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Adéquation formation-emploi au Gabon : L’arlésienne du gouvernement depuis plus de 30 ans

Depuis la fin des années 1990, le Gabon cherche des idées pour résoudre son problème de chômage de masse. Curieusement, cette quête a toujours eu comme solution une arlésienne nommée « adéquation formation-emploi ». Depuis plus de 30 ans, chaque gouvernement organise son séminaire, son atelier, ses assises adéquation formation-emploi. Les fameux séminaires se terminent tous par des rapports qui gisent éternellement dans les tiroirs des administrations pendant que le chômage continue de sévir.

La dernière tentative en date est celle des « Assises nationales sur les métiers » dont le résultat vient de se solder par la remise d’un rapport au Premier ministre, offrant à l’équipe gouvernementale une cartographie des métiers prioritaires pour le Gabon. Mais pouvons-nous véritablement célébrer cette avancée comme une réponse aux attentes de notre jeunesse ?
Le Premier ministre, M. Ndong Sima, semblait lui-même douter de la portée de ce rapport lors de sa réception, soulignant que « notre marché nous condamne à nous adapter en termes techniques, à être toujours prêts, à nous recycler, nous remettre en cause, mais, par-dessus tout cette question de l’adéquation formation/emploi, je vous répète qu’on n’aura pas de réponse stable. La formation que nous devons donner à nos enfants est celle qui consiste à se dire chaque jour qu’on cherche une nouvelle formule pour avancer ». Alors, pourquoi persister dans cette direction ?

Constat, quand parler de l’inadéquation formation-emploi ?

Peut-être est-il temps de nous demander si, depuis plus de 30 ans, nous cherchons des réponses à la mauvaise question. Est-ce que notre problème de chômage découle réellement de l’inadéquation entre les formations dispensées et les emplois disponibles ? En tant que citoyens engagés, proposons-nous d’apporter notre contribution à ce débat en nous appuyant sur des constats solides et en proposant des pistes de solutions.
Lorsque, sous d’autres cieux, on évoque l’inadéquation entre formation et emploi, c’est que deux phénomènes majeurs ont été observés :
• l’existence d’emplois non pourvus faute de compétences adéquates ;
• une faible participation, voire une absence, des nationaux dans certains secteurs d’activité.

Faisons donc une introspection approfondie !
Combien d’emplois restent vacants au Gabon faute de compétences locales ? Et dans quels domaines ces emplois non pourvus se situent-ils ?
Dans quels secteurs d’activités les Gabonais sont-ils sous-représentés ? Est-ce dû à un déficit de compétences ?

En examinant les faits !
Actuellement, il est difficile d’affirmer qu’il existe des postes non pourvus faute de compétences au Gabon ; que ce soit dans le secteur privé ou public. La réponse à la première question semble négative. Bien que quelques exemples isolés puissent être cités en contradiction, il est raisonnable de conclure que le problème réside ailleurs. Il faut arrêter de se poser les mauvaises questions.
Dans le secteur du commerce des biens de consommation, principalement, nous observons une prédominance des ressortissants d’Afrique de l’ouest. Mais peut-on le lier directement à un déficit de formation ? Allons-nous ouvrir des modules de gestion des épiceries à l’INSG ? Les épiciers ouest-africains ont-ils suivi autre chose que des formations empiriques ?
Nous notons également la présence d’Européens et d’Asiatiques aux postes de management, notamment dans les secteurs pétrolier et forestier. Cette situation résulte-t-elle d’un manque de compétences locales ou, plutôt, de la volonté des investisseurs de sécuriser leurs opérations en recrutant des cadres de confiance souvent issus de leurs propres pays ?
Le Gabon produit aujourd’hui environ 20 000 bacheliers par an. Quels sont les secteurs capables de les absorber ? L’Institut national supérieur d’agronomie de Masuku produit moins de 50 ingénieurs par an. La plupart d’entre eux sont au chômage. De même, l’École polytechnique de Masuku forme une centaine de diplômés chaque année. La majorité d’entre eux peine à trouver un emploi.
Le Gabon souffre d’un déficit chronique d’emplois estimé entre 100 000 et 150 000 selon les sources. L’adéquation d’une formation ne créera jamais un emploi, car un emploi répond à un besoin avant tout. Parfois, ce besoin peut nécessiter une formation spécifique. Mais si l’employeur ne trouve pas le profil recherché, il est disposé à former une personne motivée. Il est important de se rappeler que, dans les années 60, notre pays a fonctionné essentiellement avec des cadres qui n’avaient comme formation que le Certificat d’études primaires (certes, un Cep de qualité). Il n’y avait pas grand monde qui connaissait ce qu’était un algorithme, un décret, un logarithme…, mais pourtant, ils ne nous ont pas légué un appareil étatique en mauvais état.
Il est plus qu’urgent que notre marché du travail soit en mesure d’absorber environ 10 000 personnes par an comme l’avait souhaité l’ancienne administration, mais qui n’est jamais allée au-delà des intentions.
Les récents concours d’entrée dans la fonction publique et l’armée témoignent de manière éloquente de l’ampleur du désarroi en matière d’emplois dans notre pays.

Quelles solutions pouvons-nous proposer ?

Des formations adéquates
En effet, il est important d’offrir à nos jeunes des formations de qualité et rigoureuses avec des programmes suivis intégralement. Cependant, viser des formations qui correspondent à un emploi précis serait une erreur monumentale. Les meilleures écoles d’ingénieur ou de commerce dans le monde forment par secteur et les contenus des formations restent généralistes, car l’adaptabilité est le maître mot.

Pour conclure

Il est évident qu’améliorer la qualité des formations et comprendre les besoins des employeurs locaux est très utile, mais organiser des séminaires sur l’adéquation formation-emploi tous les deux ans ne résoudra pas les problèmes du chômage endémique que le pays traverse.
Cependant, il faut reconnaître que les emplois se trouvent dans la transformation des matières premières en produits finis. Ce que les experts définissent comme la chaîne de valeur. Les 400 milliards de francs cfa que nous dépensons en importations chaque année pour nourrir les Gabonais représentent un soutien direct aux emplois dans d’autres pays. En privilégiant l’importation de produits pétroliers raffinés, de jus de fruits, d’œufs, de médicaments, nous renonçons à résoudre le chômage sur le sol gabonais. Il ne s’agit pas nécessairement de produire localement tous les biens, mais plutôt de progresser de manière significative dans la transformation des matières premières au Gabon. C’est à ce niveau que se trouve un véritable vivier d’emplois prêt à être exploité par nos ingénieurs, techniciens et ouvriers qualifiés.

Concrètement
• Inciter les entreprises à investir localement pour réduire les importations et créer des emplois. Par exemple, taxer lourdement les importations de verre et de plastique afin d’encourager Sobraga et Foberd à ouvrir une fonderie. La Régab, produit phare des bars gabonais, n’a que l’eau et l’étiquette comme valeur ajoutée gabonaise alors que nous pourrions produire localement la bouteille et le bouchon.
• Favoriser leur participation aux marchés publics pour stimuler l’économie locale en obligeant les industriels à un compagnonnage au moment des souscriptions des marchés publics.
• Soutien aux producteurs locaux : prioriser les fournisseurs locaux pour nourrir les prisons, écoles et services publics.

Yvan Cédric Nze, citoyen gabonais,
ingénieur en sûreté nucléaire (diplômé des universités de Bordeaux et Masuku)

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