Il est une habitude ou une attitude des nouveaux responsables administratifs qui interroge et intrigue : la visite des installations et du personnel dont ils vont désormais assumer la charge de gestion. Il semble plus ou moins normal que les nouveaux promus, externes à l’administration ou au service qu’ils vont diriger, fassent le tour de propriété, pour une première prise de contact avec le corps administratif et, par ricochet, pour un état des lieux.
Cette démarche peut être rangée dans le cadre des usages protocolaires et traditions administratives formels ou non. Cependant, voir les internes promus au poste de responsabilité de leur administration ou de leur service d’origine se livrer à cette parade du “m’as-tu-vu” paraît incompréhensible, voire incongru. En effet, on peut présumer qu’ils en connaissent les réalités. Qu’à cela ne tienne, il faut croire que le protocole administratif oblige les nouveaux dirigeants à visiter les locaux abritant l’administration à gérer et à rencontrer le personnel. Toutefois, cette visite nécessite-t-elle réellement des reportages médiatiques, au regard de la léthargie qui règne par la suite dans ces services si abondamment sollicités ?
La tradition administrative ainsi instituée semble plus folklorique que l’expression d’une volonté réelle d’améliorer le cadre et les conditions de travail endogènes. Il faut en donner pour preuves les plaintes récurrentes et interminables au sujet des mauvaises conditions de travail des agents des services pourtant si assidument visités par les responsables nouvellement nommés et les récriminations non seulement des employés de ces services, mais aussi des usagers qui ne savent pas souvent à quels saints se vouer.
S’il est observé globalement des améliorations sporadiques du service public, dans la majorité des cas, rien n’a changé, à la suite des multiples tours de propriété orchestrés par les nouveaux dirigeants ; au contraire, parfois, les choses vont de mal en pis. Il n’est pas nécessaire, pour le prouver, de cibler une administration particulière, ni de faire une fixation sur un domaine de la vie publique, encore moins de les stigmatiser. Toujours est-il que les plaintes au sujet de la mauvaise qualité du service et des mauvaises conditions de travail dans les tribunaux, les hôpitaux, les établissements scolaires et universitaires, pour ne citer que ces quelques exemples, sont récurrentes.
Ce qu’il est attendu des services administratifs si bien servis en matière de visites des autorités publiques, c’est leur transformation positive réelle. Travaillant bien trop souvent dans des conditions déplorables, leurs employés pourraient ainsi s’épanouir et produire un rendement optimal. De même, désabusés par un accueil presque toujours inconvenant, les usagers verraient leurs attentes satisfaites.
En fin de compte, si la règle, les principes du protocole d’État ou les traditions de l’administration publique imposent aux nouveaux dirigeants les visites des services sous leur gestion, il ne semble pas nécessaire d’en faire une promotion médiatique presqu’exagérée comme c’est souvent le cas. Par ailleurs, il serait particulièrement intéressant de travailler discrètement, pour ainsi dire, à l’amélioration de l’existant. Dans ce cas, si les employés et les usagers comblés ne s’expriment pas sur les changements positifs visibles dans ces services, il serait indiqué d’appeler les médias à la rescousse pour relayer l’information.
MOTO NDONG François, docteur en philosophie de l’existence et de la religion, Institut de recherche en sciences humaines (IRSH), Centre national de la recherche scientifique et technologique (Cenarest), Libreville – Gabon