Brice Clotaire Oligui Nguema a annoncé le samedi 21 juin la tenue le samedi 28 juin 2025, au palais des Sports de Libreville, puis reportée ce jour au samedi 5 juillet prochain, d’une Assemblée générale, marquant la structuration organique et fonctionnelle de la future formation politique « l’Union des bâtisseurs ». Une formation politique qui réunira toutes les énergies constructives de notre pays. Une annonce qui fait débat au vu de l’interprétation de l’article 82 du code électoral en République gabonaise.
Porté par la plateforme Les Bâtisseurs à l’échéance électorale du 12 avril 2025, le président de la République Brice Clotaire Oligui, candidat indépendant élu au suffrage universel direct, a annoncé la création d’une formation politique dénommée « l’union des bâtisseurs ». Selon son fondateur, la création de ce parti vise à donner corps à sa vision pour un Gabon digne d’envie, mais aussi à répondre efficacement aux nombreuses attentes légitimes des populations. La rencontre du samedi 28 juin 2025 a pour objectif d’établir le bureau et les différents organes du parti. Cependant, cette annonce divise l’opinion publique au regard de l’interprétation de l’article 82 du code électoral en République gabonaise, qui dit : Article 82 : (…) Tout élu en qualité d’indépendant ou tout élu devenu indépendant à la suite de la dissolution du parti qui a présenté sa candidature ne peut, pendant la durée du mandat, adhérer à un parti politique légalement reconnu sous peine d’annulation de son élection.
Selon l’analyse de Maître Amos Vivien Pea, dans un article de Gabon média time du 13 juin 2025, https://gabonmediatime.com/un-president-elu-sans-parti-politique-au-gabon-peut-il-en-creer-un-ou-y-adherer-sans-perdre-son-mandat-ce-que-dit-le-droit/, l’article 82 interdit clairement l’adhésion à un parti existant. Mais il ne dit rien de la création d’un parti nouveau. Or, d’un point de vue juridique, créer un parti est un acte fondateur, une initiative politique indépendante, et non une soumission à une idéologie ou à une structure préexistante. Il n’y a donc pas lieu d’étendre, par analogie, une interdiction claire à un comportement différent, sans texte exprès. Ce serait contraire au principe d’interprétation stricte des dispositions restrictives de droit. En outre, le contexte législatif est en pleine évolution, puisqu’une loi spéciale sur les partis politiques est en cours d’élaboration et sera prochainement examinée par le Parlement. Elle viendra notamment encadrer la reconnaissance, l’organisation et le fonctionnement des formations politiques en République gabonaise.
En vertu du principe général de droit lex specialis derogat legi generali (la loi spéciale déroge à la loi générale), cette nouvelle loi prévaudra sur les dispositions générales du Code électoral. Si elle consacre, comme il est probable, la possibilité pour tout citoyen, y compris un élu indépendant, de créer un parti dans le respect de certaines conditions, cette norme primera et rendra caduque toute interprétation extensive de l’article 82. Enfin, la pratique institutionnelle et la jurisprudence comparée confirment cette position.
Dans plusieurs États africains et occidentaux, des chefs d’État élus hors des partis traditionnels ont créé leurs propres formations après leur élection, sans qu’aucune disposition légale ne l’entrave. Emmanuel Macron en France, Macky Sall au Sénégal, Patrice Talon au Bénin ou Kaïs Saïed en Tunisie en sont des exemples probants. Tous ont pu structurer une offre politique cohérente autour de leur vision, sans porter atteinte à la sincérité du suffrage initial. Ainsi, prétendre que le Président gabonais ne pourrait créer un parti politique au seul motif de son élection en tant qu’indépendant est juridiquement erroné et politiquement réducteur. Une telle position méconnaît la lettre du droit, l’esprit des institutions et les exigences démocratiques. La Constitution garantit la liberté d’association, la distinction entre adhésion et création est claire, et la loi spéciale à venir permettra d’en encadrer les modalités. Le Président de la République, garant de l’unité nationale et du bon fonctionnement des institutions, peut donc légitimement créer un parti politique, sans que cela constitue une violation de l’article 82 ni une trahison de son mandat.