Les résultats du premier tour des élections groupées sont connus. Ce sont les législatives qui fournissent les données les plus intéressantes à analyser. Comme par le passé, une fois de plus l’opposition gabonaise est victime de ses turpitudes et de ses tares. Les états-majors et les leaders des partis se réclamant de la CNR qui ont pris part à ces scrutins doivent tirer les enseignements de leur débâcle avec objectivité, courage, franchise et lucidité. Dans l’attente la fin de la compétition, nous prenons acte des résultats et tendances du premier tour qui seront vraisemblablement confirmés par le second.
Ces résultats et tendances jettent un éclairage sur le débat qui a divisé l’opposition coalisée entre ceux qui jugeaient qu’il était opportun de participer aux élections et ceux qui n’avaient cure d’y aller. L’officialisation des résultats finaux, suivie de la formation du gouvernement, va définitivement clore ce débat. D’ores et déjà, on peut affirmer que l’opposition formée autour de la victoire de Ping n’avait aucun intérêt à aller aux législatives. La quasi majorité des personnalités politiques et cadres membres de la CNR qui s’y sont risqués ont échoué. Non point parce qu’ils étaient de mauvais candidats, mais simplement parce qu’ils sont sortis du cadre politique logique solidaire et se sont détournés de l’objectif prioritaire fixé par Ping et la CNR qui est aussi celui de la majorité des citoyens gabonais : « Ping au pouvoir ». Ce qui aurait pu être, en d’autres circonstances, un vote sanction du PDG et un plébiscite des forces du changement s’est mué en vote-rejet d’une fraction de l’opposition qui est apparue aux populations comme un « groupe d’opposants coalisés séditieux » mal inspirés.
Certains recalés des législatives, par leur qualification technique, leurs diplômes universitaires et leur expérience professionnelle, sont intrinsèquement de bons, de très bons candidats à l’exemple de Messieurs Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, Jean de Dieu Moukagni-Iwangou, Michel Menga m’Essone, Hugues Alexandre Barro Chambrier, Emmanuel Ntoutoume Ndong, Guy Nzouba Ndama, Njambiempolo Gondjout Paul Marie, Etienne, Pierre Ndong Meye… qui, postulant pour le compte de la CNR dans un contexte et sous un régime démocratiques, auraient été élus sans accroc. Chacun d’eux a le profil approprié pour relever le niveau des débats à l’Assemblée nationale et contrôler efficacement les activités, voire être membre d’un gouvernement ; qu’il soit du PDG ou pas.
Dommage qu’en cherchant la cohabitation avec le PDG émergent et « une tribune pour s’exprimer », ils se sont écartés de la stratégie unitaire. Ils se sont dévalorisés, se sont fait entuber par l’arrogance des PDGistes et broyer par leur efficace et vorace vieille machine à gagner. A l’examen des chiffres par localité, l’on est tenté de croire que, cette fois, le PDG-émergent n’a pas eu besoin de beaucoup tricher pour triompher. Il a été très bien aidé par les opposants qu’ils ont affrontés et qui, par ignorance ou par naïveté, lui ont offert la victoire rubis sur l’ongle sur un plateau doré. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une défaite programmée de « l’opposition électoraliste » et d’une victoire terne et sans gloire du PDG.
Les législatives ont contribué à clarifier davantage les intérêts et les positions socio-politiques des partis et des leaders de la coalition au sein de laquelle devrait ou pourrait s’engager un débat contradictoire constructif dans un proche avenir. L’un des enseignements immédiats à tirer de la division causée par la participation d’une partie des opposants, membres de la coalition, aux élections est qu’en politique c’est se faire « hara-kiri » que de se désolidariser de ses compagnons après avoir mobilisé les populations autour d’une espérance commune. Les partis et les leaders politiques factieux qui ont abandonné, sans délai, sans raisons valables et sans vergogne la stratégie politico-électorale solidaire qui a abouti au rassemblement patriotique autour de la victoire de Ping à la présidentielle de 2016 ont subi les foudres de l’électorat du changement et de l’alternance. A l’évidence, les tendances et les résultats du premier tour des législatives donnent le PDG grandement gagnant et mettent dans l’embarras tant « l’opposition électoraliste » que les résistants.
Quid de cette partie majoritaire des résistants gabonais qui sont restés fidèles à la coalition qui soutient le président élu Ping et dont la diaspora est la pièce maitresse et l’avant-garde ? Pour ces résistants, la priorité demeure l’installation de Ping au pouvoir, conformément aux résultats du suffrage universel de la présidentielle de 2016. Tout le reste relève, pour l’instant, de la fumisterie. Le « package législatives-locales-sénatoriales » confirme que le dialogue gouvernemental et la révision constitutionnelle qui s’en est suivie n’ont été que les étapes du parcours qui conduisait au piège des premières élections groupées. Et grâce à la clairvoyance et à la lucidité politiques des sincères résistants patriotes, en tête desquels Jean Ping, la coalition a été sauvée d’un naufrage collectif. C’est l’occasion de redire que les émergents ne sont pas prêts à lâcher prise. Il faudrait pourtant un jour à venir céder la présidence à Jean Ping qui est, pour le peuple gabonais, le légitime légataire de son pouvoir souverain.
La suprématie de l’abstention
Il y a des Gabonais, surtout parmi les diplômés, qui ne peuvent pas longtemps supporter la condition d’opposant. Aussi, toujours guidés par leur ego et l’égoïsme, ils se précipitent pour conserver ou récupérer un privilège et obtenir une faveur dans le but de s’enrichir, d’être Honorable ou Vénérable. Il est incorrect et indécent d’abandonner ou de trahir ses compagnons de lutte politique. En démocratie, celui qui renonce publiquement à ses engagements politiques commet une faute lourde et, tôt ou tard, il sera sévèrement châtié par le peuple.
Les évènements violents de 2016 et les situations présentes nous interpellent : les morts du QG et des quartiers, les prisonniers d’opinion, les exilés, le président Jean Ping qui est placé en « résidence surveillée », sans possibilité de sortir du pays. SDF, ses collaborateurs errent dans Libreville et vivent quasiment dans la misère et la clandestinité. Tout cela est inacceptable et révoltant ; tout autant que la violence contre les paisibles citoyens qui est devenue l’une des activités la plus visible et la plus pratiquée actuellement au Gabon. Des multiples formes que prennent ces violences, deux catégories coexistent à Libreville. Ce sont : la violence légalisée de l’Etat et celle de crapuleux voyous et chenapans qui agissent impunément en pleine journée à visage découvert. Dans les pays où priment le droit et les bonnes pratiques démocratiques, au regard de ce faisceau d’éléments, du contexte politique, économique et financier ; du nombre d’inscrits, de votants et du taux de participation aux élections législatives et locales, les élections n’auraient pas dû se tenir ou devraient être annulées pour non représentativité des élus. Leur validation serait une violation de la conscience des citoyens qui ne sera certes pas la première ou la dernière. La comptabilité électorale de l’Estuaire, qui compte le plus grand nombre d’électeurs et de sièges, démontre parfaitement que les élections n’ont pas suscité un engouement de la part des populations. Elle confirme que la crise post-présidentielle demeure vivace dans les esprits des Gabonaises et des Gabonais.
Sur les 26 sièges de l’Estuaire, le taux de participation n’atteint 50 % que dans 7 circonscriptions dont 5 ont moins de 3 000 inscrits. Ce sont les localités départementales, suburbaines et peu peuplées, qui ont le plus fort taux de participation : départements de Komo-Mondah, de Komo-Océan et de Komo-Kango (cantons Bokoué et Engong) tous acquis au PDG. Dans la capitale du pays, seul le premier arrondissement d’Akanda, qui est réputé être la localité de cadres, des intellectuels et autres petits bourgeois, atteint le taux de participation le plus élevé (51,8 %). En général, plus on s’éloigne des villes, plus la tendance à la hausse des taux de participation s’accentue. Ce sont les circonscriptions où les caciques connus du PDG, les ministres et les cadres émergents, candidats pour la première fois à une élection, se sont présentés qui affichent des taux de participation les plus élevés frôlant 100 %. Le plus bas taux de participation dans la République se signalent au premier siège du 5ème arrondissement de Libreville avec 14,59 % (22 790 inscrits, 3 326 votants, 2 929 suffrages exprimés) ; tandis que les taux de participation les plus élevés se trouvent, pour d’évidentes raisons différentes, dans les provinces de Haut-Ogooué et du Woleu-Ntem. La palme revient au département de Lékabi-Lewolo, à Ngouoni, avec 96,47 % de participation pour élire l’unique candidat Idriss Ngari du PDG (2 406 inscrits, 2 321 votants, 2 314 suffrages exprimés), suivi des 93,54 % du 3ème siège du département de Sébé-Brikolo où l’autre candidat unique du PDG, Koubangoye Jean Boniface, a été élu avec la totalité des suffrages exprimés (2 166 inscrits, 2 026 votants, 1 966 suffrages exprimés). Ces forts taux de participation s’accompagnent d’une navrante réalité qui est le faible nombre de votants en comparaison avec celui des inscrits. Les Gabonais ne se sont pas déplacés en masse pour voter au premier tour. Le feront-ils au second ? On peut en douter.
Aucun leader de l’opposition véritable n’avait intérêt à appeler au boycott des élections qui étaient porteuses d’un échec prévisible. Beaucoup de faits cités ci-dessus ont ôté à cette élection sa qualité de « suffrage universel » pour en faire un vote politicien corporatiste. De nombreux évènements dégoûtants détournent désormais les Gabonais de la politique et de ses simulacres d’élections. Ce sont, entre autres, l’augmentation, sans références et critères, du nombre de sièges en période pré-électorale qui a été perçue comme profitable au seul PDG et qui n’a eu pour effet que d’émietter l’électorat et de réduire le nombre de votants ; le premier jumelage des législatives et des locales qui tombe comme un cheveu dans la soupe, sans préparation et formation des électeurs ; la crise post-présidentielle qui retarde la prise du pouvoir de Ping ; la criminalité et les scandales financiers et des mœurs ; les réductions des primes, des revenus des agents publics et leurs revendications sociales non satisfaites ; l’état de délabrement des infrastructures scolaires, sanitaires, routières ; le mode et le train de vie insolents de l’Etat et d’une minorité de riches, etc. Voilà les causes, les explications et les fondements réels du ras-le-bol des patriotes résistants, de la forte abstention observée et de l’illégitimité des deux futures chambres du Parlement gabonais.
Il nous revient que dans la province du Moyen-Ogooué la mairie de la ville de Ndjolé, chef-lieu du département de l’Abanga-Bigné, a été incendiée. Comme souvent dans ce genre de situation en période électorale, sans enquête préalable, des rafles anarchiques de femmes et d’hommes, les vieux compris, ont été effectuées. C’est ainsi que Monsieur Daltry Nang Eko, dont la candidature indépendante est l’émanation de la volonté populaire, a été arrêté et mis au cachot avec quelques membres de son équipe de campagne. Pendant le même temps, les PDGistes savourent la victoire à la députation de Maître Denise Mekam’ne, membre du gouvernement. Sur les médias sociaux circulent les images de l’hôtel de ville en feu et des électeurs veillant dans la mairie pour empêcher la fraude. Il semblerait que c’est après le départ des veilleurs que des quidams, non encore identifiés, ont commis leur forfait. Il se dit que certaines langues se délient et citent les noms des probables commanditaires de cet acte odieux. Qui, de Nang Eko, qui était vainqueur potentiel de l’élection municipale, ou de ses adversaires avait intérêt à faire disparaître les documents relatifs aux résultats du vote ? Des regards et des doigts accusateurs sont d’ores et déjà pointés sur certains politiques et notabilités de la localité.
Guy Nang Bekale