La récente annonce de la candidature d’Alassane Dramane Ouattara pour un quatrième mandat présidentiel en Côte d’Ivoire a ravivé des débats intenses et des tensions politiques dans le pays. Cette décision intervient après des mandats successifs depuis 2011 et une controverse majeure autour de sa troisième candidature en 2020. Cette analyse critique examinera le contexte politique, les enjeux constitutionnels et juridiques, les réactions des différentes parties prenantes, et les implications pour l’avenir démocratique de la Côte d’Ivoire.
Contexte Politique
Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir en 2011, à l’issue d’une crise post-électorale violente. Réélu en 2015 pour un second mandat, il avait initialement annoncé en mars 2020 son intention de ne pas briguer un troisième mandat, souhaitant passer le flambeau à une nouvelle génération. Cependant, le décès inattendu de son dauphin désigné, Amadou Gon Coulibaly, l’a conduit à revenir sur sa décision et à se présenter pour un troisième mandat en 2020, invoquant des « circonstances exceptionnelles ».
Cette troisième candidature avait déjà été vivement contestée par l’opposition et une partie de la société civile, qui la jugeaient anticonstitutionnelle. La Constitution ivoirienne de 2016 stipule que le président est élu pour cinq ans et n’est rééligible qu’une seule fois (Article 55). Cependant, le camp présidentiel a soutenu que la nouvelle Constitution de 2016 remettait les compteurs à zéro, rendant ainsi les deux premiers mandats d’Alassane Ouattara non pertinents au regard de la nouvelle loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel ivoirien avait validé cette interprétation, permettant à Ouattara de se présenter et d’être réélu en 2020 avec un score écrasant, dans un scrutin boycotté par une partie de l’opposition.
L’annonce de cette quatrième candidature en juillet 2025, à l’âge de 83 ans, intervient dans un paysage politique tendu. Si le président Ouattara justifie sa décision par la nécessité de faire face à des défis sécuritaires et économiques sans précédent, et par le fait que sa santé le permet, l’opposition y voit une nouvelle violation des principes démocratiques et une volonté de s’accrocher au pouvoir.
Enjeux Constitutionnels et Juridiques
La question de la légalité des candidatures successives d’Alassane Ouattara repose sur l’interprétation de la Constitution ivoirienne, en particulier de l’Article 55 qui limite le nombre de mandats présidentiels. Cet article stipule clairement que « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois ».
Le camp présidentiel, pour justifier la troisième candidature en 2020 et maintenant la quatrième en 2025, s’appuie sur l’argument que la nouvelle Constitution adoptée en 2016 a instauré une « Troisième République », remettant ainsi les compteurs à zéro. Selon cette interprétation, les mandats effectués avant 2016 ne seraient pas pris en compte dans le calcul des limites constitutionnelles. Alassane Ouattara lui-même a déclaré : « La Constitution de notre pays m’autorise à faire un autre mandat et ma santé le permet ».
Cependant, cette interprétation est fortement contestée par l’opposition et de nombreux juristes. Pour eux, une Constitution ne peut être rétroactive et annuler les mandats déjà effectués. Ils estiment que l’esprit de la loi fondamentale est de limiter le pouvoir et d’assurer l’alternance démocratique. La validation de la troisième candidature par le Conseil constitutionnel en 2020 a été perçue par l’opposition comme une décision politique plutôt que juridique, sapant la crédibilité des institutions.
Implications pour la Démocratie ivoirienne
La quatrième candidature d’Alassane Dramane Ouattara à la présidence de la Côte d’Ivoire est un événement politique majeur qui soulève des questions profondes sur la démocratie, l’État de droit et la stabilité du pays. Si le camp présidentiel justifie cette décision par la nécessité de poursuivre le développement et de faire face aux défis sécuritaires, l’opposition et une partie de la société civile y voient une violation flagrante de la Constitution et un frein à l’alternance démocratique. Les enjeux constitutionnels et juridiques sont au cœur de cette controverse, avec des interprétations divergentes de l’Article 55 de la Constitution. La validation de ces candidatures successives par le Conseil constitutionnel, perçue comme politique, a érodé la confiance dans les institutions. Les réactions politiques et sociales sont polarisées, et la communauté internationale observe la situation avec prudence, insistant sur la nécessité de garanties démocratiques.
Les implications pour la démocratie ivoirienne sont sérieuses : fragilisation des institutions, risque de nouvelles tensions et violences, entrave à l’alternance et impact négatif sur la réconciliation nationale et la perception internationale. Pour sortir de cette impasse, un dialogue inclusif et un respect mutuel des principes démocratiques sont essentiels. L’avenir de la Côte d’Ivoire dépendra de sa capacité à trouver un équilibre entre la stabilité et le respect des règles démocratiques, garantissant ainsi une paix durable et un développement harmonieux.