Dans sa parution en ligne du 21 mai 2025 dernier, le journal français Le Monde tombe à bras raccourci sur la multinationale Perenco. Les confrères, qui déballent leur enquête sur les “affaires troublantes du groupe pétrolier Perenco en Afrique…”, s’engouffrent dans un monde qui oscille entre “cadences infernales et soupçons de corruption”.
Dans leur enquête, les confrères reviennent sur l’accident mortel survenu à la plateforme pétrolière offshore de Becuna au large des côtes de Port-Gentil. On se souvient encore de cet accident qui va tourner au drame avec six morts. C’était un après-midi du 20 mars 2024…Un drame qui, si on en croit les confrères, aurait pu être évité si Perenco qui se fait du chiffre chez nous, avait pris soin de renouveler ses équipements surannés et rouillés, ou en se dotant des équipements de sécurité en bon état.
Ce n’est pas tout. L’enquête, basée sur un rapport publié par l’ONG américaine Environmental Investigation Agency, révèle que Perenco brille par “ une culture de travail toxique et par la pression considérable que les cadres du groupe basé à Paris et Londres exercent sur les travailleurs afin que la production se maintienne à tout prix ”, afin de se faire du chiffre. Le puits Simba III sur la plateforme Becuna est un des puits le plus productifs de l’ensemble du Groupe Perenco, avec une production journalière de 13,000 barils…
« La détermination du groupe Perenco à extraire du pétrole quel qu’en soit le coût aurait joué un rôle clé dans ce drame, » selon Luke Allen, campaigner avec l’ONG Environmental Investigation Agency. « Aucune entreprise n’est au-dessus de la loi et les décideurs du groupe doivent être appelés à rendre des comptes au Gabon. »
Et on apprend mieux sur la famille Perrodo (les propriétaires de Perenco). “ Une famille habituée à fuir la lumière et les sollicitations médiatiques... ”, mais qui est classé au 15è rang des grandes fortunes de France, avec un patrimoine évalué à 9.5 milliards de dollars, si on en croit le magazine Challenge. Mais la famille ne confirme pas.
C’est en s’inspirant de la série américaine Dallas avec Bobby et J.R. Ewing, que Hubert Perrodo va s’intéresser à l’odeur du pétrole. Et le ciel va lui être clément à ce niveau, car l’homme va finir par y prospérer.
Dans les années 1980, au moment où la Françafrique tournait encore en plein régime, Hubert Perrodo va arpenter les palais huppés des “ sous-préfets ” néocoloniaux. C’est ainsi qu’il tombe sous le charme du dictateur gabonais de l’époque, feu Omar Bongo Ondimba. Avec ce dernier, il conclut l’achat des vieux puits marginaux de pétrole. Il va étendre ses tentacules jusqu’au Cameroun voisin en passant par le Congo voisin et devient un homme riche… A la mort de Hubert Perrodo, ses enfants vont prendre le relai. François est placé à la tête de l’empire familiale. Le doublement du cours du pétrole entre 2007 et 2014 lui permet de faire exploser la boîte. Il multiplie la production du groupe par cinq en vingt ans…Sur les traces de son père, lui aussi va se créer son carnet d’adresse en Afrique et se lie d’amitié avec l’ancien dictateur gabonais Ali Bongo Ondimba. Tous deux amoureux des bolides, la clameur raconte qu’ils avaient l’habitude de fermer la piste de l’aéroport de Libreville certaines nuits durant, pour chauffer les moteurs de leurs cylindrées de course. Ali Bongo viré du pouvoir, François a réussi à ses faire ses entrées auprès de son tombeur et successeur Brice Clotaire Oligui Nguema alias C’BON.
L’enquête des confrères rappelle qu’il y a la culture du sang versé à Perenco. Exemple, avant Becuna, un jeune français de 34 ans, avait perdu la vie en chutant de la plateforme offshore de Dagada, au Cameroun, sur laquelle il travaillait comme foreur. On rappelle qu’avant de mourir, “ il avait alerté sur ses mauvaises conditions de travail et la cadence infernale imposée par ses employeurs…” qui vont faire le mort. Et cause la mort d’un ouvrier.
Perenco c’est aussi cette société qui sait se faire du chiffre mais accorde peu d’importance au respect de l’environnement : “ Ces dernières années, des fuites de pétrole sur ses sites où des pratiques de torchage – un procédé très polluant consistant à brûler les excédants de gaz à l’air libre – ont été signalées dans divers pays où le groupe a des filiales, à commencer par le Gabon, fief de Perenco, où il est premier producteur de pétrole devant Total. ” Mais avec “ des installations hors d’âge !”
Le rapport d’EIA indique également que les familles des victimes gabonaises n’ont toujours pas été indemnisées, alors que la famille de l’unique victime française aurait reçu une indemnisation de $10 millions de dollars américains et aurait signé un accord de confidentialité avec le groupe. Selon les résultats de l’EIA, les résultats de l’audit commandité par le président ont été étouffées.
Et à chaque fois que les ONGs environnementales et la justice lui demandent des comptes, Perenco répond n’avoir aucun contrôle sur les activités des filiales du groupe. Ce qui lui évite des compensations et des droits réparatoires pour atteintes à l’environnement envers les communautés impactées. Et c’est dommage !
Synthèse de Laurent Lekogo