…cette indignité permanente que les Gabonais endurent dans leur propre pays.
L’histoire sainte enseigne que Josué, berger du peuple d’Israël, avait perdu la bataille d’AI parce qu’il fut entouré de voleurs. Il a fallu qu’il s’en débarrasse pour parvenir à accomplir sa mission. La CNR exhorte donc le chef de la junte militaire au pouvoir au Gabon à s’approprier l’histoire de Josué pour réussir la restauration des institutions et la restitution de la dignité aux Gabonais.

 

 

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