Depuis plus de deux ans rien ne va plus au Cabaret des artistes, siège du Centre des libéraux réformateurs (CLR), parti membre de la majorité présidentielle. En effet, à l’issue d’un congrès extraordinaire tenu en août 2019, le président fondateur de ce parti, le général à la retraite Jean Boniface Assélé, aurait légué certains pouvoirs à sa fille dans la gestion de sa formation politique. Si cette cooptation familiale n’a point heurté la sensibilité des militants et autres responsables du parti, certains comprenaient moins le bien-fondé de cette décision. Aujourd’hui, des clivages et autres observations sont opposés à la nouvelle marche du parti.
Si l’on considère qu’un parti politique est un rassemblement de personnes ayant une appréciation commune de la chose politique, ce qu’on appelle trivialement une idéologie, l’on peut tout aussi considérer que le parti politique est regroupement d’amis.
Rien ne semble donc plus aller au sein du Centre des libéraux réformateurs, parti politique cher au généralissime, ex-patron des Forces de police nationale, Jean Boniface Assélé. En effet, depuis le congrès sus-mentionné et qui a vu la nomination de Nicole Assélé, fille du fondateur, au poste de Déléguée générale, le CLR se porte de plus en plus mal, ou de moins en moins bien, c’est selon.
Pour plusieurs militants, les activités menées par l’équipe conduite par le Dr Nicole Assélé seraient propres à démoraliser et même à opérer une certaine chasse à d’autres camarades du parti. Les nominations, totalement antinomiques au renforcement de la base, en sont une parfaite illustration. D’autres anciens responsables ne cachent pas leur opposition aux implantations qu’effectue l’équipe de Nicole Assélé à travers les provinces du pays. Implantations qu’ils n’hésitent pas à comparer à des actions de frustration et même des mises à l’écart de ceux qui ont fait les plus beaux jours du CLR et qui s’apparentent à des virées de week-end entre copains et coquins. Tout est fait comme une volonté de détruire cette formation politique qui paraissait, il n’y a pas longtemps, après le PDG, la deuxième force politique du pays. Aujourd’hui, la descente aux enfers s’avère très douloureuse. Et pour cause : les défections se suivent et se ressemblent.
Sur ce chapitre, les exemples sont légion. La démission du parti de l’ancien coordinateur provincial du Woleu-Ntem, Jean Faustin Ebang, est une démonstration du degré des frustrations qui gangrènent la formation politique. Pour retenir cet exemple, les militants du septentrion ne comprennent toujours pas les changements opérés au sein de leur coordination provinciale. Sinon, pourquoi ceux qui étaient arrivés à implanter le parti dans une province aussi politiquement disputée ont-ils été jetés en pâture au bénéfice de ceux dont personne ne se souvient de leurs initiatives et de leurs états de service au sein et au nom du parti ? Pourquoi avoir effectué des nominations totalement contraires à l’harmonie tant souhaitée et recherchée par le fondateur du parti ?
Au Moyen-Ogooué, la même frustration serait perceptible dans les rangs des militants. Car depuis sa création au début des années 90, le CLR n’avait jamais réussi à s’implanter dans cette province malgré les moyens colossaux qui y ont été investis. Et c’était avec un réel soulagement que, lors des élections locales de 2013, le CLR avait eu des conseillers locaux à Lambaréné et dans certains départements. Malgré la défection de François Mandoungou Moukambala, qui avait été leur tête de proue, les militants sont restés fidèles aux idéaux du parti en refusant de suivre l’actuel député de Paris-Bifoun dans ses nouvelles aventures avec le CDG. La récompense de cette fidélité a été leur rejet par l’équipe de Nicole Assélé. Et en lieu et place, ce sont des parfaits inconnus au Cabaret des artistes qui y sont parachutés, laissant les indéfectibles sans voix.
Idem pour la Ngounié. Là aussi le parti de Jean Boniface Assélé avait été l’invité surprise en réalisant une percée spectaculaire lors de ces mêmes locales de 2013. Le parti était solidement implanté à Mbigou et à Lebamba. Il fallait désormais compter avec le CLR dans les instances politiques de cette province où la majorité présidentielle avait du mal à s’inscrire sereinement.
En somme, les récriminations sont d’autant plus nombreuses que les militants les plus convaincus ne se sentent plus dans une peau de Célériste. Pire, plusieurs d’entre eux considèrent que le fondateur du CLR aurait profité de leur fidélité à sa personne pour les pousser dans une aventure incertaine sous la conduite de sa fille.
Le troisième arrondissement de Libreville, qui a toujours été la principale base du parti, n’est pas en reste dans cette morosité perceptible partout où le parti avait des bases solides. Un collectif de cette grande circonscription n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour interpeller le général Jean Boniface Assélé sur la gestion calamiteuse des instances du CLR (voir fac-similé).
Le sixième arrondissement n’est pas en reste dans ces revendications. Cet arrondissement, après le troisième, fournit le plus gros des élus du parti. C’est ce même arrondissement qui a donné au CLR son unique député à l’Assemblée nationale. Et quelle est aujourd’hui la politique menée pour maintenir les rangs dans cette vaste circonscription ? C’est à peine si les responsables issus du sixième arrondissement sont conviés aux réunions des nouvelles instances du parti. Et, de ce côté, les noms les plus insoupçonnés sont cités parmi les probables démissionnaires. Un acte qui donnera du grain à moudre dans le moulin de ceux qui ont quitté les affaires du CLR avant que celles-ci ne les quittent. Arriveraient-ils à cette finalité ? Le cas échéant, serait la disparition totale de ce parti dans la capitale gabonaise.
En fait, les reproches qui sont faites au Dr Nicole Assélé et à sa troupe sont le manque de vision politique et la méconnaissance du parti. Pour beaucoup de militants, la Déléguée générale n’a aucune connaissance des réalités du parti et ce n’est pas en imposant une « allure martiale » aux militants et sympathisants qu’elle pourra créer une synergie à même de vitaliser le parti. Les militants n’ont rien d’un groupe de trouffions prompts à suivre une ligne directive tracée par un commandant de peloton. Le militantisme c’est avant tout une volonté individuelle et une complicité avec les dirigeants. C’est avec cette logique que le fondateur Jean Boniface Assélé est parvenu à faire apprécier le parti à travers les neuf provinces du pays. Ce n’est ni sa parenté avec le pouvoir en place ni sa fortune qui a attiré du monde dans les rangs du CLR. Et beaucoup de Gabonais le reconnaissent : la facilité d’approche a été l’arme suprême de l’ancien chef de la police nationale à rassembler autour de lui. Sa connaissance du terrain et ses relations avec le bas peuple ont été ses meilleurs atouts pour « convaincre et gagner ».
Ainsi vont les partis politiques dans ce doux pays où les formations ont du mal à survivre à leurs fondateurs. C’est aussi une évidence qu’en politique, comme en amitié, il faut être modéré, car l’expérience prouve que les amitiés et le militantisme se changent quelques fois en inimitiés. Le CLR a encore le temps d’opérer les vraies mutations qui conviennent à une œuvre humaine. Sinon, l’opinion devrait s’attendre à assister à l’explosion du CLR comme un chaudron chauffé à l’extrême.
Selon plusieurs regroupements de militants et sympathisants du CLR, la reprise en main des rênes du parti par le général Assélé serait le seul sésame pour rouvrir les portes du Cabaret des artistes et ainsi redynamiser les rangs du CLR. Seule condition sine qua non pour que cette formation politique retrouve son rayonnement d’antan.