Le régime de Libreville, via son ministre de l’Intérieur, a invité, le 09 mars, les acteurs politiques, dont l’opposition, à une concertation politique le mercredi 11 mars 2020 à Arambo. A cette rencontre dont l’ordre du jour a été tenu secret, de nombreux opposants se sont fait avoir en courant ventre à terre à cette invitation, pensant toucher des per diem, alors qu’il s’agissait d’une galéjade du régime qui prenait pour prétexte le Coronavirus alors qu’il s’agissait, pour le régime, de tester la capacité de l’opposition à résister et à tenir face à la faim. Seule la CNR de Ping a vu le piège.
Il faut dire que Julien Nkoghe Bekale a bien pris son pied jeudi dernier en découvrant dans la salle de réunion où il avait convoqué la classe politique la présence effective de l’opposition. Julien, qui est tout sauf idiot, savait bien que ces gars-là n’étaient pas là pour sa réunion dont tous ne savait même pas les points inscrits à son ordre du jour, mais parce que, de coutume, les réunions convoquées par le régime se terminent souvent par une distribution de petites enveloppes kaki en guise de per diem.
Seulement la réunion de vendredi dernier n’avait rien de politique puisqu’il s’est agi, pour Julien Nkoghe Bekale, de venir faire son baratin, tenez-vous bien, sur le Coronavirus. A l’occasion de cette rencontre et avec le sens de l’humour qu’on lui connaît le Premier ministre a demandé aux leaders des partis politiques de porter le message des autorités auprès de leurs militants, particulièrement en ce qui concerne les gestes quotidiens à adopter pour prévenir la maladie. Julien Nkoghe Bekale les a également exhortés à « faire preuve de pédagogie » auprès de leurs différentes bases politiques en invitant leurs compatriotes à la « vigilance » et au respect de la réglementation prescrite par l’OMS notamment. Une véritable perte de temps. Une conférence de presse où une communication radio-télévisée du ministre de la Santé aurait suffi à la phase actuelle de la réalité au Gabon où, heureusement, on ne signale pas encore de cas de Coronavirus. En outre, c’est bien là la mission des députés et autres élus locaux qui sont payés pour. On comprend donc, comme nous l’avons dit plus haut, que cette rencontre visait un autre objectif. D’ailleurs, sortant de là, l’Union nationale s’est fendue d’un communiqué pour exprimer sa révolte. Extrait : « Suite à une communication du ministre de l’Intérieur datée du lundi 09 mars 2020, informant les responsables des partis politiques de ce que le Premier ministre Julien Nkoghe Bekale les conviait à une réunion dont l’ordre du jour n’était pas indiqué, ces derniers se sont retrouvés ce mercredi 11 mars 2020 à 10h à l’immeuble Arambo.
…Eu égard à ce qui précède, l’Union nationale relève, pour le déplorer, la légèreté avec laquelle le gouvernement et le chef de l’Exécutif abordent un sujet aussi important que celui de cette pandémie devenue, du coronavirus, dont des pays mieux équipés comme la Chine, l’Italie et la France peinent à endiguer l’évolution… L’inquiétude de l’Union nationale repose (1) sur la disponibilité des hôpitaux alors que des grèves y ont lieu en ce moment ; (2) sur la capacité des services d’urgence à Libreville comme à l’intérieur du pays à recevoir et à gérer d’éventuels malades ; sur les moyens matériels, humains et financiers mis en œuvre pour la prise en charge des personnes qui seraient atteintes de ce virus.
Enfin, plutôt que de rassurer, la communication du Premier ministre, pleine de zones d’ombre, nous inquiète ». On peut tout de go ici se poser la question de savoir qu’est-ce qu’un parti aussi avisé que l’Union nationale est allé faire là-bas. Nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes, ce communiqué de l’UN est sans objet. Oui, la communication du PM n’était qu’un prétexte. Il s’agissait en réalité de voir les « poules » qui allaient venir par un simple sifflement de la part de celui qui a le maïs dans son grenier. Pour l’avoir compris, la CNR a vu le piège et l’a vite évité.
Ainsi, c’est par le biais d’un communiqué de presse n° 03/10032020 que la Coalition pour la nouvelle République (CNR) a donné son avis sur l’invitation des partis politiques à la réunion initiée par la majorité. Invitation qu’elle a rejetée d’un revers de la main, car pour elle, « les conditions nécessaires à la tenue d’une telle assemblée ne sont pas réunies au Gabon compte tenu du contexte actuel.
Pour la Coalition pour la nouvelle République (CNR), cette invitation appelle les principales observations suivantes :
– L’invitation met en exergue une légèreté dans la démarche dont ce régime est devenu coutumier et qui ne cesse d’abîmer l’État :
– l’invitation ne comporte pas un ordre un jour précis. Plus fondamentalement, cette invitation intervient dans un contexte de manœuvres obscures marqué notamment par des apparitions épisodiques et par éclipse de M. Ali Bongo. Il y a quelques jours, on a assisté à une tentative incongrue aux objectifs inavoués consistant à raccourcir le mandat en cours du Sénat.
La CNR rappelle aussi bien à la communauté nationale qu’aux partenaires au développement que le climat politique énéral, particulièrement depuis 2016, est fondé sur les pires méthodes des régimes dictatoriaux. Ainsi, les conditions favorables au déploiement de l’action des partis politiques, conformément à la Constitution ne sont pas réunies. La liberté d’accès des partis politiques aux médias d’Etat n’existe pas au Gabon. Le droit à la liberté des réunions publiques, un des piliers du modèle républicain, et l’ensemble des libertés publiques, sont constamment bafoués par ce régime.
En conséquence de tout ce qui précède, la CNR trouve sans fondement l’organisation de cette réunion qui s’ajoute à une succession de mises en scène institutionnelles et de fuites en avant qui prolongent inutilement et cyniquement le naufrage de l’État et le discrédit de tout un pays ».
Avec cette mise en scène du PM, l’opposition vient à nouveau d’étaler au grand jour ses contradictions internes entre ceux qui croient résister à la faim et qui ne voudraient rien à avoir en commun avec le régime en place et ceux qui estiment que même s’il s’agit d’une dictature pure et dure, le régime de Libreville reste encore fréquentable et, peu importe, même lorsqu’il les convoque à une réunion sans ordre du jour précis.