Comme son successeur Festus Mogae (démission en 2008 pour raison de santé), le président Seretse Ian Khama du Botswana avait décidé de démissionner en mars 2018, de son plein gré, pour mieux se soigner et passer à autre chose, et cela contre l’avis de son parti et des assoiffés de pouvoir de son ethnie. Un exemple qui vaut tout son sens au regard l’état de santé actuel d’Ali Bongo, devenu incapable de parler ou de bouger correctement, avec des images humiliantes sur son fauteuil roulant.
Des simples questions légitimes…
Est-ce dans cet état que les tribalistes du Haut-Ogooué croient que Boa va diriger le Gabon jusqu’en 2023 ? Si déjà, étant physiquement en forme de 2009 à 2018, il n’a pu changer le pays et a souvent reconnu que son entourage le malmenait, combien serait grave la gouvernance du pays avec un Ali Bongo cloué à Rabat sur un lit de « convalescence », en réalité de très longue durée, entouré de kinés, de chirurgiens et autres spécialistes (cardialogues…) qui se relaient et surveillent son inquiétant état médical ? Quid des cérémonies protocolaires (accueils des hôtes de marque, salut des couleurs nationales, passage en revue des troupes, déplacement sur le terrain au contact des populations, audiences avec des dirigeants et missions à l’étranger) ? La présidence de la République d’un pays exige des aptitudes physiques que Boa n’a véritablement plus aujourd’hui. La vacance du pouvoir, prévue par la Constitution en son article 13, est la seule vraie voie de sortie dans la paix et la sécurité pour tout le monde. Hors de cela, le pire est à redouter. Les régimes où les clans au pouvoir se sont battus pour le monopoliser sont légion.
Le plan de certains Altogovéens pour conserver le pouvoir
Pour rappel, au début de cette crise institutionnelle et politique, nos analyses ont pris deux directions qui restent intactes aujourd’hui malgré les mises en scène théâtrales pour faire croire qu’il est toujours apte (vidéos amateurs d’une poignée de secondes, simulacre de prestation de serment). La première direction a consisté à se demander si Boa, survivant de son AVC (après avoir subi deux opérations successives du cerveau à Riyad (Arabie Saoudite) afin d’extraire la masse ou caillot de sang qui s’y était formée, sera capable de continuer à exercer les lourdes charges de président de la République qu’il usurpe depuis 2009 ? La deuxième interrogation a été, connaissant la mentalité des profito-situationnistes qui redoutent le pire pour eux, comme cela semble vouloir se dessiner, à court ou moyen terme, de savoir quel scénario de conservation de pouvoir vont-ils tenter de dérouler selon la situation de vacance de pouvoir de fait qu’ils continuent de refuser de déclarer ?
Sur le premier point, les trois vidéos tournées à Rabat (la première avec le roi Mohamed VI, la deuxième avec la délégation conduite par Madame la régente, la troisième pour le discours du 31 décembre) et le transport de son corps affaibli sur Libreville pour faire un simulacre de prestation de serment du gouvernement ne font que renforcer des doutes, légitimement, sur l’incapacité physique irréversible de Boa. Les aides-de-camp qui sont aux commandes à la présidence et la chaîne ethnico-familiale formée autour de Mborantsuo, Ngari, Alihanga et consorts continuent de plus belle à refuser la déclaration de la vacance du pouvoir. Ce sera une fin de vie pour eux.
Sur le deuxième point, deux scénarios sont sur leur table pour conserver le pouvoir à tout prix. Le premier est une déclaration de vacance qui débouchera sur une élection (avec le fils d’Ali Bongo ou un autre Altogovéen bongoïste comme candidat PDG), suivie d’une répression meurtrière plus que celle de 2016 et la nomination d’un pseudo gouvernement d’union nationale. Le deuxième scénario est de continuer faire croire (montages vidéos, messages radio télévisés fabriqués, apparitions soudaines de quelques minutes en public comme avec la cérémonie de prestation de serment des ministres) que Boa vit encore et, mieux, qu’il continue lui-même de signer des décrets et tenir des réunions avec son cabinet et certains hauts fonctionnaires qui lui sont proches. Ce qui doit leur permettre de tenir jusqu’en 2023 ou tout simplement de gagner du temps… Le temps nécessaire pour trouver un candidat sûr avant de déclarer la vacance du pouvoir.
En Algérie, c’est ce deuxième scénario qui est mis en œuvre depuis déjà des années avec un Bouteflika malade, très affaibli qui ne tient aucun Conseil des ministres, fait des apparitions rares et courtes à la télévision d’Etat, mais derrière lui, des amis et parents prennent toutes les décisions, volent et tiennent la gâchette (armes) pour faire la guerre civile en cas de soulèvement populaire. C’est vers ce scénario aujourd’hui que Madame la régente et son petit monde du Haut-Ogooué se dirigent jusqu’en 2023. La classe politique de l’opposition est sans crédit et a montré qu’elle est soit au service des Bongo pour les aider à garder le pouvoir moyennant de l’argent en secret, soit elle n’a aucune détermination face aux possibilités offertes pour libérer le pays.
Mais tout cela va dépendre de deux facteurs. Le premier est la précarité de la santé de Boa, si tel est qu’il est encore en vie et donc, qui peut à tout moment dégénérer (AVC). Et l’on comprend aisément pourquoi les profito-situationistes et les monarchistes altogovéens connus refusent toute mission médicale indépendante pour aller évaluer scientifiquement les facultés mentales et physiques de ce type-là. De même qu’ils n’ont pas su qu’un 24 octobre tout pouvait basculer, de même, rien ne dit, et ils savent la vérité, que Boa est sorti d’affaire. Le deuxième facteur est politique. Là aussi, rien ne dit qu’un nouveau commando, certainement monté par une des factions qui se disputent le pouvoir actuellement pour assurer l’après-Ali (Alihanga et les siens, d’un côté, Frédéric Bongo et son groupe de l’autre), va surgir. Tout comme, un epsilon peut sortir de nulle part et les surprendre tous afin de « restaurer » la République prise en otage par des tribalistes assoiffés de pouvoir.