Les Gabonais ont assisté, réduits à quia, au retour triomphal du Pati démocratique gabonais (PDG) aux avant-postes de la politique nationale. La nouvelle direction est conduite par le transfuge Paul Biyoghe Mba. Joséphine Kama, alias Patience Dabany, et son fils adoptif Ali Bongo Ondimba ont été écartés. La thuriféraire Angélique Ngoma a été hissée au secrétariat général de cette redoutable machine à voler.
Un cycle de vie compliqué
L’histoire enseignera que le PDG fut ressuscité 34 ans après la déclaration officielle de sa mort par Omar Bongo lors de la Conférence nationale de 1990. Il fut enseveli le 30 août 2023 avec l’irruption des militaires sur la scène politique gabonaise sous la direction du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. Ceux qui doutaient du miracle de la résurrection sont servis. Alors que nous le croyions mort, enseveli, jeté dans le tombeau de l’histoire et les Gabonais débarrassés de la bongocratie et de la voyoucratie, voilà, qu’à la surprise générale, son tombeur le ramène à la vie, à l’image du syndrome de Lima caractérisé par la fascination du bourreau vis-à-vis de sa victime. En toute sincérité, plus d’un s’attendait à tout, au titre des actes des actes salutaires, sauf à la résurrection du PDG par son bourreau Brice Clotaire Oligui Nguema. Cet acte de résurrection du PDG élèvera le général au rang de grand thaumaturge devant l’Eternel.
Toujours est-il que, le 7 mars 2024, un putsch a eu lieu au sein du PDG. Ali Bongo Ondimba a été débarqué de la tête du parti « en violation des textes ». Il n’y a rien de surprenant dans cette affaire, car si les PDGistes ont passé le plus clair de leur temps à violer la Constitution, ce ne sont pas les petits textes de leur parti qui les arrêteraient.
Nous gardons en souvenance une équipe de charlatans en blouses blanches commués en commission scientifique ou en staff médical qui avait réalisé l’exploit de justifier la participation de leur ex-champion à la dernière présidentielle en raison de sa forme olympique. Mais voilà que, pour le débarquer, ses amis justifient leur magistral putsch par la perte des aptitudes physiques et intellectuelles d’Ali-Neuf. Ce diagnostic semble ne pas rencontrer l’assentiment d’une franche de PDGistes qui estiment que, dans le cadre de l’élection présidentielle, Ali-Neuf a passé avec succès sa visite médicale et a été reconnu apte à diriger le Gabon. Ils ne comprennent pas que leur « candidat naturel » soit tout de go déclaré inapte à conduire les destinées du parti. Le diagnostic fait par les putschistes montre à suffisance que ces menteurs de carrière ont trompé tout le monde depuis 2018. Cela constitue un mensonge d’Etat et ils doivent, par conséquent, s’amender auprès des Gabonais qui en doutaient et exigeaient que la vacance de pouvoir soit déclarée et punis selon les procédures en vigueur. Il n’y a point de vérité que le temps ne révèle. A force d’user de grenouillages, les PDGistes, quoiqu’ils soient nés avant la honte, ont désormais la queue entre les jambes.
Alors que, juridiquement, la saisine suspend provisoirement la force exécutoire d’un acte, le l’exubérant Francis Nkéa Ndzigue, ardent défenseur des victoires volées d’Ali Bongo Ondimba, n’a pas obtenu l’application de cette disposition de la part des juridictions auprès desquelles il a sollicité l’annulation des décisions issues du putsch. Avec le décès à venir du PDG, il devra conjuguer avec les affres des injustices qu’il faisait subir aux Gabonais.
C’est au putschiste Paul Biyoghe Mba, transfuge du Mouvement commun de développement (MCD) qu’est revenue la 1ère vice-présidence d’un parti politique étêté. Il tentera d’enjoliver la laide figure dont s’est doté le PDG. Le vagabond politique, parti du Rassemblement national des Bûcherons (RNB) pour le PDG en passant par le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP), Alain Claude Bilie-By-Nze, s’adjuge la 2ème position. Ce dernier pense même que l’éviction d’Ali Bongo Ondimba et l’arrivée du général Oligui Nguema s’assimilent à un simple « changement de coach » à la tête du PDG pour se donner la chance de « remporter la coupe ».
Cette assertion donne raison à ceux qui pensent que le sommet de l’organigramme des putschistes du PDG est réservé à Oligui Nguema. La preuve de cette alchimie est donnée par la présence, en bonne place, d’un membre du gouvernement de la transition dans l’organigramme du PDG ressuscité.
L’effet drapeau
Au Mali, le président déchu, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), fut gardé en résidence surveillée jusqu’à sa mort. Son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM), fut interdit de mener des activités politiques. Il en est de même au Burkina Faso, en Guinée et au Niger qui, comme le Gabon, ont connu des coups d’Etat militaires. Alors que PDG, reconnu comme cause des malheurs publics, de la mauvaise gouvernance, des crimes de tous genres et de la corruption, aurait pu être purement et simplement dissout, il a, paradoxalement, les faveurs de notre messie national. C’est à visage découvert qu’il collabore allègrement avec celui-ci. Le messie ne s’encombre pas de scrupules à placer majoritairement ce « machin » dans tous les organes de la transition. Les voix qui s’élèvent provoquent l’érosion vertigineuse de l’image du CTRI jusque dans les cercles de ceux qui s’abstenaient à s’en prendre au tombeur d’Ali Bongo tant il séduisait en se prévalant d’être le « Moïse » du Gabon, en souvenir du récit biblique où Dieu envoya un certain Moïse libérer d’Egypte les esclaves hébreux. Les Gabonais, maintenus en esclavage des années durant sous le régime méphistophélique de Bongo-PDG, crurent sortis de cette étreinte. A y regarder, il semble maintenant que l’espoir d’instaurer des institutions fortes s’évapore alors qu’apparemment tout semblait baigner dans l’huile. L’accointance avérée du général Oligui Nguema avec le régime déchu apparaît aux yeux du monde et aliène sérieusement sa cote de popularité. Les Gabonais, qui avaient cru à l’objectif de remise à plat des institutions du pays, abreuvent d’actes et d’actions sans lien avec les déclarations initiales et soupçonnent, au passage, le positionnement d’Oligui Nguema au PDG.
L’effet drapeau, autrement dit, l’engouement populaire autour des nouvelles autorités militaires, semble n’avoir duré que le temps d’une rose. Il a commencé à s’estomper lorsque les Gabonais ont constaté le retour massif des PDGistes aux affaires alors qu’ils ont ruiné le pays pendant près de 60 ans durant. Les Gabonais dénoncent cette combinaison machiavélique et ruminent leur désespoir. Ce n’est pas une faute d’avoir espéré des lendemains meilleurs. Ils s’arrachent les cheveux lorsqu’ils s’aperçoivent qu’une fois de plus, « leur essor vers la félicité » est repoussé aux calendes grecques.
Quand il y a un flou, ce qu’il y a un loup
L’embolie de présidentiabilité du général Oligui Nguema, que nous soupçonnions après ses privilégiatures avec les dictateurs rafraichis de l’Afrique centrale, semble avoir enflé. Il se grommelle qu’il lui avait été conseillé d’appliquer le dicton selon lequel « ce qui est à toi, la rivière ne l’emporte pas ». Injonction reçue 5 sur 5 et dont l’exécution est en cours. A travers ses porte-voix disséminés çà et là, il fait annoncer l’envie de se maintenir au pouvoir après la transition. L’un de ses plus grossiers porte-voix est son haut représentant personnel et ancien conseiller stratégique d’Ali Bongo, le truand politique Gervais Oniane, qui appelle, sans bourse délier, Oligui Nguema à se présenter à l’élection présidentielle en 2025. Tous ces appels, à l’instar d’« Oligui doit rester », sont des codes dont il se sert pour préparer l’opinion du peuple.
L’organisation calamiteuse du dialogue national annoncé inclusif présente tous les indices de roublardise du bongoïsme qui vérifient le dicton énoncé plus haut : « ce qui est à toi, la rivière ne l’emporte pas ».
Le décret n° 0115/PT-PR/MRI du 8 mars 2024 portant convocation et organisation du dialogue national inclusif le prouve en déviant la mission initiale de cette rencontre, à savoir « la restauration des institutions ». En lieu et place, le décret lui donne les missions de décider de la durée de la transition et de proposer l’organisation politique, économique et sociale de la Nation après la transition qui constituent, comme le dit si bien la Coalition pour la nouvelle République (CNR), des problèmes sectoriels impartis au programme de gouvernement.
Le mode de désignation des commissaires et la fixation de leur nombre ôtent le caractère inclusif à cette rencontre qui aurait bénéficié d’une mémoire collective très large et offrirait, en mode brainstorming, de larges possibilités de rechercher et de trouver des solutions à l’établissement d’institutions solides par la confrontation des idées. Le cas échéant, de participer aux opérations de vote. Quand il y a un flou, ce qu’il y a un loup.
Faisant fi des appels à l’organisation d’une Conférence nationale inclusive et souveraine, le CTRI et son allié objectif, le PDG, orientent d’avance les résultats des travaux dans une direction arrêtée de commun accord. L’un des articles du même décret stipule que « l’équipe chargée de la rédaction du rapport final est composée de la ministre en charge des Relations avec les institutions, d’un représentant du CTR, d’une personnalité mandatée par le secrétariat général du gouvernement, de trois hauts cadres de l’Etat », sans définition des profils. Comme on peut le voir, cette équipe, l’une des vertèbres de l’organisation du dialogue, n’est composée que de représentants de la puissance publique, nommés.
Le gouvernement, en charge du pouvoir exécutif, s’obstine à préparer et à organiser cette rencontre alors que, sous d’autres cieux, il s’en serait exonéré pour éviter d’être dans une position inconfortablement hybride de juge et partie. Le gouvernement semble se complaire dans cette posture. Il se donne même du zèle de nommer les commissaires des partis politiques au dialogue. Un dialogue que les esprits éclairés jugent pipé d’avance.
Au prétexte d’être l’objet de pressions d’une soi-disant « Communauté internationale », le CTRI, le gouvernement et leur allié, le PDG, procèdent à l’art de l’esquive en voulant mettre sous le boisseau la commission vérité-justice-réparation-réconciliation. Cette fameuse Communauté internationale serait-elle une amie des jours heureux ? Sinon, où était-t-elle en 2009 et 2016 lorsque le système-PDG massacrait les partisans du changement à l’arme lourde ? En ce qui nous concerne, la seule pression à prendre en compte est celle du peuple qui réclame cette commission avec insistance. Le dialogue national inclusif ne peut ne pas fermer les yeux sur les atrocités post-électorales de 2009 et 2016, les violations des droits de l’Homme, les crimes rituels et économiques auxquels le PDG s’est adonné à cœur joie 56 ans durant. En Afrique du Sud, par exemple, il s’est agi d’établir le lien entre la mémoire (comprendre ce qui s’est passé) et la réconciliation afin que les populations retrouvent l’harmonie pré établie. Ne pas adhérer à cette demande, c’est choisir de maintenir les Gabonais dans un état permanent d’animosité.
Toute lucidité gardée, l’harmonie, la paix entre les filles et les fils d’un même pays devraient être le projet le plus grand, le plus beau de toute action politique. La paix des braves, issue de deux forces d’égale intensité, n’est pas une paix durable. Les deux camps renonçant momentanément aux hostilités en attendant un éventuel déséquilibre du rapport de force. La paix de cimetières non plus. La paix véritable est celle qui passe par la pratique de la vérité et de la justice véritables. Les demandes de pardon désinvoltes de Bilie-By-Nze et d’Angélique Ngoma ne peuvent être porteuses de paix véritable.
Beauty Nana Bakita Moussavou