Formé dans des conditions douteuses en début janvier dernier, au terme des élections législatives et locales d’octobre 2018 bidouillées par le PDG-Bongo, le gouvernement de Julien Nkoghe Bekale, qui détient le record de remaniement le plus rapide (2 semaines), est bien dans une situation de blocage en l’absence de Boa.
Pas de Conseil des ministres pour entériner les cabinets, organiser un séminaire gouvernemental (certes qui serait en vue, mais avec quelle crédibilité ? ) ou pour faire accélérer les dossiers en attente qui n’exigent que sa seule signature.
Un gouvernement attendu au tournant…
Sur le plan administratif interne, ce gouvernement, quoi qu’illégitime, n’en est pas moins attendu par les syndicats de la fonction publique. Les premiers qui l’attendent sont les syndicats des régies financières qui exigent une nouvelle grille de paiement de leurs primes. Ensuite, il y a Dynamique unitaire pour la levée des mesures anticonstitutionnelles sur le gel des carrières des agents de l’Etat.
En effet, par décision de la Cour constitutionnelle datée de novembre 2018, les mesures du gouvernement qui portaient sur l’interdiction de recrutement pendant 3 ans à la fonction publique, le gel des carrières des fonctionnaires (pas de stages ni de reclassement après stage, pas d’avancement automatique, de changement de corps, etc.), le pointage quotidien des fonctionnaires dans les administrations ont été purement et simplement annulées car ne respectant pas la forme dans laquelle elles devaient être prises et touchant aux droits fondamentaux des agents de l’Etat. Seulement voilà ! Comme nous sommes dans un Etat de droit aléatoire, le gouvernement peut faire fi des décisions de la Cour puisqu’elle-même foule au pied la Constitution.
Au plan économique interne, les entreprises et PME gabonaises attendent que l’Etat paie les dettes qu’il leur doit. En effet, un vaste plan de remboursement définitif de la dette intérieure avait été conclu entre les entreprises locales, avec un ensemble de créanciers constitués sous la forme d’un Groupement d’intérêt économique (GIE) dénommé « Club de Libreville », et les autorités gabonaises. L’effort de remboursement porte sur un montant de 310 milliards de francs cfa, soit 77 % du montant total de la dette initiale évaluée à 400 milliards de francs cfa. Au final, 177 entreprises gabonaises regroupées au sein de ce GIE devraient y bénéficier. Les mesures prises en avril 2018 n’ont véritablement pas été suivies d’effet pour toutes les sociétés, notamment pour celles qui n’appartiennent pas aux gros bonnets corrompus du régime.
Au plan externe, le FMI reste sur sa faim de voir la junte prendre de vraies mesures justes et profondes pour restructurer véritablement l’économie et les finances publiques aujourd’hui par terre. La petite embellie sur laquelle surfent les émergents et dont ils profitent pour envoyer de gros montants hors du Gabon (vu la fin du règne de Boa), s’explique par une relative hausse des cours du baril de pétrole. Mais celle-ci ne va pas durer et n’a même du tout l’intensité espérée en termes de relance économique et budgétaire (recettes fiscales du pétrole).
Ceux qui attendent ce gouvernement sont aussi les créanciers. Malgré l’effort de payer les dettes extérieures, dont les réalisations économiques et sociales pour lesquelles elles avaient été contractées sont peu ou pas visibles, le pays reste encore très lourdement endetté à 60-70 % du PIB.
Un séminaire gouvernemental en gestation sans Boa
C’est dans ce contexte de fortes incertitudes économiques que la junte veut, en toute illégalité, organiser un séminaire gouvernemental en l’absence de Boa. Dans son acception, un séminaire gouvernemental se déroule autour du chef de l’Etat qui fixe aux ministres les feuilles de route, les objectifs à atteindre, les priorités retenues.
Comment, alors que l’incertitude persiste sur l’état de santé de Boa, un séminaire gouvernemental peut-il avoir lieu ? Présidé par qui ? Par un vice-président de la République qui n’a même aucune prérogative constitutionnelle pour conduire ou trancher quoi que ce soit concernant l’action gouvernementale ? Le Premier ministre est d’abord lui-même un « ministre », sinon un des hauts « collaborateurs » du chef de l’Etat. Il a lui-même besoin de savoir ce que, précisément, ce dernier attend de lui en termes de coordination de l’action des autres ministres de son équipe.
A cette allure, on comprend que ce gouvernement ne fonctionnera pas. Si déjà, du vivant de Boa avec toutes ses capacités mentales et des aptitudes limitées, le gouvernement n’a jamais pu apporter des solutions simples aux problèmes simples des Gabonais (eau, électricité, routes), ce n’est pas avec un Boa objet de toutes les supputations sur son existence réelle et sa lucidité, que le gouvernement pourra y arriver. Le Gabon profond a plus que besoin d’alternance et de changement. Les Gabonais n’ont pas besoin et ne veulent pas de pseudo gouvernements qui obéissent à des ordres donnés par des conseillers, un directeur de cabinet et une présidente de la Cour constitutionnelle. L’article 13 relative à la vacance de pouvoir est le seul à même d’aider le pays à sortir de la crise institutionnelle qui perdure depuis le 24 octobre 2018.