Dame de courage et de conviction, effacée mais efficace dans le discours et dans l’action, Colette Metimbe Fadi (Coco pour les intimes) a fait ses classes au sein de l’opposition dès les années 90 au sein du Morena des Bûcherons du père Paul Mba Abessole. Très vite, elle se fait distinguer au sein des femmes de ce parti via son discours de fermeté vis-à-vis du régime en place… C’est désormais au sein du RPM d’Alexandre Barro Chambrier qu’elle apporte son expertise. Elle a pris de l’âge certes, mais son discours est resté le même. Un bel exemple pour la nouvelle génération. Nous l’avons rencontré pour une interview où elle argumente sans langue de bois. Lecture !
Mingoexpress : Colette Metimbe Fadi, bonjour ! Comment allez-vous ?
Collette Metimbe Fadi : Je vais très bien. Merci.
On vous découvre aujourd’hui comme vice-présidente du RPM d’Hugues Alexandre Barro Chambrier, mais l’histoire retiendra que c’est aux côtés du père Paul Mba Abessole, président du MRB (Morena des des Bûcherons) qu’on vous découvre dans les années 90. Qu’est-ce qui explique votre positionnement actuel ?
Du MRB (Morena des Bûcherons) au RPM je suis toujours dans l’opposition. Je n’ai pas changé. Je considère qu’en adhérant librement à un parti politique on peut aussi en sortir librement et c’est ce que j’ai fait. On n’a pas besoin de faire grand bruit autour de cela.
Ancienne responsable des femmes du RNB, ancien député à l’Assemblée nationale pour le siège de Mékambo, ancien directeur de publication du journal Le Bûcheron…, vous avez un CV bien fourni en politique. Comment êtes-vous arrivée dans ce combat pour la libération du Gabon ?
Cela peut prêter à sourire, mais j’y suis arrivée par mon défunt père Fadi Alexandre, instituteur principal, membre du comité central du PDG.
Le 1er fait est qu’au cours du congrès national du PDG tenu entre 1988 et 1989, j’avais été approchée par une haute personnalité politique de ma province (Ogooué-Ivindo – ndlr) pour m’intégrer au comité central en remplacement de mon père afin de rajeunir l’équipe, me disait-il. Nous étions dans le monopartisme et je ne pouvais pas refuser. La même personnalité avait demandé à mon père de rebeloter. Finalement, le père et la fille se sont retrouvés à discuter un poste. Comme pour montrer à la face des autres congressistes que le père et la fille n’étaient pas du tout sérieux. Je n’avais pas participé audit congrès. Toujours est-il que j’avais été coptée comme conseillère du groupe socio-culturel Boomamé.
2ème fait : à ma première apparition aux répétions de Boomamé, il m’avait été demandé de descendre dans l’arène et de bouger le postérieur comme tout le monde. Naturellement cela ne m’avait pas plu et je n’y avais plus jamais remis les pieds.
3ème fait : après ce congrès, « les frères d’armes » de mon père sont venus le chercher pour une tournée dans le canton. Ce jour-là, M. Fadi leur avait opposé un niet catégorique arguant qu’il était fatigué de mentir. D’après lui, « il avait déjà sillonné le canton pour parler du plan quinquennal qui n’a jamais connu un début d’exécution en ce qui concerne sa circonscription politique ». Autant de faits – et il y en a d’autres dont je vous fais l’économie – qui ont motivé mon engagement. Je suis née d’une famille modeste, ressortissante d’un coin perdu du territoire dénommé Mékambo. J’étais convaincue, il y a plus de 30 ans, que ce pouvoir manquait de vision. Je le suis encore plus aujourd’hui de ce qu’il n’y a plus rien à attendre du PDG à la tête du pays.
Les Gabonais ont désormais le regard rivé vers 2023. Au-delà de votre appartenance politique, l’opposition doit-elle aller ou pas à la présidentielle ?
Oui, il faut y aller. En 1990, le père Paul Mba Abessole avait décrété le boycott des élections législatives. Résultat : le pouvoir avait dépouillé l’opposition de tous les acquis de la Conférence nationale de 1990. En 2018, Jean Ping boycotte les législatives et les locales. Résultat : représentation insignifiante de l’opposition au Parlement. Je pense que lorsqu’on a un adversaire qui vous donne des coups tout le temps, vous devez chercher à comprendre son jeu et à connaître les points par lesquels il vous atteint.
Depuis 93, le pouvoir nous entraîne à des simulacres d’élections en s’arrogeant lui-même la présidentielle et en procédant à des nominations sur certains sièges pour s’arroger une majorité à l’Assemblée nationale. Cette galéjade doit-elle se perpétuer ?
Il appartient à l’opposition de faire bloc pour barrer la route aux imposteurs. Pour les élections législatives et locales, il y a d’abord le critère enfant du village. Là, nous sommes quittes, car la plupart des candidats sont des natifs du siège. Puis deux autres critères qui les départagent : l’argent et la fraude. Le PDG ne peut pas objectivement lutter contre la corruption, car elle lui procure du carburant pour se maintenir au pouvoir. Les simulacres d’arrestations ont pour mobiles souterrains des règlements de comptes. Dalleurs, on ne sait toujours pas à combien s’élèvent les sommes détournées ou saisies et où on les a déposées au bénéfice de l’Etat.
Si les populations qui se plaignent de leur mal être votent encore le PDG, c’est parce qu’elles croient que l’origine de leur misère est ailleurs qu’au PDG. Nous avons un parti qui a un demi-siècle d’âge au pouvoir depuis sa création. Pendant 50 ans ce parti a tué la liberté de penser et de s’exprimer, contraignant les journalistes à l’auto-censure. L’éducation populaire et d’autres émissions ont disparu. A la place, un plan d’analphabétisation à grande échelle, plan d’appui au désintéressement de la chose publique et politique par l’abrutissement du peuple à travers le kounabélisme et les alcools. Ce cocktail assurerait un pouvoir à vie, car le peuple appauvri verrait en ce parti une association de membres bienfaiteurs. Heureusement qu’il y a un éveil de conscience. Comme le disait Abraham Lincoln, « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».
Malgré les congélateurs, postes téléviseurs et autres, nous sommes loin des 100 % de Ya Mboumb. Et pour preuves, la falsification des résultats du vote dans le Haut-Ogooué et l’annulation des résultats dans 21 bureaux de vote du 2ème arrondissement de Libreville. Six (6) ans après nous attendons toujours la reprise des élections dans ce centre de vote.
Si la honte était vaccin, j’aurais été la 1ère personne à aller se faire vacciner au PDG, car ce parti ne connaît pas la honte.
Si nous sortons de la résistance farouche des Bûcherons après le hold-up de 93, l’opposition est toujours allée à la présidentielle la fleur au fusil, livrant ainsi ses électeurs à la merci des assassins du régime, avant de se résigner et attendre la prochaine présidentielle. N’est-ce pas cynique de faire comme ça ?
D’abord, nous devons puiser dans notre sagesse gabonaise pour avoir suffisamment d’énergie. Un adage de chez nous dit qu’ »un piège qui a raté plusieurs fois finit toujours par attraper un gros gibier ». En d’autres termes, armons-nous de patience, cultivons l’endurance et la persévérance !
Ensuite, toute puissance est sur la langue depuis la création. C’est par elle que tout a été créé. Ce n’est pas par les armes que Mandela est sorti de prison après 27 ans de privation. Si le pouvoir compte sur les armes, nous devons compter sur notre capacité à rallier l’opinion nationale et internationale à notre cause. Certaines dictatures sont tombées sans coup de feu. Alors, pourquoi pas chez nous ? Nous ne nous résignons pas. Nous avons entamé, depuis 1993, un processus qui avance, celui de la libération de notre pays de la dictature. Il n’avance peut-être pas au rythme que certains auraient voulu, mais il avance quand même. Nous sommes passés des 100 % de Ya Mboumb à la déculottée de 2016. Maintenant, nous devons chercher à comprendre pourquoi Jean Ping n’est pas au bord de mer. Nous n’avons pas de problèmes avec le peuple, parce qu’il fait sa part, mais nous avons des problèmes pour accéder au bord de mer. C’est là la vraie bataille.
Les populations reprochent à l’opposition de préparer ce qui est déjà pour elle un acquis, à savoir la victoire à la présidentielle, mais elle se refuse de préparer ce qui est pour elle une difficulté, la prise effective du pouvoir. Que leur répondez-vous ?
Justement, le pouvoir met tout en œuvre pour décourager le peuple et se faire élire sans vrai danger. La prise du pouvoir concerne tous ceux qui veulent le changement dans ce pays. Chacun, au-delà du vote, doit veiller à ce que sa voix ne soit nullement détournée. Chacun doit avoir son chacun à surveiller, donc marquage à la culotte, d’abord entre les membres de l’opposition, ensuite entre l’opposition et la majorité et cela pendant tout le processus électoral.
Votre mot de la fin.
Je voudrais dire au peuple que lorsque le président Mitterrand accède au pouvoir en France, il luttait déjà contre le général De Gaulle après la 2ème guerre mondiale. Haïti a connu le règne des Duvalier, père et fils, je ne sais pas si on parle encore d’eux aujourd’hui. Plus près de nous, en RDC, feu Etienne Tchisekedi-wa-Mulumba a combattu Mobutu, puis Kabila père, enfin Kabila fils. Il meurt sans accéder au pouvoir. La nouvelle génération a pris le relais. Nous tous, qui rêvons de liberté, devons être ensemble et unis pour la conquérir. Dans notre pays d’à peine 1 million et demi habitants, l’école, l’hôpital, la route, l’administration se meurent, les départements s’enclavent, les vieux sont rejetés, le chômage atteint des proportions désespérées, les jeunes sont abandonnés à eux-mêmes, pendant que la mal gouvernance, la corruption, le viol, le vol et les crimes rituels sont érigés en système de gestion de la chose publique. Pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui, j’appelle le plus grand nombre à se joindre à nous pour la libération de notre pays au sein de la maison RPM avec Alexandre Barro Chambrier. Je profite de votre tribune pour demander la libération immédiate du prisonnier politique Jean Rémy Yama et de tous les autres. Je vous remercie.
Propos recueillis par GPA