Qui l’aurait cru ? Que six (6) mois après la tenue de la fameuse « Concertation sur la gouvernance hospitalière au Gabon », sous l’égide de la tutelle et avec l’ensemble des partenaires (syndicats des praticiens et médecins, hôpitaux publics, CNAMGS et pharmacies), la situation allait rester au point mort ?
Un secteur mourant
La rencontre tenue le 06 mai 2019 à Owendo entre les responsables de toutes les structures hospitalières du pays et celui de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS), sous la présidence de la tutelle, n’aura finalement accouché que d’une souris. Et pour cause, depuis le jeudi 19 septembre 2019, les structures hospitalières de l’Etat sont sous le coup d’une grève (forte perturbation des services).
Entre 2010 et 2016, trois structures hospitalières ont vu le jour à Libreville ou ont été rénovées : le CHU de Libreville (ancien hôpital général), le CHU d’Angondjé, le CHU Jeanne Ebori et le CHU d’Owendo. Ce qui veut dire que l’Etat n’a investi en infrastructures hospitalières que dans la capitale, mais quid des grandes villes de l’intérieur du pays comme Port-Gentil, Oyem, Mouila, Lambaréné, Makokou, Koula-Moutou pour ne citer que celles-là ?
L’inauguration de ces nouvelles structures a laissé présager un changement du secteur par une meilleure prise en charge des populations (accueil, diagnostics, traitements et suivis). Surtout que la CNAMGS, riche du fonds des fonctionnaires et de celui du secteur privé, devait aider à renflouer la trésorerie de ces hôpitaux. Mais le constat d’un échec est patent.
Les Gabonais qui s’orientent vers les hôpitaux voient, affichées dans les halls de ces derniers, des grilles de prix des prestations exorbitantes. On se croirait dans des cliniques privées. Mais qu’est-ce qui ne va pas ? De la simple consultation à celle d’un spécialiste, en passant par les prix des nuitées d’hospitalisation, les examens, la taxation des soins infirmiers, le passage au bloc ou réanimation…, les Gabonais n’en peuvent plus. Tout est cher. Et pourtant, c’est bien le budget de l’Etat voté au Parlement qui a financé la construction de ces hôpitaux, qui paie les personnels (soignants, administratifs et d’appui) et les équipements qu’on y retrouve. Comment se fait-il que l’argent soit devenu, comme dans une clinique privée, la priorité des hôpitaux publics ? Et pourquoi le service rendu est-il aussi lamentable dans ces mouroirs de l’émergence ? On a même parfois l’impression qu’à la place de vrais médecins, on a plutôt affaire à des charlatans en blouses blanches.
Aucun DG de ces structures publiques ne peut se targuer d’une gestion transparente. A tous les niveaux de responsabilité jusqu’aux majors et médecins, tout le monde vit de la corruption, de rabattage des malades vers les cliniques et laboratoires privés ciblés, le racket, le mercantilisme. Pire, dans certains services, on ne retrouve aucun professeur, rien que des stagiaires étudiants (internes) qui font office de « docteurs » et pourtant en quête d’expérience et de savoir. Les gens sont donc exposés à l’expérience à vif et au risque de mort (opérations, faux diagnostics, donc fausses ordonnances). Les « profs » et les doc’ expérimentés, grassement payés par l’Etat chaque 25 du mois, sont dans des cabinets privés de la place où les frais de consultation crèvent le plafond.
Les appareils de diagnostics (VIH-CD4, scanners, IRM, radios, etc.) sont démontés en pièces détachées pour être revendus aux cliniques privées. Les kits d’accouchement et les produits anti-rétroviraux sont détournés dans les réseaux de commercialisation des agents (à la maison, dans les cliniques privées). Les plateaux techniques au niveau des salles d’opération sont vieillissants, voire surannés. Les malades sont opérés parfois vaille que vaille, car les médecins prennent certains gros risques.
La cause…le régime Bongo
En pleine campagne électorale en août 2016, Ali Bongo avait déclaré que grâce à ses réformes, les hôpitaux gabonais sont aux normes en Afrique et que lui-même, à la moindre occasion, n’hésiterait pas à aller s’y faire soigner.
Depuis son AVC du 24 octobre 2018 à Ryad, est-il déjà allé à l’hôpital militaire ou au CHU de Libreville se faire suivre ou passer des examens ? C’est une honte qu’un dirigeant autocratique soit devenu aussi un « menteur ». Il se fait soigner à Ryad, puis au Maroc et, actuellement, à Londres. Pourquoi après dix (10) ans de règne, ne va-t-il pas se faire traiter, lui, sa femme ou ses enfants, même pour des visites de routine, dans l’un des hôpitaux dont il vante tant les qualités ? Même El Rapha, qui dispose d’un pavillon présidentiel de luxe (de l’or partout), ne trouve pas grâce à ses yeux. Avant lui, son père Omar Bongo allait se faire soigner en France. Il est mort sur un lit d’hôpital à Quiron, à Barcelone (Espagne) et non pas à Libreville après quarante-deux (42) ans de pouvoir. C’est la preuve que ces gens-là ne sont pas là pour le bien-être des Gabonais.