…mais aussi au seuil de grandes difficultés. Quinze ans après avoir occupé le poste pendant trois ans avant d’en être éjecté sous Joseph Kabila Kabangué, Vital Kamérhé Lwa Kanyiginy, vice-Premier ministre en charge de l’Economie dans le dernier gouvernement Jean-Michel Sama Lukondé, va recouvrer, très probablement cette première quinzaine du mois en cours, les fonctions de président de l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo (RDC). Un poste que lui auront disputé jusqu’au bout deux autres personnalités très en vue de la mosaïque présidentielle à Kinshasa : l’étonnant vestige mobutiste Christophe Mbosso Nkodia, notable de la province du Kwango, dans l’espace du grand Bandundu, à l’ouest du pays, et Modeste Bahati Lukwébo, président sortant du sénat de la RDC, son « cousin » politiquement pugnace du sud-Kivu, dans l’est de ce pays-continent.
Deux hommes qui ne vont pas laisser Kamérhé tisser tranquillement sa toile du fauteuil présidentiel. Voici qui n’augure pas de lendemains de tout repos pour une personnalité qui, aussitôt sa confortable victoire actée au terme de l’élection primaire organisée il y a deux semaines pour départager des poids lourds de l’Union sacrée pour la nation (USN), a fait plus que lever le voile sur ses intentions de briguer le fauteuil présidentiel en décembre 2028, terme du second mandat du président Félix Antoine Tshilombo Tshisékédi, son allié depuis le conclave de Genève.
En effet, en faisant très clairement allusion au parcours politique de l’ancien président Français François Mitterrand, qui avait pris son mal en patience avant d’accéder à l’Elysée, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) s’est rappelé aux bons vieux souvenirs de rivaux qui rêvent aussi du poste comme ses alliés circonstanciels de l’UDPS, actuellement au pouvoir, et qui entendent y rester avec ou sans « Fatshi Béton », mais également Modeste Bahati Lukwébo, le leader de l’Alliance des forces du changement, qui prétend, certainement globalement à raison, que son parti politique (AFDC) et ses alliés représentent la deuxième force politique du pays depuis les élections de décembre 2018 sous le règne finissant de Joseph Kabila Kabangué.
Si c’est bien grâce aux voix des députés majoritaires de l’UDPS et alliés que l’ancien « pensionnaire de Makala », à l’issue du « procès des 100 jours », a pu prendre la présidence de la chambre basse du Parlement congolais, c’est moins par respect des accords d’alternance à la présidence de la République que par un certain devoir de redevabilité, doublé d’empathie, que le clan des Balubas du centre du pays, au pouvoir depuis 2018 après une quarantaine d’années passées dans l’opposition, ont ouvert la porte de la deuxième institution de la RDC à Kamérhé. D’ailleurs, en retirant sa candidature à la 1ère vice-présidence, le secrétaire général, Augustin Kabuya « Mwana mbuté », a vite fait de préciser que c’est pour mieux assurer la conservation du pouvoir qu’il agissait de la sorte. Réélu dernièrement comme sénateur, c’est à la chambre haute que cet ancien « kadhafi » (vendeur d’essence en bidon) comme aiment à le rappeler ses détracteurs kabilistes, a postulé pour seconder le président qui devrait logiquement venir de l’espace du grand Katanga.
Pour le remplacer à l’Assemblée nationale, c’est un professeur d’université accompli, le Pr Jean ClaudeTshilumbayi Musawu, que Félix Antoine Tshilombo Tshisékédi vient de choisir pour talonner et, certainement, marquer de très près l’ambitieux Vital Kamérhé que beaucoup d’originaires du Kasaï, l’espace géographique présidentiel actuel, ne porteraient pas spécialement dans leur cœur pour avoir détourné, puis légalement épousé en 2019, la femme de l’enfant du pays, l’artiste-musicien Jean-Bedel Mpiana (JB), leader du groupe Wengue musica BCBG, la bien nommée Hamida Shatur, de père Indien et de mère originaire du Congo central. Une femme que le régime actuellement au pouvoir à Kinshasa n’a pas hésité à exposer médiatiquement en l’obligeant à comparaître et à témoigner, de même que l’une de ses filles issue des œuvres de « papa chéri » JB Mpiana, lors du « procès des 100 jours » retransmis en direct sur la chaîne nationale congolaise (RTNC).
Après deux ans passés en prison ferme, Vital Kamérhé a été réhabilité au terme du procès en appel pour…venir à nouveau prêter main forte à son allié de Genève en vue de sa réélection. Une fidélité docile qui en a désarçonné plus d’un dans le landerneau politique congolais et qui obligeait, au minimum du retour d’ascenseur, l’actuel chef de l’Etat congolais empêtré dans des difficultés de tous ordres, dont la guerre de l’est avec le Rwanda par la rébellion du M23 interposée et des affaires de détournements massifs de fonds publics mis à charge de son ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui a été empêché de sortie du territoire national lors de la visite officielle que le président congolais vient d’effectuer à Paris avec Vital Kamérhé en bonne place dans sa délégation officielle. Preuve que Tshilombo Tshisékédi serait prêt à faire de quelqu’un qui n’est pas de son parti politique (UDPS), au contrôle de toutes les institutions républicaines en ce moment, son dauphin pour les échéances de 2028. Tout le monde pourrait le croire sauf le principal concerné qui a pu vérifier, entre 2018 et 2024, ce que vaut en réalité la parole d’un allié qui n’a même pas pu s’assumer clairement pour la dévolution du perchoir.
C’est dire combien, pour Vital Kamérhé, il faudrait songer à marcher sur des œufs pour ne pas froisser la sensibilité à se maintenir aux affaires, des femmes et des hommes qui ont juré, dixit l’ancien SG de l’UDPS, Jean Marc Kabund-A-Kabund, le « maître-nageur » actuellement en prison pour sept ans, de « rester au pouvoir jusqu’au retour de Jésus-Christ sur terre ». En réaffirmant que l’Assemblée nationale va dorénavant jouer pleinement son rôle de contrôle de l’action parlementaire et retrouver ses lettres de noblesse de deuxième institution du pays, Vital Kamérhé a choisi clairement de ne pas faire semblant. De quoi donner du grain à moudre à un certain « Maradona » de la politique congolaise, Bahati Lukwédo, persuadé que, tôt ou tard, le clash viendra à intervenir entre les deux alliés de Genève, puis de Naïrobi.
Convaincu, tout comme Kamérhé, que le tour de l’est du pays d’accéder à la présidence de la République va certainement intervenir à l’occasion de la future présidentielle, Modeste Bahati Lukwébo, ancien allié, lui aussi, de Joseph Kabila Kabangué, qu’il a trahi en 2019, reste donc à l’affût et guettera le moindre faux pas de son rival kivusien. Pour eux, le premier président du Congo, Joseph Kasavubu était de l’ouest du pays (Bas Congo). Joseph Désiré Mobutu, qui lui a succédé, était un ressortissant de l’Equateur, dans le nord du pays. Les Kabila, père et fils, qui ont pris et gardé le pouvoir de 1997 à 2018, étaient ressortissant de la province du Tanganyika, dans le Katanga, à l’est de la RDC. Félix Antoine TshilomboTshisékédi, au pouvoir depuis janvier 2019, est originaire de la province du Kasaï, dans le centre du pays. Il ne reste donc plus que le tour de l’est de la RDC avec les deux Kivu.
Fûté et déterminé, le président de l’UNC n’ignore probablement rien des pièges et stratagèmes de ses principaux rivaux de la majorité soutenant le chef de l’Etat. Mais, mieux qu’aucun d’eux et pour l’avoir expérimenté avec Joseph Kabila Kabngué, il sait quelles dividendes politiques il peut retirer d’un esclandre à venir avec Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo dans le dessein bien calculé de lui succéder à la tête de la RDC dans bientôt quatre ans.
Sylvanal Békan