D’Ali Akbar Onanga à Madeleine Berre, en passant par Jean Marie Ogandaga, le ministère de la Fonction publique ne vit désormais plus que sous un seul effet de mode : les recensements multiples et fantaisistes des agents de l’Etat sans que, d’un recensement à un autre, l’on ne sache qui a été recensé et qu’est-ce qui en est ressorti.
L’échec des précédents recensements des fonctionnaires
La dernière grosse opération a eu lieu le 25 juillet 2018. Il avait été question de mettre sur bons de caisse plus de 86 000 agents de l’Etat. Pour justifier le bien-fondé de cette opération qui fut un véritable fiasco, pour ne pas dire de l’enfumage à tous points de vue (coût budgétaire, organisation bâclée), Ali Akbar Onanga avait annoncé qu’il était parvenu à débusquer 6 500 fonctionnaires assis chez eux. Personne n’est dupe. Ces opérations ne visent pas autre chose que la réduction de la masse salariale et non l’efficience administrative et la maîtrise du Fichier unique de référence (Fur).
Mais à peine les réclamations débutées, Ali Akbar avait dû rebrousser chemin, cette fois-ci, sans plus parler, parce que, au final, quelques dizaines de cas seulement ont été considérés comme litigieux. En réalité, en l’absence de « géo-localisation », la fonction publique ignore elle-même qu’elle a affecté des agents à l’intérieur du pays et que d’autres sont en situation de changement d’administration (retard imputable à la fonction publique dans l’actualisation et la prise de textes individuels relatifs au suivi de carrière des agents). D’autres fonctionnaires sont effectivement « assis à la maison » parce que jamais responsabilisés, sans poste de travail, c’est-à-dire un bureau ou une simple chaise pour s’asseoir quand ils viennent au ministère ou dans leur « administration d’origine…». Du coup, des milliers de fonctionnaires, pour ne pas dire les ¾ des 86 000 agents de l’Etat, sont assis chez eux. Sur cette base, tous les fonctionnaires, ou presque, ne vont pas au travail et non pas quelques faux 6 500. Si la grande majorité des agents de l’Etat se voit signer des attestations de présence au poste lorsqu’il y a des contrôles de ce genre, cependant, le mal reste profond et réel.
Une fonction publique pléthorique, mais une administration sans agent !
La montagne avait fini par accoucher d’une souris. Le nombre exact de fonctionnaires fraudeurs est à ce jour inconnu. Question simple : qui a le pouvoir d’inscrire des « fonctionnaires fantômes » pour leur faire bénéficier de salaires chaque mois ? Choisissez la bonne réponse : le Gabonais lambda ou bien des agents mêmes du budget et de la fonction publique ?
Des recensements inefficaces accompagnés souvent de détournements et de corruption
« Cela devient donc une habitude. Quand un ministre veut prendre de l’argent dans ce ministère, il organise un recensement », confie un agent du syndicat de la fonction publique. S’il s’avère nécessaire aujourd’hui de maîtriser la masse salariale de l’Etat qui ne cesse d’augmenter afin de passer de 59 milliards à 40 milliards le mois (soit 70 milliards d’économie annuelle), la junte doit être conséquente avec elle-même. Que les émergents Otandault (Budget) et Madeleine Berre (Fonction publique) commencent par publier les résultats des précédents recensements et les analyses y relatives ! Dans cette ordre d’idées, qu’ils disent aux Gabonais qui sont les prestataires qu’ils choisissent souvent pour ces opérations : traiteurs, location de tentes, chaises, sociétés d’informaticiens. Qu’ils disent à l’opinion le coût réel desdites opérations. Parce qu’on ne peut pas être « normal » en faisant du saute-mouton d’une année l’autre. L’opération de recensement biométrique va coûter des milliards de Fcfa. Il y a des machines biométriques à payer, il faut équiper par la suite chaque ministère (qui a des dizaines de services et de nombreux sites), financer la formation des enquêteurs, la centralisation des données, les déplacements à Libreville, à l’intérieur du pays et à l’étranger (ambassades), la facture de la conception et de l’impression des formulaires que les fonctionnaires vont remplir, les opérateurs de saisie, etc. On est dans les 4 à 10 milliards de Fcfa. De quoi construire des lycées, équiper les hôpitaux de l’intérieur du pays en plateaux techniques, en radios et scanners.
Les gros salaires cachés plombent la masse salariale
Ce qui est curieux, c’est que les multiples et opaques grilles salariales de la fonction publique ne sont pas harmonisées et publiées. Bonne ou mauvaise gouvernance, on ne saurait dire. C’est de la méchanceté de la part des ces « énervants » émergents que d’imposer la suppression de 50 % des effectifs de la main-d’œuvre non permanente, le blocage des recrutements des jeunes pendant 3 ans alors qu’ils savent que le vrai problème de la masse salariale est ailleurs. Pierre Claver Maganga Moussavou a déclaré, le 22 mai dernier, que l’ex-régent du Gabon, le Béninois Maixent Nkani Accrombessi, gagnait par mois 75 millions de Fcfa. Billie-By-Nze avait, quant à lui, révélé, en 2016, en pleine crise électorale, que Nzouba Ndama gagnait 150 millions par mois. Magloire Ngambia, ex-ministre des Travaux publics et de l’Economie, avait avoué au tribunal qu’il gagnait 500 millions de Fcfa par mois. Qu’on ne dise pas aux Gabonais que ce sont des cas isolés ! Absolument pas du tout. La fonction publique gabonaise gère deux fichiers : un Fur qui est présenté à tous et un autre qui est détenu à la direction de la solde qui vire des faramineux salaires à des personnalités politiques (président de la République, son cabinet, les présidents des institutions et autres personnalités) et maçonniques de ce pays. Un groupuscule d’obscurantistes qui peuvent, à eux seuls, peser 20 % de la masse salariale de l’Etat chaque mois. Combien gagnent Messieurs Ali Bongo Ondimba (Boa), Laccruche Alihanga (DC de Boa), Eric Dodo Bouguenza (SG PDG), Mme Mborantsuo (Cour constitutionnelle) et consorts ? Tous ces gens qui soutiennent la domination de la famille Bongo émargent au budget de l’Etat à titre compensatoire.