En dépit des mensonges grotesques que la junte balance pour gagner du temps sur l’état vital de Boa, au regard de certaines rumeurs qui vont jusqu’à le donner pour mort, le clan au pouvoir est de plus en plus divisé sur les scénarios de succession.
Au-delà de l’orchestration du putsch du 07 janvier par de jeunes officiers des forces de défense, le remaniement du gouvernement opéré à peine deux semaines seulement après sa nomination donne le ton sur la nuit des longs couteaux à venir entre émergents.
Les règlements de comptes
La situation politique est toujours confuse à Libreville. Entre l’éviction d’Issoze Ngondet (de la primature à la médiature de la République alors qu’il est fraîchement élu député) et le remaniement d’un gouvernement à peine nommé il y a deux semaines, le pouvoir est réellement vacant. On ressent l’absence d’un pilote à bord. Si, du temps que le pilote Ali Bongo Ondimba était là, le pays fonçait déjà droit dans le mur (crise sociale, économique et sécuritaire du régime) d’ici 2023, son absence depuis trois mois enfonce davantage le régime dans des lendemains incertains. Le remaniement opéré, à la surprise générale, le 30 janvier dernier avait des allures de règlement de comptes. Les émergents qui composaient la garde politique rapprochée de Boa viennent de se voir remerciés par on ne sait qui imite les signatures du putschiste en chef à la présidence de la République. Qui décide en ce moment au Gabon (Mborantsuo, Laccruche, Frédéric Bongo) ? En effet, le départ surprise d’Etienne Massard Kabinda, dont l’apport politique véritable, voire technique, n’a jamais pu être établi (aucune base politique, aucun plan visible de modernisation et de renforcement des capacités des FDS en dehors de la répression contre les populations), aurait-il pu eu avoir lieu si Boa lui-même dirigeait encore le pays lucidement ? Certainement pas. De 2009 à 2010, ce personnage a tout eu de Boa : présidence du conseil d’administration des bourses et stages, Secrétaire général de la présidence de la République, ministre, puis ministre d’Etat chargé de la Défense nationale. Il était perçu comme un indéboulonnable du système Ali tant il faisait partie de ceux avec qui Boa jouait aux jeux, écoutait la musique, voyageait avec pour ses partis de plaisir hors du pays. Il murmurait à son oreille et faisait partie de l’équipe restreinte des émergents qui étaient dans les secrets de la République et influençait donc la prise de décisions souvent mauvaises.
Son autre alter ego, le roi téké Ali Akbar Onanga, a passé son temps au secrétariat général du gouvernement à siphonner les crédits des Premiers ministres, à modifier unilatéralement les propositions de nomination des ministres, à passer pour le vrai PM d’Ali en gardant l’initiative ou le contrôle de certains grands dossiers entre ses mains. A qui il voulait l’entendre, il n’a jamais caché son ambition pour le pouvoir, c’est-à-dire devenir président si Ali ne se représente pas un jour. Et, finalement, le 24 octobre 2018, quelque chose s’est passé à Riyad, en Arabie Saoudite et qui aurait dû le mettre sur orbite pour être le candidat du pouvoir. Mais c’est à ce moment qu’il reçoit un coup de massue : la décision immédiate de sa sortie du gouvernement.
Enfin, le limogeage de Christian Magnagna, ce natif de Mounana, est aussi un grand signe. Sur les trois ministres renvoyés par la troïka qui commande en ce moment le Gabon, tous sont du Haut-Ogooué. Alors, comment des Altogévéens, par les temps qui courent, peuvent-ils être mis à la porte du gouvernement de manière aussi humiliante ? Quelle faute ont-ils commise ? Y a-t-il un lien avec le putsch manqué de Kelly Ondo Obiang du début janvier ou une affaire de détournement ?
Les caciques reprennent les choses en main ?
Une chose est, par contre, sûre. La lutte pour la continuité du pouvoir dans le Haut-Ogooué après Boa dont l’état de santé physique, voire mentale, ne permet plus de diriger le pays, explique ces remue-ménages. L’on assiste, en l’absence confirmée et définitive de Boa, à la prise de pouvoir par les caciques du régime qui mettent de côté tous les « jeunes émergents » du G2 qui ont « mangé » avec Boa. C’est le plan de coup d’Etat, le vrai, qui a déjà débuté. Concrètement, l’éviction de ces individus du gouvernement signifie qu’un toilettage est en train d’être fait contre certains proches de Boa. Tous les cercles du pouvoir sont en alerte : ceux qui sont pour un coup d’Etat militaire afin d’être sûrs de confisquer le pouvoir (en évitant des élections) ; ceux qui sont pour une négociation avec l’opposition pour acheter ce virage (émergents électoralistes) et ceux qui veulent que dure le scénario de fausses images et fausses apparitions en public de Boa (émergents de première heure). La guerre de pouvoir, qui prend une nouvelle tournure, pourrait prendre une forme violente dans les semaines à venir avec une « belle nuit » de « longs couteaux » entre tous ces groupes.