Décidée le 25 juin dernier, la mise sur bons de caisse des fonctionnaires est en marche depuis le mardi 17 juillet 2018. En dépit des menaces émanant des fonctionnaires regroupés au sein de l’intersyndicale Dynamique unitaire (DU), notamment les syndicats de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la santé. Au cours de la réunion organisée le jeudi 12 juillet dernier, le ministre de la junte chargé de la Fonction publique, Ali Akbar Onanga, avait donné des précisions sur ce qui attend les fonctionnaires à compter du 17 juillet dernier jusqu’au 30.
Dans l’optique de faire des économies de l’ordre de 300 milliards sur la masse salariale, Boa et ses sbires se préparent au terme de l’opération d’audit du fichier solde (mise sur bon de caisse). Pour justifier cette décision, la junte estime que, comparée au Sénégal, au Cameroun et au Congo, la masse salariale du Gabon est exorbitante. De plus, des dispositions Cémac invitent les Etats membres à ramener la masse salariale en dessous d’un certain seuil. Des explications qui ne rendent pas compte de la réalité politique du Gabon, car comparaison n’est pas raison. Et pour cause, dans les pays cités, l’entreprenariat privé (Cameroun, Sénégal) a été prisé par l’Etat depuis les années 1970. Au Congo, la guerre civile a démobilisé le tissu social à telle enseigne que les gens vivent d’eux-mêmes.
Qu’a-t-on au Gabon ? L’entrepreneuriat national est suspecté et pas du tout soutenu, encore moins encouragé. Aucun fonds de garantie, aucun incubateur de PME ou de jeunes start up. De plus, les Bongo détiennent tous les marchés publics et les gèrent avec des Libanais, Maliens, Sénégalais. Quid des nationaux ? Rien. Quant à la crise actuelle, pourquoi aucune mesure sur les exonérations fiscales que Boa a accordées à ses amis entrepreneurs ne fuse, sachant que l’Etat perd plus de 200 milliards de Fcfa par an en sponsorisant Olam et d’autres sociétés ayant pignon au palais du bord de mer ? Des mesures iniques et provocatrices qui, en l’absence d’une mobilisation de tous les syndicats, vont « tuer » les Gabonais.
De plus, l’on sait que ces mesures, décidées vaille que vaille les 21 et 25 juin derniers sans étude en termes d’économies à réaliser réellement, ne suffiront pas. D’ici septembre, tous les salaires des fonctionnaires sans exception seront touchés qu’on le veuille ou non. Boa, habitué à narguer les Gabonais, sait qu’il joue à quitte ou double : ou les gens se taisent et restent chez eux, ou ils se mobilisent pour le faire partir. C’est pour cette raison que les militaires sont (encore) exclus de la plupart des mesures en attendant qu’il termine avec les autres corps et simples catégories de fonctionnaires. Mais, à terme, ils seront aussi impactés parce qu’ils constituent le premier plus gros effectif de la masse salariale que Boa vise à réduire.
Un dispositif de recensement à partir du 17 juillet
La mesure de mise sur bons de caisse ne concernera finalement que Libreville, Owendo et Akanda. Les fonctionnaires en poste en province, en diplomatie et les militaires en sont exclus. Ce qui suscite des interrogations. Pourquoi les militaires ? Certainement que le régime montre qu’il a peur de frustrer des gens en armes qui sont son dernier rempart. Ils assument le choix de malmener des professeurs d’université, des médecins, des magistrats, les fonctionnaires qui peuplent tous les ministères. Une mesure qui montre que l’efficacité n’est pas ce qui est recherché, mais plutôt la domination, l’assujettissement politique. Un fonctionnaire en vaut un autre et tous, selon le statut général de la fonction publique, doivent être soumis aux mêmes conditions objectives de traitement.
Contrairement à ce qui était annoncé, la mise sur bon de caisse sera finalement allégée. Les salaires seront virés dans les banques (UGB, Bicig, BGFI, Finam….) aux dates habituelles sauf que, pour les percevoir, par carte bancaire ou au guichet, ils seront bloqués. Pour débloquer son salaire et le toucher, les fonctionnaires devront présenter, en plus de leur pièce d’identité, un quitus de recensement (Fonction publique) et le bon de caisse vert.
Pour obtenir ce quitus, les agents devront, au préalable, se faire contrôler et enrôler à deux niveaux. Le premier est dans leurs ministères où chaque agent devra (ou a déjà) obtenir une attestation spéciale de présence au poste qui doit avoir trois visas : celui du chef hiérarchique direct (DG, directeur), ceux de la direction centrale des ressources humaines et du secrétaire général plein du ministère concerné sur un imprimé spécial. Le deuxième niveau est dans l’un des quatre sites de contrôle qui ont été fixés : Fonction publique, Economie, Trésor, stade d’Akanda. Dans ces sites, les agents doivent présenter les attestations de présence au poste délivrées dans leur ministère pour se voir attribuer un autre imprimé qu’ils apporteront aux guichets de leurs banques respectives pour débloquer leur salaire et se voir payés. Bonjour les tracasseries pour plus de 50 000 fonctionnaires qui ont convergé tous au même moment dans les sites de recensement.
Sur le contrôle, la junte a donné des instructions fermes aux secrétaires généraux des ministères de ne pas délivrer des attestations de présence au poste aux agents qui ne sont pas réguliers à leurs postes, à ceux qui sont malades ou qui sont en poste dans des agences ou en détachement sans texte officiel de couverture, à ceux qui sont assis à la maison par manque d’affectation. C’est là une porte ouverte à tous les abus pour les DG et SG qui n’attendent que ce genre de pagaille généralisée pour se venger contre certains agents avec qui ils ont des démêlés. L’objectif est de retirer du fichier solde les agents qu’ils estimeront « litigieux ». Affaire à suivre.