Le chef de l’Etat togolais vient de faire voter, par la majorité d’une Assemblée nationale hors mandat, un texte, non encore promulgué par ses soins, établissant constitutionnellement un régime parlementaire qui va lui permettre de continuer à exercer le pouvoir suprême à la tête du Togo. D’autres, avant lui, se sont essayés à cet exercice, non sans périls. Comme le Guinéen Alpha Condé ou le Sénégalais Macky Sall. Des exemples malheureux qui devraient pourtant l’alerter…
Son défunt père, le Gl Gnassingbé Eyadéma, sollicité pour intervenir dans la crise ivoirienne qui naissait alors dans les années 1998-1999, fit, à Bouaké, une déclaration dont deux phrases devraient pourtant interpeller le fils Faure Essozimna aujourd’hui :
1- « Il ne faut pas attendre que la maison du voisin brûle avant de se porter à son secours » ;
2- « C’est celui qui est à côté du WC qui est incommodé par les odeurs ».
Au moment où il tenait ces propos, le président togolais s’employait à réduire la fracture qui se faisait de plus en plus grande entre les fils politiques de feu Félix Houphouët-Boigny qui se déchiraient déjà pour le pouvoir. D’un côté, le camp de l’ancien président de l’Assemblée nationale et successeur désigné et constitutionnel du fauteuil présidentiel, Henri Aimé Konan Bédié. De l’autre, le dernier Premier ministre du « Vieux », Alassane Dramane Ouattara, qui ne cachait plus ses ambitions d’accéder par tous les moyens au pouvoir suprême. Avant que le Gl Robert Guéï, « le balayeur finalement balayé », n’entre en scène pour favoriser involontairement la mise sur orbite du principal opposant, Laurent Koudou Gbagbo. Suivit ensuite la déflagration qui endeuilla durablement le pays du cacao avec l’intrusion de la rébellion des forces nouvelles dirigées par Guillaume Kigbafori Soro.
En cause, non seulement l’entêtement de Konan Bédié à tenter d’exclure du jeu politique un Alassane Dramane Ouattara plutôt tenace. Identique acharnement à se défaire du leader nordiste de la part du président du Front patriotique ivoirien (FPI). Résultat des courses : des milliers de morts et dix années de développement perdu pour un pays prospère jusque-là. Voici pour le passé qui devait déjà interpeller l’actuel chef de l’Etat togolais.
Or, il y a présentement mieux avec la situation au Niger où Faure joue les médiateurs et a accueilli le fils de Mohamed Bazoum dès sa mise en liberté provisoire par le tribunal militaire de Nyamey. Mais c’est surtout ce qui vient de se passer au Sénégal, avec Macky Sall, qui doit véritablement donner matière à réflexion à tous les chefs d’Etat africains qui veulent s’éterniser au pouvoir au-delà des délais édictés par les textes constitutionnels en vigueur dans leurs pays.
Faure Essozimna Eyadéma semble vouloir s’inscrire dans cette logique en faisant voter, il y a deux semaines, une révision constitutionnelle qui va faire passer le pays du régime semi-présidentiel au régime parlementaire. Il se donne ainsi la possibilité de régler définitivement la question de la limitation des mandats électifs au moment où il ne lui resterait qu’une possibilité unique de rempiler une bonne fois pour toutes.
En difficulté, son frère et ami Ali Bongo Ondimba, fils de président comme lui, aurait été tenté par la formule avant le processus annulé d’août dernier. Pour opter finalement pour la formule du bulletin unique président/député de triste découverte.
Alors que les temps politiques devraient être à la prudence et à l’apaisement, surtout dans la région d’Afrique de l’ouest où les militaires s’intéressent de plus en plus à la chose politique, Faure Eyadéma reste apparemment insensible à tout ce qui se passe autour de lui. Il ne serait obnubilé que par son maintien au pouvoir le…plus longtemps possible. Sans parfois y mettre les formes.
C’est, par exemple, avec des députés dont le mandat est arrivé à échéance en décembre dernier qu’il vient de faire voter la nouvelle Constitution qui ferait désormais élire le président de la République du Togo par les députés. Des élus du peuple qui devaient repartir aux urnes le 20 avril prochain. Faure Gnassingbé estimera-t-il qu’il y avait encore suffisamment de temps pour que ces élections soient à nouveau reportées pour permettre au président de revenir sur une décision lourde de périls pour le pays ? Absolument pas, puisque l’un de ses proches, le ministre de la Fonction publique, du Travail et du Dialogue social, a confié la semaine dernière à Rfi que rien ne saura fondamentalement altérer la détermination du grand chef à aller rapidement au bout de son projet, plutôt hasardeux et ô combien lourd de périls pour le Togo qui n’appartiendra jamais aux Eyadéma. Quelle que soit la durée des nuits politiques dans lesquelles ces jusqu’au-boutistes du pouvoir veulent plonger ce pays paisible.
Selon France24, les prochaines législatives au Togo se tiendront finalement le 29 avril 2024 prochain. Inutile de demander le leader du parti qui va les remporter. Suivez notre regard.
Sylvanal Békan