L’affaire Tao est un dossier que notre confrère « Echos du Nord » avait révélé au grand jour en 2018. De quoi s’agit-il ? D’un terrain situé en face du siège de la Cosyga à Batavéa et d’un litige : une partie des héritiers veulent vendre, l’autre non. Classique. Un problème de famille auquel peu de hoiries ont pu échapper. Le patriarche, d’origine béninoise, Christophe Tao, laisse de nombreux biens dont ce terrain de près de 1600 m².
Et lorsque l’on sait que, en matière de spéculation foncière, le m² dans cette zone peut grimper jusqu’à 400 mille Francs CFA, cela peut déclencher les appétits les plus gargantuesques et aiguiser ceux de plus d’un qui, déterminés à atteindre même et surtout des objectifs illicites sont tout disposés à aller peser de tout leur poids sur l’un des plateaux de la balance symbolique de la justice. Alors que, c’est ce que nous croyons ingénument, cette dernière est supposée incarner le jugement ultime, l’équilibre, l’harmonie, l’ordre et l’équité. Juger, c’est examiner et peser les arguments des différentes parties afin de parvenir à rendre justice. Mais, lorsque la justice, prise au piège de ses propres méandres affairistes, laisse de monnayables magistrats revêtus de leurs fourbes toges d’apparat s’ingérer dans des litiges familiaux qui peuvent rapporter gros, cela débouche sur l’affaire Tao. Et là, la justice a fait fort.
Le 20 juin 2014, le tribunal de première instance de Libreville décide qu’« attendu que, ce terrain faisant partie d’une succession n’étant pas sortie de l’indivision, la vente ne peut se faire sans l’autorisation de tous les héritiers […] ordonnons la suspension des opérations de vente envisagé jusqu’à la liquidation de la succession des époux Christophe Tao ». Donc, interdiction de vendre le terrain.
Le 4 mars 2016, le même tribunal de première Instance, toujours sur la question de la poursuite ou de la suspension des opérations de vente, se déjuge. Jugez-en : « Attendu qu’il y a lieu de dire que les différentes démarches de l’hoirie Tao Christophe révèlent d’une contestation sérieuse, de sorte que les demandes présentées par elle, ne sauraient être accueillis sans risque de préjudicier au fond du litige opposants les parties : Qu’il y a lieu de nous déclarer incompétents à en connaître ». Le tribunal de première instance joue les Ponce Pilate en se lavant les mains.
Le 7 août 2018. Nous sommes à la Chambre civile du tribunal de première instance. Nouveau rebondissement, le tribunal « déclare parfaite la vente intervenue entre les hoirs [-une partie des hoirs Tao ndlr] Tao Christophe et Tao Marguerite, sieur Shan Zengfei et dame Sha, Chun Juan ». On peut désormais vendre.
Deux jours après, l’une des parties des hoirs Tao, défendue par Me Fidèle Gomes, réagit, le 9 août 2018, pour faire appel de cette décision : « contre toutes les dispositions de jugement rendu ce 07 août 2018, répertoire n°157 […] en faveur de monsieur Shan Zengfei et madame Shan Chun Juan domiciliés à Libreville ».
En réponse à cet appel, la Cour d’appel prend son temps pour autoriser la partie des hoirs Tao – celle qui a interjeté appel – à faire assigner les [autres ndlr] hoirs Tao Christophe, monsieur Shan Zengfei et madame Shan Chun Juan, à l’audience de la juridiction du Premier Président de la Cour d’Appel, le vendredi 1er mars 2019, à 12h30 ». Curieusement, l’audience est ajournée et renvoyée au 12 mars de la même année.
Le 12 mars arrivé, la partie plaignante, représentée par l’étude Gomes s’entend dire par la Cour que cette dernière n’a jamais pris connaissance du moindre appel et, encore moins, l’avoir eu en sa possession. Tout ça, comme on dit au Gabon, « à la bouche ».
Prévoyant, Me Fidèle Gomes, quant à lui, a pu prouver, document à l’appui – déchargé le 09 août 2018 par Me Koumba Kassa, le greffier en chef – que cette « Déclaration d’Appel » existe bel et bien.
D’ailleurs, le fait que le Premier Président de la Cour d’appel ait autorisé « Mr Antchouey Tao Rémy Alfred, représenté par Me Gomes à faire assigner » la partie adverse, suppose qu’il y avait donc bien appel interjeté. Pour des raisons, non encore dévoilées, mais susceptibles d’être sonnantes et trébuchantes, cet appel s’est égaré dans les méandres du palais de justice.
Entretemps, Antchouey Tao Rémy, coincé entre une justice gare routière où tout se vend, tout s’achète, et des « puissants » capables de propositions surement alléchantes que certain(e)s, au palais d’une justice sélective, ne sauraient refuser, est désormais menacé d’expulsion d’une concession dont il est l’un des héritiers. De chez son père. Nous avons jugé utile d’en parler.