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Inspiration épistolaire au Gabon : Missive patriotique à Madame le Premier ministre, chef du gouvernement

Madame et Monsieur les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale,
Madame le président de la Cour constitutionnelle,
Objet : Votre Haute attention, s’il Vous plaît.
Mesdames et Messieurs, chers compatriotes.

Je suis Guy NANG-BEKALE, de nationalité gabonaise, retraité, né le 12 décembre 1950 à l’hôpital du docteur Albert Schweitzer, à Lambaréné, dans la province du Moyen-Ogooué qui est couramment qualifiée de Gabon en miniature du fait de son caractère plurilinguistique. J’ai été en service au cabinet présidentiel, sous Omar Bongo, avec le titre de conseiller personnel.
C’est en citoyen libre et patriote, jouissant de ses droits civils et civiques, respectueux et partisan du fonctionnement normal des institutions républicaines que je me permets de m’adresser à vous, en vos qualités de responsables des organes suprêmes exécutif, législatif et judiciaire de l’Etat. J’ai fait le choix de ne pas m’adresser à l’institution présidentielle parce que son représentant est gravement malade. Certains de ses proches disent qu’il est très fatigué, malentendant et malvoyant. Aussi, me suis-je abstenu de le déranger.
Par la présente, j’attire votre bienveillante attention sur quelques problématiques qui sont relatives à la violente crise multiforme que traverse le pays et qui se manifeste par le dysfonctionnement généralisé de ses institutions majeures, à savoir : le gouvernement, le Sénat, l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle.
Depuis plusieurs jours, une proposition politique, appuyée par le Conseil national de la démocratie (CND), dite « Appel à la paix des braves », est lancée en direction des citoyens de la société civile et du monde politique par ses concepteurs-auteurs. Une offre de ce genre avait déjà été adressée aux Gabonais en 1993. Elle était portée par le défunt président du PGP, Monsieur Pierre Louis Agondjo Okawé, frère aîné de Monsieur Jean Ping. Ledit « Appel à la paix des braves » avait pour finalité d’aider le président Omar Bongo, qui était en situation d’échec électoral, à demeurer au pouvoir et de restaurer un climat apaisé et calme face au soulèvement populaire qui contestait violemment sa victoire.

Mesdames et Messieurs. j’affirme sans réserve et en connaissance de cause que nul homme, doté d’un minimum de bon sens, de discernement et d’intelligence, ne peut vouloir à la fois la guerre et la paix. Tous les citoyens d’un pays aimeraient vivre en sécurité, en paix et dans la concorde. Par conséquent, il semble surprenant qu’un groupe de compatriotes invite à la paix pendant que vous, les gouvernants du pays, en phase avec Le Drian Jean Yves, ministre français des Affaires étrangères, affirmez que les institutions fonctionnent correctement au Gabon. Ici apparaît une contradiction et une divergence d’appréciation de l’état du pays entre « les braves », qui remarquent qu’une grave crise menace la paix, et vous, qui rassurez les citoyens. Qui croire ? Pour la majorité des Gabonais, le mode de fonctionnement actuel des pouvoirs institutionnels met le Gabon en danger.

Madame le Premier ministre.

Le gouvernement, qui a la charge de conduire l’action politique de l’Etat, semble ne prendre aucune initiative démonstrative de la volonté de résoudre les difficultés basiques de la vie des Gabonais. La plupart des projets retenus depuis 2009 n’ont pas un début d’exécution.Rien de vigoureux n’est entrepris pour réparer les dommages causés sur les infrastructures par l’usage et la nature. Le Gabon ressemble à un « no man’s land » du fait de l’inertie de l’Etat dont l’action améliorante est invisible. Quelques faits concrets certifient mes propos. C’est d’abord l’état de délabrement des voiries urbaines et des routes inter-provinciales, ainsi que la décrépitude des édifices administratifs. Les images y relatives sont d’une tristesse inqualifiable et insupportable. C’est à croire que ces secteurs sont à l’abandon par manque de responsables et de ressources pour assurer leur suivi, leur maintenance et leur propreté. C’est ensuite la gestion de la Covid-19 qui est devenue la priorité du gouvernement en matière de santé. La forte mobilisation pour cette pandémie a quelque peu détourné l’attention sur les autres pathologies telles que le paludisme, les AVC, la tension, etc. A l’observation et face à l’action des autorités médicales et sanitaires, on constate que le nombre de décès augmente. Seraient-ce les dégâts collatéraux causés par cette forte mobilisation pour la Covid ?
Les préoccupations et les attentes des Gabonais sont si nombreuses qu’il est plus que jamais urgent de penser à satisfaire, à la fois, leurs besoins basiques et ceux qui sont moins alimentaires et matériels. L’opinion vient d’être informée que sous la conduite du ministre du Tourisme, un Coréen va ériger une statue au Gabon. Même à titre de don, le peuple n’a cure d’avoir une statue. Il privilégie ses besoins vitaux. Une statue ne vit pas, elle ne voit pas, ne bouge pas, ne parle pas, ne respire pas, n’entend pas, ne rit pas, ne pleure pas. Elle ne changera rien dans leur vie et ils n’en tireront aucun profit.

Madame et Monsieur les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale.

L’actualité politique nationale de ce début de l’an 2021 est marquée par l’intense activité de vos deux chambres en matière de révision de certaines dispositions des lois…de la Constitution. Ces révisions ont eu pour effet de jeter l’opprobre dans le pays et de provoquer un sentiment de répugnance ; en particulier la dépénalisation de l’homosexualité, la place de l’épouse dans le foyer, la désignation d’une partie des sénateurs soumise à la discrétion du président de la République et la création, en cas de vacance de la présidence de la République, d’un Exécutif composé de trois personnalités : le ministre de la Défense et vous-mêmes. Cet assemblage est une première en Afrique francophone depuis les indépendances des Etats qualifiés de Républiques. Un Etat qui a pour vocation de prendre des décisions importantes ne peut guère s’accommoder d’une direction collégiale (ici tricéphale) qui est par nature potentiellement porteuse d’instabilité et d’anarchie. Généralement, les Constitutions consacrent deux principaux modes d‘organisation des institutions : le parlementarisme et le présidentialisme qui sont pratiqués dans la majorité des pays africains francophones. Les triumvirats n’ont pas de place dans un Etat dont le premier responsable, le Président de la République, est supposé être élu au suffrage universel suivant un processus électoral démocratique à base de candidatures uninominales. Quelle que soit la durée de la vacance de la présidence de la République, un pouvoir exécutif composé de trois entités est impropre à un Etat républicain et de droit. Ce choix fait apparaître un fossé entre vos montages juridiques, la volonté des Gabonais et leurs desiderata.

Madame le président de la Cour constitutionnelle

Actuellement, la Cour constitutionnelle est l’institution la plus honnie, la plus dévoyée et la plus critiquée par le peuple gabonais. Non seulement à cause de votre longévité et de celle des autres membres, mais aussi et surtout parce qu’elle n’exerce pas de façon loyale et impartiale son rôle de régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics et de contrôle de conformité des lois à la Constitution. La division de l’opinion entre ceux qui invitent à la « paix des braves » et ceux qui demandent de « reconsidérer votre décision » de 2016, qui a proclamé le perdant Ali Bongo vainqueur de la présidentielle, symbolise et témoigne du malaise qui est perceptible dans le pays. C’est à croire qu’en dehors de la Cour constitutionnelle, aucune autorité n’a la capacité de trouver la voie pour sortir le Gabon de cet enfermement et de cet immobilisme. Si, pour ne pas vous déjuger vis-à-vis des Gabonais en reconnaissant la victoire de Jean Ping et de la majorité des Gabonais de 2016, prenez alors la décision de déclarer Ali définitivement inapte à continuer d’occuper le fauteuil présidentiel.

Madame le Premier ministre, chef du gouvernement,
Madame et Monsieur les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale,
Madame le président de la Cour constitutionnelle.

Craintifs et en colère, les Gabonaises et les Gabonais s’interrogent sur leur présent, leur avenir et celui de leur pays. Ce questionnement porte sur :
– le trop plein d’étrangers sur le territoire national ;
– les violences qui perturbent la quiétude des citoyens, en particulier dans les quartiers sous-intégrés ;
– la destination prise par les énormes sommes d’argent détournées qui avaient été montrées aux populations ;
– l’effroyable dégradation des réseaux routiers urbain et national ;
– l’abominable vétusté des établissements des enseignements primaire, secondaire et supérieur, dont l’UOB et l’USTM ;
– les effectifs pléthoriques dans les amphithéâtres et les salles de classe du primaire et du secondaire ;
– le gros stock de la dette sans contrepartie d’investissements pour la réalisation en infrastructures et autres ;
– l’absence de début d’exécution des travaux des chantiers des projets annoncés, dont la compagnie aérienne, les logements sociaux, la baie des rois, etc. ;
– l’absence d’entretien ou l’abandon des coûteux stades de football ;
-Etc., etc., etc.

Suggestions.
Il est souvent reproché aux opposants, aux analystes et autres libres penseurs de toujours verser dans la critique sans jamais faire des propositions. Présentement, je me permets de vous en faire. Au préalable, déclarer officiellement que le Gabon est en crise et reconnaissez la nécessité de confectionner un plan d’urgence à mettre en œuvre à très court terme (3 à 4 mois) qui consisterait à :

1- définir les actions immédiates
– Informer les Gabonais que, pour cause de maladie, Ali n’est plus capable de travailler et va se « mettre en réserve de la République » pour se reconstruire ; puis annoncer la vacance du pouvoir exécutif ;
– confectionner et évaluer le coût des travaux prioritaires du plan d’urgence exécutable à la saison sèche (du 20 juin au 20 septembre 2021) portant sur les réfections des axes routiers les plus endommagés du pays et des bâtiments du primaire, du secondaire et universitaires et leur équipement ;
– libérer les prisonniers politiques.

2-Renoncer au projet la Transgabonaise
– Transférer ses financements et ses engins (équipements et matériels) à la réfection des axes routiers les plus endommagés ;
– lancer un appel à contribution financière auprès des nationaux fortunés identifiés par les organismes habilités ;
– mobiliser le génie militaire et les techniciens en génie civil à la retraite qui sont aptes à travailler ;
– former des équipes des travaux routiers et en bâtiment par province.

Je vous prie, Mesdames et Monsieur, de croire à ma parfaite considération.

Guy NANG-BEKALE, Docteur d’Etat en sciences politiques
Téléphone : 077 35 89 49

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