Institué par un décret d’Ali Bongo du 2 décembre 2009, le bilan de la célébration de la journée nationale du drapeau, dix (10) ans plus tard, est globalement négatif. Raison, les gouvernants eux-mêmes ne sont pas des modèles de patriotisme mais ils excellent dans la supériorité accordée aux étrangers (nominations, marchés publics) et le déni des valeurs patriotiques et socioculturels propres à la société gabonaise…
Le patriotisme ne se décrète pas…
Le patriotisme désigne le dévouement d’un individu envers le pays qu’il reconnaît comme étant sa mère patrie. Le patriotisme, c’est l’amour de son pays. Comme tout « sentiment », il ne peut pas se décréter. L’enfant n’aime la mère que parce que celle-ci le reconnaît et s’occupe de lui, le nourrit et le protège. En reconnaissance, l’enfant doit amour, respect et se sacrifice pour sa mère et ses parents en général. Idem pour les enfants et les parents ; idem pour les membres d’une même famille. Sans affinités, il n’y a pas d’amour. On doit la vie à sa maman. On a donc le devoir de l’aimer. Pour la Nation, c’est exactement la même chose. Le sceau de la République, adopté au lendemain de l’indépendance du Gabon en 1960, exprime cette réalité : la maternité allaitant (un enfant). C’est le Gabon qui s’occupe de ses enfants et eux, en retour, doivent l’aimer, le chérir, le défendre jusqu’à la mort même (guerre) et le développer.
La célèbre phrase de l’ex-35è président américain John Kennedy : « Ne demande pas ce que ton pays doit faire pour toi, mais demande ce que tu dois faire pour ton pays » est galvaudée à tort et à travers par des dirigeants méchants, jaloux, ingrats, mesquins, rusés et sadiques. Le contexte de cette phrase est souvent ignoré. L’Amérique des années soixante est en guerre (Viet Nam…) et la crise économique a besoin de la mobilisation de tous pour éviter au pays de perdre la face devant le monde entier en tant que première puissance post-seconde guerre mondiale.
En quoi le Gabon, 60 ans bientôt après les indépendances, en « paix » et « riche » de son pétrole, de son bois et ses autres ressources naturelles, est dans une urgence nationale à proclamer un état d’alerte nationale ? C’est d’abord au pays de tenir envers sa population un certain nombre d’engagements social (éducation, santé, sécurité), économique (travail), politique (liberté, démocratie), environnemental (salubrité). Il faut que les Gabonais, dans ce pays qui est censé être le leur, y soient d’abord considérés par ceux qui gouvernent (même si c’est de force) comme des humains et des citoyens à part entière sans subir ni oppression ni discrimination ni privations indues.
C’est tout cela qui produit, in fine, le vivre ensemble, c’est-à-dire la capacité ou l’assentiment des habitants, dans un environnement de diversité sociale et culturelle, à partager harmonieusement leur lieu de vie (pays). Il repose aussi sur le respect mutuel, l’acceptation de la pluralité des opinions, des interactions dans l’ouverture et la coopération, des relations bienveillantes ainsi que sur le refus de s’ignorer ou de se nuire.
Une violation sans cesse du patriotisme et du vivre ensemble
Sans plus revenir sur les années Bongo Omar, les conditions sociales, économiques et politiques des Gabonais sous Bongo Ali reflètent-elles le patriotisme et le vivre ensemble ? Assurément non ! Au plan social, les Gabonais vivent (70 %) dans la précarité entre chômage et pauvreté. Au plan économique, le patriotisme n’existe pas. Le régime travaille avec des étrangers. L’essentiel des marchés publics, des circuits de distribution et de commerce en tous genres, jusqu’à nos mines et carrières, est entre leurs mains.
Au plan politique, les étrangers dominent ce pays. Ce sont eux qui choisissent qui doit diriger le Gabon et certains, parmi eux, occupent de hautes fonctions publiques. Ce qu’aucun Gabonais n’a pas comme privilège chez eux. Ils vont même jusqu’à dire que « je suis plus Gabonais que toi ». En Guinée Equatoriale, cela peut-il s’entendre, au Cameroun ou encore au Sénégal, au Mali, au Bénin ou au Maroc ? Les Gabonais vivent la terreur, les enlèvements, les assassinats, les crimes rituels…
Ali Bongo a failli, depuis le jour qu’il avait dit que « Je ne serai heureux que si les Gabonais le sont ». Ce jour-là, le 12 octobre 2009, était un jour de deuil national. Et les deuils, les Gabonais continuent de les vivre à cause de lui : des hôpitaux sans médicaments ou personnels qualifiés sont des mouroirs, les routes, la misère, les élections, tout cela ne se solde que par des deuils…Parce qu’Ali Bongo refuse d’admettre que les Gabonais ne l’aiment pas et ne veulent pas de lui comme président.
Est-ce alors parce qu’il décrète une journée nationale du drapeau que les Gabonais vont, d’un coup, se sentir fiers de leur pays ? La fierté serait venue si Ali Bongo avait, en 2009 ou en 2016, reconnu sa défaite électorale sans s’imposer par des tueries. Elle serait venue si les 5 000 logements par an étaient là depuis 2010 (soit 50 000 au total). Le patriotisme aurait de la force si les 5 600 milliards de dettes avaient changé Libreville et l’intérieur du pays en un pays moderne, équipé de routes, d’écoles, d’universités et d’hôpitaux bien fonctionnels ; si les emplois étaient là pour les dizaines de milliers de jeunes chômeurs diplômés… L’égoïsme des dirigeants, notamment du clan Bongo, est visible et connu par tous les Gabonais. L’argent, voilà la seule valeur qui compte pour eux. Le reste, « on verra après ».
Non, rien de tout cela. Mais des maquettes et des travaux inachevés et des matraques pour mettre au pas les Gabonais dans leur propre pays. Ce qui explique pourquoi, dix (10) ans après, cette journée nationale du drapeau se célèbre dans l’indifférence totale de la grande majorité des gabonais. Une attitude qui ferait réfléchir autrement des mauvais dirigeants à changer eux-mêmes de mentalité d’abord.