Il y a deux semaines, lors d’un accident de circulation sur la route nationale I, des compatriotes, gravement blessés, sont transportés pour la forme au centre médical de Kango. N’ayant pu se faire prendre en charge, faute du nécessaire, deux dames regagnent Libreville grâce au concours d’un bon Samaritain qui les dépose à l’hôpital militaire de Libreville. Là commence leur calvaire. L’une d’elle s’est confiée à nous.
A l’entendre, on apprend que le centre médical de Kango ne dispose même pas de quoi assurer les premiers secours. Déposées à l’hôpital d’instruction des armées, on leur a demandé d’attendre, car il n’y a pas de place. L’une des deux a quitté les lieux pour aller se débrouiller ailleurs. Celle qui était restée souffrait d’une fracture de la jambe et perdait du sang. Entre ses bras, son bébé. De 23 heures à 3 heures du matin, aucune prise en charge. Sentant ses forces l’abandonner, elle fait appel à ses parents pour récupérer l’enfant, car perdant trop de sang. Ses parents viennent la chercher, direction le CHU de Libreville. Là, on leur demanda de se rendre au CHU d’Angondjé. Sur place, on leur fait savoir que le chirurgien ne travaille pas la nuit. Qu’ils aillent au CHU d’Owendo. Départ d’Angondjé pour Owendo en faisant des escales dans des cliniques privées où la prise en charge n’était malheureusement pas possible.
C’est au petit matin (5h) que la malade et ses parents arrivent à Owendo. Comment cela se passe-t-il dans les autres structures médicales de l’Etat ? Il faut d’abord payer la consultation. N’étant pas assurée CNAMGS, imaginez la facture ! Ensuite, une ordonnance est remise aux parents qui doivent acheter tout ou presque, calot médical (chapeau de médecin), gants et autres. Lorsque la patiente est entrée au bloc, elle venait de perdre connaissance. Elle avait perdu trop de sang…
Le comble est que non seulement aucun service n’est au point en termes de prise en charge au niveau des urgences dans nos hôpitaux, mais encore, pire, en pleine pandémie de la Covid-19, il n’y dans nos hôpitaux ni gel hydro-alcoolique ni aucun autre produit pour s’aseptiser les mains. Ne parlons même pas des parents des malades qui dorment à même le sol. Et parmi ces parents des malades, des mamans du troisième âge qui peuvent ramasser là des maladies nosocomiales, le sol n’étant pas aseptisé, car pas d’hygiène médicale. Tout le monde entre et sort sans masque. Le milieu est donc un bouillon de culture… Et on appelle ça des CHU ? Même l’éthique s’est évanouie dans ces CHU qui ne le sont en réalité que de nom. C’est inimaginable.
Nous sommes arrivés au Gabon au niveau de l’inhumain. Inhumain, car au moment où un petit groupe croule sous le poids des milliards, il y en a qui n’ont même pas de quoi s’acheter un comprimé, surtout que l’assurance CNAMGS est de plus en plus refusée dans les cliniques et pharmacies… On préfère prendre le liquide. Le comble est que les budgets affectés aux hôpitaux ne sont réalisés qu’autour de 30, voire 20 %. Et on enjoint à ces structures-là de produire et de s’auto-financer sur leur propre production. Conséquence, les services d’appel à forte valeur ajoutée, tels que les labos ou les services de radiologie où on ne peut pas faire du bricolage, n’existent que de nom, car même les réactifs sont indisponibles. Comment donc s’étonner qu’il n’y ait que les pauvres qui vont dans ces « mouroirs » ? Les décideurs savent qu’ils n’ont rien mis là-bas. Ils vont dans des cliniques privées. S’étonner aujourd’hui de la forte mortalité des Gabonais d’en bas, c’est comme chercher la corde dans la maison d’un pendu. C’est vrai, actuellement, toutes les morts chez les pauvres sont affectées à la Covid-19, même lorsqu’on meurt d’une autre pathologie, parce que tout simplement les structures ne sont pas soutenues financièrement par l’Etat.
Et comme de l’autre côté, l’Etat refuse de payer la dette intérieure, les sociétés se retrouvent au sol, ne peuvent donc pas cotiser à la CNAMGS, par conséquent, les productions hors budget n’existent pas. Ces structures-là ont mangé leur cashflow. Elles n’en ont plus. Qu’est-ce qu’on a fait aux Bongo pour mériter ça ? Les hôpitaux sont même arrivés à un niveau où ils ne peuvent plus nourrir les malades, alors que la bouffe, c’est le premier médicament. Quelqu’un vient pour une fracture, on lui apporte des aliments achetés à la sauvette à l’extérieur. Mais si ces aliments ont des microbes, le patient va développer une autre maladie…
Il y a des moments où, à force d’écrire ces choses-là, on finit par avoir mal à la tête. Mais un jour nous célébrerons le grand soir sans les Bongo et leurs intégristes qui n’ont comme hymne que le requiem de Beethoven. Et ça se dit franc-maçon. Faux, c’est des sorciers.