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Tribune libre de Gilles Térence NZOGHE, journaliste : Et si le CTRI pensait à durcir un peu son régime ?

Gilles Terence Nzoghe, journaliste.

Au pouvoir depuis sept mois seulement, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) et son président, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, posent en accéléré des actes historiquement forts très appréciés par la grande majorité des Gabonais. Ils dérangent, cependant, les barons du régime criminel déchu désormais ennemis déclarés de la nouvelle République en gestation. Et ce n’est pas leur simulacre de demande de pardon au peuple ni le soutien fictif embarrassé et embarrassant aux nouveaux tenants du pouvoir qui nous feront dire le contraire.

Ces nostalgiques d’un Etat sauvage où les crimes rituels et les détournements massifs des deniers publics étaient légion ont visiblement pris la sagesse du président de la transition pour de la faiblesse, car plutôt de que dissoudre leur parti politique et de condamner à de lourdes peines de prison tous les auteurs des crimes commis durant les années de plomb qui ont marqué leur régime impopulaire et antipatriotique, certains ont été, curieusement, invités à partager le pouvoir, au grand dam de leurs nombreuses victimes qui les ont toujours accusés comme étant les responsables de tous les malheurs du pays depuis plus de 50 ans.
Cette clémence des militaires a, naturellement, redonné du poil de la bête au gros des troupes de l’ancien parti-Etat qui sont sortis tranquillement du bois à la veille du dialogue national inclusif pour revendiquer, toute honte bue, leur droit à une place aux côtés des militaires qui les ont vaincus il n’y a pas longtemps. Comment peut-on comprendre et digérer une telle compromission de la part des autorités de la transition si, d’aventure, les PDGistes, pour ruiner le projet des militaires au pouvoir et fragiliser le CTRI, parvenaient à saborder le dialogue national inclusif qui doit jeter les bases d’une nouvelle République annoncée comme devant incarner des valeurs diamétralement opposées à celles qui ont nourri l’ancien système ?

Rien ne peut justifier la présence de criminels au dialogue

Le peuple gabonais a trop souffert des forfaits commis par les dignitaires du pouvoir déchu et leurs nervis pour subir, une fois de plus, une fois de trop, l’humiliation suprême lors de ce grand rendez-vous de l’histoire politique du Gabon au moment où ce peuple ne jure plus que par le CTRI. Aucune raison objective ne milite, en effet, aujourd’hui en faveur de la présence au prochain dialogue national, fut-il inclusif, de ces politiciens pédants, arrogants et méprisants décriés autant à Libreville, la capitale politique, que partout à l’intérieur du pays ; d’autant plus que beaucoup de leurs anciens alliés et complices, qui ont été repêchés par les autorités de la transition et qui ont réussi à se refaire une santé, seront présents à ces assisses.
Dommage pour les PDGistes aux cœurs immaculés, car il y en a quand même dans ce pays, mais ce ne serait pas la première fois que les bons vont payer pour les mauvais. Les PDGistes ne peuvent pas participer à un dialogue destiné à trouver des solutions propres à réparer les injustices et les atrocités commises par leur régime vomi. Sinon nos compatriotes, qui ont vu d’un mauvais œil le maintien aux affaires de certains bourreaux du peuple et qui commencent à douter quant à la détermination du CTRI à faire la différence avec ceux qu’il a renversés, croiront aux critiques acerbes que les ministres de la parole et des propos imbéciles déversent depuis quelque temps contre la transition sur la toile comme dans certains salons feutrés de Libreville.
Il est donc impératif que les militaires, qui ont prouvé le 30 août dernier qu’ils aiment leur patrie, reconsidèrent leur attitude par trop conciliante à l’égard d’une vieille classe politique repue, sans conscience politique avérée si l’on en juge par l’inconséquence dont les PDGistes ont toujours fait montre dans leur conduite irresponsable des destinées du Gabon durant leur très long règne sans partage. En clair, le CTRI qui, jusque-là, fait un parcours quasiment sans faute en montrant tous les jours des signes pertinents d’une transition crédible, devra, tôt ou tard, et de préférence plus tôt que tard, durcir son régime si l’objectif réel visé est bien notre essor vers la félicité. Et tant pis pour les crétins et les hypocrites qui dénoncent à tort, juste pour distraire les Gabonais, la confiscation du pouvoir et l’avènement d’un soi-disant régime de terreur qui serait en cours d’installation.
Reconstruire entièrement un pays sinistré à un si haut degré de destruction est un travail de longue haleine. Autant dire maintenant que deux ans ne suffiront pas au CTRI pour poursuivre et mener à terme l’œuvre salvatrice de restauration déjà entamée. Car il s’agit en réalité de refonder nos institutions politiques et constitutionnelles et de redresser notre économie, mais aussi et surtout de faire changer les mentalités longtemps figées dans une attitude qui refuse toute évolution et de remettre effectivement les Gabonais au travail.
Pour atteindre ces objectifs essentiels, nous avons, comme sources d’inspiration, deux modèles africains bien connus : ceux des regrettés frères d’armes de nos vaillants soldats John Jerry Rawlings et Thomas Sankara qui, dans leurs pays respectifs, ont pu restaurer en quelques années seulement la dignité de ces peuples frères du Ghana et du Burkina Faso après avoir pris soin d’écarter momentanément les politiciens de carrière qui, chez nous en Afrique, s’accrochent au pouvoir jusqu’à la mort comme de grosses sangsues.
Tout le monde est d’accord pour dire que Dieu et les ancêtres ont accompli, à notre demande, le miracle du 30 août 2023 qui nous a libérés de la tyrannie. Sans effusion de sang, nos soldats ont fait ce qu’il y avait à faire. Pour la suite, il est évident que sans eux, aucune autre solution miracle n’est envisageable ni préférable avant une bonne dizaine d’années pour mettre fin aux crimes rituels, à la corruption, à l’enrichissement illicite et autres crimes économiques perpétrés par des prédateurs humains qui ont torturé, humilié, assassiné des innocents et qui, en cas d’échec de la transition, vont revenir avec leur légion étrangère pour se livrer à d’autres pratiques criminelles plus sales que celles du passé. Toutes choses qui feront en sorte que les crimes rituels redeviennent légion, que les élèves et les étudiants soient de nouveau privés de leurs bourses, que les hôpitaux demeurent définitivement des mouroirs, que la route n’avance plus jamais, que la lutte entamée contre la vie chère trépasse, que le policier, le gendarme, le gardien de prison continuent de payer de sa poche son treillis, ses brodequins, son képi et sa casquette ; faire en sorte que l’officier qui a été promu, en plus de s’offrir son costume d’apparat, s’occupe d’équiper son bureau en tables, chaises, climatiseurs et autres fournitures de bureau qu’il emportera avec lui au cas où le collègue qui le remplacera demain n’aura pas la somme nécessaire pour racheter son matériel. Voilà comment fonctionnait le pays que les PDGistes et leurs alliés des partis satellites nous ont laissé.
La situation est très grave. Les enjeux de la transition en cours doivent être bien compris pour sauver notre pays. Pour cela, il est impératif de nous débarrasser un instant de notre moi destructeur, de taire nos ego et de poser à notre conscience la question de savoir quel autre régime fort que celui incarné par les hommes en treillis est mieux placé aujourd’hui pour soigner ces plaies béantes et recoudre un tissu social aussi scandaleusement dégradé.
Le président Obiang Nguema de Guinée Equatoriale était à l’origine un putschiste. Je me souviens encore de son entretien avec le journaliste Christophe Boisbouvier de Rfi qui lui demandait, après la découverte de l’or noir dans son pays au début des années 90, « Monsieur le président, vous êtes maintenant à la tête d’un petit pays riche en pétrole. Qu’est-ce que vous allez faire de tout cet argent ? ». Réponse laconique et sarcastique de l’interviewé : « une chose est sûre, je ne ferai pas comme les autres qui ont gaspillé leur pétrole ».

Nous sortons d’un humiliant esclavage qui a duré 50 ans

Allez visiter la Guinée Equatoriale, juste là à coté de nous, pour voir ce qu’un militaire patriote, auteur d’une révolution de palais, peut faire pour son pays quand il est soutenu par son peuple. Arrêtons de nous tromper de combat et ne perdons jamais de vue un seul instant que nous sortons de cinquante ans d’esclavage dans notre propre pays. Que le danger n’est pas encore tout à fait écarté et que le risque existe de voir les ennemis du peuple ressurgir en rangs compacts, prêts à déclencher une guerre d’usure comme nous l’avons vu cette semaine grâce au principal organe informationnel de l’Etat, Gabon première, dont on peut s’interroger s’il est du côté de l’Etat qui le finance ou de l’ennemi qui paie le taxi. Voilà où conduit l’absence de cahiers de charges. Bref !
Soutenons les militaires parce qu’ils sont d’authentiques Gabonais qui ont fait ce que nous attendions d’eux. Ils ne feront jamais comme les autres qui ont vendu le Gabon aux étrangers. Disons donc haut et fort à ces enfants de la Patrie : « Messieurs, allez jusqu’au bout de votre tâche difficile, mais exaltante ! Restaurez la paix, la confiance et la dignité des Gabonais comme vous en avez fait la promesse ! Pour ce faire entourez-vous d’hommes et de femmes d’honneur ! Ne laissez plus une once de pouvoir aux vieux chevaux civils de retour. Ces valets locaux et autres complices patentés des puissances étrangères qui ont ruiné notre économie nous ont fait trop de mal !
Votre avènement sur la scène politique nationale a révélé qu’il y a au sein de la grande muette des intelligences supérieures capables de diriger de grands ministères, en particulier ceux qui gèrent nos matières premières et dont certains hébergent encore des fidèles de l’ancien régime. Des gens pourtant aisés, mais qui, contrairement aux militaires que vous êtes, n’ont pas un rapport à la honte suffisamment fort. Ils sont habitués aux pots-de-vin. Ils ont volé et ils vont encore voler, car qui a bu boira, affirme un dicton.
Il est donc capital de promouvoir une nouvelle élite politique intègre et dévouée à la cause de notre nation capable de vous accompagner dans cette belle aventure. Vous trouverez les hommes qu’il faut parmi les jeunes qui sont aujourd’hui au premier rang dans la société civile comme dans certains partis politiques dynamiques qui font encore la fierté de notre jeune démocratie, mais également parmi les quelques vieux incorruptibles et célèbres opposants historiques au régime politique criminel du PDG déchu ».

Gilles Térence Nzoghe, journaliste

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