Pour avoir colonisé des pays africains, du moins un grand nombre d’entre eux du Maghreb (Afrique du nord) à l’Afrique subsaharienne (Afrique de l’ouest et du centre), la France n’a jamais rompu le cordon ombilical, notamment dans les pays où c’est elle-même, sous la férule de Foccart et de De Gaule, qui a anticipé les indépendances dans les années 1960.
Après avoir, des années durant, escroqué, pillé et opprimé les peuples africains, la France leur a filé un semblant d’indépendance sans qu’ils ne la lui demandent. C’est le schéma des pays comme le Gabon, le Congo, le Togo, la Côte d’Ivoire, etc. Qui plus est, lorsque l’un de ces pays a des ressources qui comptent pour la « puissance » de l’industrie française en métropole, c’est le néo-colonialisme à l’état pur et dur qui continue. Voilà ce qui explique, comme on le sait tous, l’esclavage du peuple gabonais depuis 1960. Notre propre pétrole, notre propre gaz, notre propre uranium, notre propre bois sont tous régis par des entreprises françaises et leurs mercenaires. La base militaire du camp de Gaulle est là pour protéger les ressortissants français, les entreprises et les intérêts français dont font partie les Bongo. Voilà comment on a fait pendant les 42 ans d’Omar Bongo et qu’on a déjà parcouru 10 ans d’Ali Bongo.
Seulement, le monde a évolué. Le grand déballage de l’affaire Elf a montré comment Omar Bongo et la France ont volé le Gabon systématiquement pendant des décennies. Les affaires des BMA (biens mal acquis) entre les Bongo (père et enfants) ne sortent, depuis quinze ans, qu’à cause, d’une part, de la pression des ONG internationales (Transparency international, Sherpa, Publiez ce que vous payez…) et de la déconfiture, finalement, entre les deux parties ; l’une voulant un peu plus manger que l’autre, d’autre part. Mais la France reste maître du Gabon. On a vu les Français chasser les Singapouriens à Owendo sur une affaire d’un port qui a été construit par ces derniers, mais que les Français ont bloqué pour le « récupérer » après. On se souvient aussi de l’affaire du fer de Bélinga que les Français ont bloqué et retiré le contrat aux Chinois. Le pétrole (Total Gabon depuis 50 ans) et l’uranium gabonais (Comilog, filiale locale d’Areva) représentent les gros intérêts que la France n’est pas près de céder à qui que ce soit et pour lesquels elle n’accepte pas, compte tenu des « accords secrets » sur le silence que les Bongo doivent garder sur l’ampleur de la production et des milliards d’euros (qui dépassent le budget du Gabon) que la France tire de ces ressources. C’est la France qui détient les cartes de localisation des gisements (sur terre et en mer) et connaît ce qui est réellement produit et les réserves dont dispose encore le Gabon. Le Fcfa, que nous utilisons en commun, est le plus grand symbole de la domination post-coloniale de la France. C’est elle qui le fabrique dans ses usines de Clermont-Ferrand et c’est le trésor français qui évalue combien faut-il donner aux Etats africains pour leurs besoins de fonctionnement et de commerce.
Au plan politique, la France n’a-t-elle pas tiré en 1993 ? N’a-t-elle pas berné Mba Abessole en lui disant de laisser encore Bongo passer en 1993, Pierre Mamboundou en 2005, André Mba Obame en 2009 et Jean Ping, là en 2016 ? Dans sa résolution du 14 septembre 2017 sur la répression de l’opposition au Gabon, le Parlement européen avait « demandé instamment à la France, en particulier, en raison de ses liens historiques forts avec le Gabon, de peser de tout son poids politique et économique sur le gouvernement gabonais et de jouer un rôle constructif au sein des institutions européennes à cet égard ».
En langage diplomatique, un « rôle constructif » c’est reconnaître que c’est la France qui joue un rôle « destructif » au Gabon sur l’économie, le développement, la répression de l’opposition, le déni des droits de l’Homme, les sanctions contre la presse et les prisonniers politiques. Pourquoi ? Parce que les patriotes gabonais qui sont victimes de cette répression se battent pour une seule chose : la fin de la relation hypocrite France-Gabon. Aujourd’hui ce combat passe par la déclaration sans délai de la « vacance du pouvoir », une période de transition civile d’un an pour refaire un vrai cadre électoral transparent et crédible au terme duquel des élections présidentielles, législatives et locales seront organisées.