Après un peu plus de quatre ans passés à la prison centrale de Libreville, l’ex-tout puisant ministre (du ciel et de la terre) de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire, Magloire Ngambia, a été libéré dans l’après-midi d’hier jeudi 24 septembre 2020. Une procédure de libération qui a « surpris » au regard des zones d’ombre entourant la décision de la cour criminelle spéciale.
Les débuts de l’affaire Ngambia
Tout a commencé le 10 janvier 2010 lorsque le tribunal établit un mandat de dépôt contre lui et le transfère à « Sans-Famille ». Ce fut un véritable coup de tonnerre dans la vie publique gabonaise. Magloire Ngambia en prison, c’était inimaginable durant le premier septennat d’Ali Bongo. Originaire du Haut-Ogooué, il était un véritable « ministre du ciel et de la terre ». Il cumulait six ministères parmi les plus juteux. L’ancien ministre était accusé de faits de corruption et de détournement de près de 4 milliards de francs cfa qu’il avait empochés, selon son inculpation à l’époque, dans les crédits budgétaires et les contrats des administrations qu’il avait dirigées. Pire, il était également attendu de sa part des explications sur certains faits en rapport avec l’affaire Guido Santullo, cet homme d’affaires italien qui réclamait à l’État gabonais le paiement de 700 milliards de Fcfa d’impayés des marchés publics. Des contrats qui avaient été signés à l’époque sous le tout puissant ministre Ngambia.
Le déroulé d’une audience théâtrale
Présenté devant la cour criminelle spéciale de Libreville ce jeudi 24 septembre 2020, juridiction mise en place en janvier 2018 pour juger les auteurs de détournement des deniers publics, les réquisitions et délibérations ont duré plusieurs heures. Le procureur général a révélé l’existence d’une transaction pénale signée le 14 septembre 2020 entre sieur Magloire Ngambia et l’Etat gabonais (représenté par qui ?). Il requiert d’abord l’homologation de la transaction pénale. De quoi s’agit-il ? Selon l’article 7, alinéa 2, du code de procédure pénale gabonais, l’action publique (poursuites judiciaires) peut s’éteindre ou s’arrêter dans un certain nombre de cas, notamment « par transaction ». Dans le cas d’espèce, Magloire Ngambia, reconnu coupable de vol de l’argent du contribuable, a donc négocié sa libération en signant un acte de remboursement de l’argent qui lui est reproché d’avoir détourné. C’est en réalité cet accord qui expliquera par la suite les réquisitions du procureur général demandant la levée du mandat de dépôt décerné contre Ngambia le 10 janvier 2017. Le ministère public demandera donc par la suite à la cour de de le condamner à la durée qu’il a déjà passée en détention préventive, c’est à dire 44 mois et 13 jours, et à une amende de 100 millions de Fcfa. Enfin, le MP a demandé à la cour d’ordonner la mainlevée du mandat de dépôt.
C’est donc sans grande surprise que la cour, dans sa décision rendue, « au nom du peuple gabonais », a ordonné, en début d’après-midi du 20 septembre 2020, la mainlevée du mandat de dépôt tout en condamnant Ngambia à 44 mois et 13 jours de prison (la durée de sa détention préventive).
Des zones d’ombre autour de la décision de la cour…
S’il est tout à fait légal qu’un prévenu peut, dans certaines affaires, demander une transaction pénale, il est quand même curieux que la cour criminelle spéciale n’ait pas, dans une audience, en principe, publique, révélé le contenu de cet accord. Très concrètement, combien, au final, Ngambia a-t-il été reconnu coupable d’avoir détourné, 4 milliards, moins ou plus que ça ? Combien, dans cette transaction, a-t-il « rétrocédé » à l’Etat gabonais via le trésor public ? Combien lui reste-il officiellement ? A partir de quelle date va-t-il s’exécuter ? Serait-ce en une seule traite, par chèque ou par virement bancaire ? Puisqu’il peut aujourd’hui « librement » et « légalement » jouir (du reste) de l’argent et des biens qu’il avait « mal acquis » par l’usage de la corruption, de détournements et du trafic d’influence, la présidence de la République, notamment Ali Bongo Ondimba, a-t-elle-même été pour quelque chose pour éviter un « grand déballage » avec Ngambia ? Ce dernier sort-il de cette prison en bonne santé ? La dernière virée de Nourredin à Franceville y est-elle pour quelque chose ?
Vivement que, de ces zone d’ombre, émerge la lumière un jour !