A Tchibanga, le président de la transition n’avait pas hésité à pointer du doigt celui qui peut être regardé aujourd’hui comme son plus farouche opposant, Alain Claude Billie-by-Nze. En effet, entre les deux hommes, des contradictions, non pas de fond (les deux hommes appartenant au même système Bongo), mais de forme, éclatent au grand jour.
Depuis un moment et dès qu’il en a l’occasion, l’ancien et dernier Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba n’hésite pas à canarder à l’arme lourde les militaires au pouvoir à Libreville. L’homme ne démord pas. Il multiplie les coups de canif. Il estime que ce n’est pas pour voir ce que le CTRI nous montre là qu’ils ont été dégagés du pouvoir au matin du 30 août 2023. Il leur conseille même de retourner dans les casernes. « La place des militaires est dans les casernes… », assène-t-il à souhait. Ne pouvant s’arrêter en si bon chemin, il conseille même et encourage Oligui à mettre en place une commission vérité-réconciliation-réparation. Il estime que c’est trop facile de jeter la pierre au PDG qui est une personnalité politique morale. Il faut aller plus loin en établissant les responsabilités dans les actes posés par les uns et les autres lorsqu’ils étaient aux affaires et chacun à son niveau de responsabilité. On ne peut pas jeter l’opprobre sur tout est un parti alors qu’il y a là-dedans des personnes qui n’ont rien à se reprocher.
Des piques qui agacent le président de la transition qui, jusqu’à présent, donne l’impression de poser un acte de contrition envers le PDG dont la restauration est presqu’évidente avec la participation de nombreux cadres de ce parti à la gestion de la transition. Mieux, au perchoir de l’Assemblée nationale trône le camarade Jean François Ndongou (Jeff pour les intimes) alors qu’il rappelle au commun des Gabonais les moments sombres de 2016. Sa place n’est-elle pas en prison ? D’aucuns se posent même la question de savoir pourquoi Sylvia est incarcérée et Mborantsuo en liberté ? Sylvia serait-elle arrivée là où elle en était si Mborantsuo avait bien fait son boulot, allant même jusqu’à modifier la Constitution en 2018 afin de maintenir au pouvoir un Ali Bongo affaibli par la maladie ? Ce qui avait permis à Sylvia d’assurer une sorte de régence avec son fils et les amis de son fils, les fameux ados pubères encore appelés young team… Mais Mborantsuo, estimant qu’elle a trop donné pour ce pays qui ne lui a pas assez rendu, s’est même sentie en droit d’exiger le poste de président honoraire de la Cour constitutionnelle, son bébé. Ce que le CTRI lui a concédé rubis sur l’ongle. Sauf que le tollé général qu’a suscité cette nomination a poussé le régime à rétropédaler.
Et pourtant, ce pays mérite un devoir d’inventaire qui doit aller au-delà du clan de l’enfant-roi. Ce qui suppose le recensement de toutes les grosses fortunes du Gabon et demander à ces derniers de pouvoir justifier leurs biens. Cette opération de salubrité publique, si elle est faite, doit aller au-delà des 14 ans de gestion d’Ali Bongo. On pourrait la situer aux années 90, année où le Gabon fait son retour au multipartisme. Tous ceux qui étaient aux affaires à ce moment-là doivent être en capacité de justifier leurs biens et leur fortune en fonction du salaire qui était le leur. Si Oligui Nguema trouve le courage de faire ça, il verra combien sa cote de popularité va remonter. Mais vouloir faire passer en pertes et profits tous les péchés du PDG, en lui accordant même la sainte absolution, donne non seulement du grain à moudre à certains de ses cadres comme Alain Claude Billie-by-Nze et autres Franck Nguema, mais crée aussi, auprès des victimes de ce régime, un sentiment d’humiliation, d’abandon et de résignation. Ce qui peut susciter demain une sorte de conspiration du silence contre les autorités actuelles.
Odette Melighe