epuis deux ans au pouvoir après en avoir chassé le Lt-Cl Damiba, le capitaine Ibrahim Traoré, dont c’était le credo, ne parvient pas à endiguer le fléau du terrorisme djihadiste dans le pays. Face aux pertes sévères infligées dernièrement aux troupes à la frontière nigérienne, beaucoup doutent de plus en place de la capacité de l’officier à se monter à la hauteur des enjeux sécuritaires.
Un fait majeur avait justifié la prise du pouvoir à Ouagadougou des militaires du Mouvement patriotique pour la sauvegarde de la République (MPSR) sous la houlette du Lt-Cl Paul Henri Sandaogo Damiba : la recrudescence du péril djihadiste dans le pays avec, à la clé, un massacre de soldats qu’on disait alors laissés pour compte par le pouvoir civil du président déchu Rock Marc Christian Kaboré.
Deux autres faits ont donné de la matière pour la perpétration d’un autre coup de force, toujours par des membres du MPSR, mais cette fois-ci avec, à leur tête, le capitaine Ibrahim Traoré : la venue de l’ancien président Blaise Compaoré que la justice burkinabé venait de condamner à perpétuité pour l’assassinat de Thomas Sankara et la persistance de l’insécurité dans le pays alors que le rapprochement avec l’ancien dictateur sanguinaire avait été trouvé comme pouvant être une solution à la résolution de la question récurrente du terrorisme.
C’est à cause de l’exacerbation de la violence terroriste que le président Ibrahim Traoré, qui avait accusé son prédécesseur d’avoir opéré « des choix hasardeux qui ont progressivement affaibli le système sécuritaire du pays… », ne dormait plus que d’un œil au palais présidentiel. Jusques à quand ?
Les derniers massacres de militaires du 11 juin dernier viennent de prouver à quel point la situation du terrorisme reste épineuse au Sahel et singulièrement dans les pays d’Afrique de l’ouest qui ont pris leurs distances avec la puissance colonisatrice qu’est la France ces dernières années. Malgré le rapprochement avec la Russie et l’ex-milice Wagner, les résultats tardent à arriver.
Pendant ce temps, le chronomètre des transitions continue à tourner et les opposants militaires et civils aux aguets n’entendent pas laisser le champ politique éternellement libre. On pourrait ainsi lier la montée des tensions à Ouagadougou, où l’on signalerait la venue à la rescousse des frères d’armes maliens et de mercenaires de l’ex-Wagner avec les libertés prises ces derniers jours par le capitaine Ibrahim Traoré et ses soutiens par rapport aux suites à donner à un processus de transition qui ne laisse pratiquement pas de place à la société civile, aux politiques et probablement à d’autres compétences militaires autour de la junte. On parle ainsi de plus en plus du rôle étouffant des Wayiyans, des jeunes gens, constitués en comités de vigilance du président burkinabè, et déterminés à protéger son pouvoir.
Certains à Ouagadougou et Bobo Dioulasso soutiennent même que sans leur implication, on parlerait déjà d’une autre transition au pays. C’est sans doute eux qui, tout dernièrement, en une seule journée, ont fait conclure à la prorogation du mandat transitoire d’Ibrahim Traoré de cinq années supplémentaires alors que la situation sécuritaire empire un peu partout dans l’arrière-pays.
Pour ne pas se simplifier les choses du point de vue politique et social, le pouvoir militaire d’Ouagadougou a fait arrêter dernièrement, avant de le relâcher, un oncle de feu Thomas Sankara âgé de 80 ans. Il était soupçonné de…complot.
Un peu comme Thomas Sankara, sans en avoir l’immense popularité, Ibrahim Traoré forcerait un peu trop le trait de la révolution sans s’assurer que ses vues sont pareillement partagées par ses compagnons d’armes embarqués dans la même aventure. Il y a, bien sûr, des purges et des arrestations. Mais tout cela va-t-il suffire au capitaine pour franchir le col des difficultés qui s’amoncellent devant lui ? Rien n’est moins sûr dans un pays qui a depuis longtemps la tradition de l’alternance armée.
Sylvanal Békan