Lorsqu’il arrive à la tête de la Sogatra, Bruno Minko-mi-Ngwa est confronté à trois soucis, les salaires impayés, le détournement d’une bonne partie de la subvention 2018 en janvier 2019 et la baisse de cette dernière. S’ajoute le paiement, avec beaucoup de retard, de la subvention 2019 (mois de juillet 2019). Nous poursuivons l’exploitation de notre dossier Sogatra.
La baisse drastique de la subvention 2018 a poussé le nouveau DG, en concertation avec les partenaires sociaux, à s’accorder sur une baisse des salaires de 8 à 10 %. Ceci afin d’éviter un licenciement économique et faire en sorte que les salaires soient régulièrement payés. Ce qui a abouti à la matérialisation d’un protocole d’accord signé le 21 mars 2019 entre les centrales syndicales, la direction générale et l’inspection du travail. Protocole d’accord qui sera entériné par le conseil d’administration lors de sa session du 23 mai 2019. Toutefois, sur ce protocole d’accord, il y a lieu de relever la décote de 20 % applicable sur les arriérés de salaires non perçus par les agents.
Entrant en possession de la subvention 2019 en juillet de l’année éponyme, cette subvention permit de payer les salaires de juillet 2019 à janvier 2020. Un exploit à l’époque ! Fort de ce constat, relevé par les syndicalistes, les efforts déployés par la direction générale ont permis à ce que les salaires des agents soient de nouveau virés dans les banques de Libreville qui, primitivement, avaient retiré leur confiance à cette société pour solvabilité précaire. Conséquence, un partenariat est signé avec la banque Cofina pour l’octroi de crédits à la consommation aux agents de la Sogatra. Chose qui relevait d’un lointain souvenir. Désormais les agents étaient certains du paiement des salaires à échéance comme nous l’ont confirmé les syndicalistes qui, aujourd’hui, regrettent l’ère Bruno Minko-mi-Ngwa. L’homme s’était donné comme pari le paiement des arriérés de salaires dans leur intégralité, pour peu que l’entreprise retrouve ses recettes propres. Ce qui n’était pas impossible. Il suffisait tout simplement non seulement de mieux gérer les subventions souvent détournées, mais également d’arriver à une gestion saine des entrées journalières.
Sogatra, une mangeoire à ciel ouvert
Avant l’avènement de Bruno Minko-mi-Ngwa, la vie à la Sogatra était rythmée par des détournements de fonds, notamment des subventions de l’Etat. C’était donc une sorte de mangeoire à ciel ouvert où se servaient à satiété la direction générale, le président du conseil d’administration et le ministre de tutelle. A l’époque déjà, nous étalions ici les prouesses des grands détourneurs de la boîte. Mais personne n’avait été inquiété. Notamment à la période du DG Aloïse, surnommé « pièces détachées », tant l’homme ne se privait pas d’envoyer ses agents aller négocier les prix des pièces détachées à l’ex-gare routière pour réparer ses bus. Un nom qui revenait à l’époque en termes de frappes est celui de Privat Nzouba. Le fils à papa du nom éponyme était indéboulonnable à l’époque. Nous nous ferons le plaisir de revenir sur ce dossier dans les prochaines semaines.
Toutefois, en toute traçabilité, sur l’ensemble des documents obtenus et en quête de vérité sur les présumés détournements des subventions de l’Etat dont fait l’objet l’ancien ADG de la Sogatra, actuellement au bagne de Libreville, il ressort, à la lecture de ces documents et à travers des témoignages glanés çà et là, que les paiements ont été effectués bien avant l’avènement de Bruno Minko-mi-Ngwa à la tête de la Sogatra ; sauf à nous apporter la preuve du contraire, les paiements ayant été effectués entre août 2018 et janvier 2019. Du grisbi qui n’a jamais franchi le portail de la Sogatra ou encore allé dans les poches du personnel. Où est donc passé l’argent ? C’est cette question que les syndicalistes ont posée à la nouvelle gestion de Bruno Minko-mi-Ngwa et à laquelle il va chercher à apporter une réponse. C’est dans cette quête de vérité que deux cabinets juridiques et comptables agréés Cémac sont sollicités pour élaborer un rapport financier couvrant la période 2013 – février 2019. Rapport qui devrait prendre en compte le rapport général du cabinet juridique et comptable Deloitte dont l’expertise au Gabon est incontestable. Rapport visant la restructuration de la Sogatra. Les conclusions de ce rapport devaient être soumises au conseil d’administration, seul à prendre des décisions à ce niveau. C’était certainement là l’erreur administrative et politique de l’ADG Bruno Minko, car au sein du régime en place, tout gestionnaire est un potentiel ou virtuel voleur. Autrement dit, dans cette sorte de secte fermée, les membres ne se trahissent pas, au risque de se faire passer pour soit un profane qui n’a pas sa place dans la secte et qui est arrivé là par effraction, soit pour un traître qui doit donc être puni. Minko, du fond de sa prison, doit s’en souvenir…
Toutefois, ce qui ressort de ce rapport en notre possession mentionne bien que l’Etat, via le trésor public, a bien effectué en janvier 2019 deux virements sur le compte de la Sogatra logé à la Banque de dépôt et de consignation (CDC). Le premier virement, d’un montant de 671 224 439 Fcfa, a été effectué le 14 janvier 2019 et un deuxième du même montant effectué le 18 janvier, soit quatre jours seulement après le premier. La voracité financière des dirigeants de la Sogatra de l’époque était sans limite. Si ce n’est pas de la boulimie, alors c’est tout comme. Comment et pourquoi non seulement la Cour des comptes, mais aussi tous ces gens-là qui sont payés par le contribuable pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite, sont-ils restés indifférents ? Même le B2, la DGR et la PJ, souvent très actifs dans ce genre de dossier qui les fait mouvoir de manière spectaculaire, sont restés sourds et aveugles. On comprend. Dans le système, on se soutient. Passons !
Quoi qu’il en soit, l’argent ainsi décaissé a servi à tout, sauf à son objet, à savoir payer les salaires que réclamaient les employés et réhabiliter le parc automobile. Le comble est que, dans la même période, il ne s’est tenu aucune session du conseil d’administration. Ainsi, lorsque le nouveau DG prend ses fonctions le 11 mars 2019, il ne reste plus grand-chose dans la subvention 2018. D’ailleurs, le procès-verbal de passation de charge ne mentionne même pas cette réalité-là. Il fait juste mention de l’arrêt des activités d’exploitation pour défaut de liquidités. Un comble, alors que la bagatelle d’1 milliard 340 000 a été décaissée et détourné en janvier.
Ce même rapport fait état de détournement de véhicules et d’autres faits qui montrent l’ampleur de la situation selon les syndicalistes et autres cadres que nous avons rencontrés. On comprend bien que l’ex-ADG Bruno Minko-mi-Ngwa, étranger à la période des faits incriminés, se retrouve en prison non pas parce qu’il aurait trempé dans la caisse, mais seulement parce qu’il est suspecté d’être un BLA-boy mis là par le président d’honneur de l’Ajev et ancien PM, Julien Nkoghe Bekale, qui, lui, en revanche, est en liberté pour des raisons que nous vous donnerons prochainement. A la lumière de ce qui se passe à la Sogatra bientôt liquidée, on peut conclure, tout jugement de valeur mis à part, que Bruno Minko-mi-Ngwa a été un bon manager. Mais, on le sait, « la technique du bouc émissaire est d’une efficacité redoutable » (Nicolas Machiavel).
A suivre.