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Culture/Fabrication et vente du vin de palme au Gabon : Quand les femmes s’y mettent

Grâce Lauriane Texi Bigniédi Mombo,

Après avoir arrêté ses études très tôt, à cause des grossesses, Grâce Lauriane Texi Bigniédi Mombo, sur initiation de son père, a choisi la fabrication et la vente du vin de palme. Une activité qu’elle trouve pénible, mais qui lui permet aujourd’hui de gagner sa vie et de s’occuper aisément de ses trois fillettes.
Sans tambour ni trompette, c’est le samedi 16 avril 2023 dernier, aux environs de 17h, que notre compatriote, Grâce Lauriane Texi Bigniédi Mombo, a fêté ses 31 ans. Avec, à ses côtés, ses trois fillettes dont l’aînée n’a que 12 ans. A l’occasion, elles se sont partagées un modeste repas, entourées d’une dizaine de clients. On entendait un ou deux d’entre eux chantonner « joyeux anniversaire, Grâce… ». C’était au petit marché de l’hôpital militaire du PK 9, dans le 6è arrondissement de Libreville. Lieu de vente de son vin de palme. Non loin de son domicile.
C’est le 6 avril dernier que nous faisions sa connaissance sur ce lieu de petits commerces. Notre attention est attirée par l’importance des consommateurs de son vin autour d’elle. La conversation est vite engagée entre elle et notre collaborateur. Dans celle-ci, elle l’informe que c’est elle même qui fabrique son vin de palme depuis la localité de Ntoum avant de venir le vendre sur cet espace.
Très impressionné d’apprendre qu’une femme fabrique le vin de palme, il est conclu l’idée d’un reportage sur le site de fabrication. Deux jours plus tard, les retrouvailles se font à son « usine », à Bina, une forêt du département du Komo-Mondah. Pour s’y rendre, en partant de Libreville, le quartier Nkan-Poussière (Ntoum) est la première destination avant d’emprunter la ruelle après le pont sur la Nzeme. Puis, on parcourt près de 6 km à la Moïse pour arriver sur place.
Sur les lieux, Grâce se livre à une série d’explications en appliquant les techniques de fabrication et de récolte de son vin de palme très prisé par les consommateurs du PK 9, dans ce qu’on appelle communément « la réunion des parents d’élèves ».
Une fois le tronc de palmier à terre, elle le nettoie à l’endroit où elle exploitera son jus qui sera transformé en vin. Puis, elle creuse un large trou à un endroit du tronc avant de percer un autre trou moins grand pour introduire un tuyau par lequel va couler le jus. En dessous du tuyau, un récipient est placé afin de recueillir le jus. Dans ce récipient est introduite l’écorce séchée d’un bois amer spécial qui sert à la fermentation afin de transformer le jus en vin de palme. Une fois cette partie terminée, elle recouvre cette partie et attend le lendemain pour la récolte. Le jour de la récolte, une fois les quelques litres d’un tronc retirés, ils sont versés dans un récipient plus important.
Dans ses explications, Bigniédi Mombo nous apprend que c’est son père qui l’a initiée dans ce travail, avec une dose de mysticisme. « Il m’a dit que le seul interdit pour une femme qui fait ce travail, c’est de ne pas toucher les palmiers quand elle a ses menstrues ou quand elle a eu des rapports intimes. Sinon le vin ne sera pas bon », précise-t-elle.
Si Bigniédi Mombo a choisi de faire du vin de palme son business, c’est parce que, confie-t-elle, elle a longtemps cherché un travail stable. Mais, sans qualification, c’était vain. Battante née, elle a commencé à gérer les bars des autres, sans rentabilité de son côté. Quand arrivent la Covid-19 et son confinement, elle pose un petit étal au petit marché de l’hôpital militaire du PK 9 pour faire la manucure et la pédicure. Six mois plus tard, cette activité se trouve aussi non rentable comme elle le veut. Avec le peu d’argent qu’elle a pu épargner, elle l’investit dans le business du vin de palme, à la suite de son initiation par son propre père. Depuis lors, un palmier lui produit 3 à 5 litres de vin par jour. Et elle exploite en moyenne une dizaine de palmiers par jour.
« Si j’ai une force qui m’habite et me pousse à faire ce travail pénible, c’est parce qu’il me permet aujourd’hui de vivre et de bien m’occuper de mes enfants », dit-elle. Elle ajoute qu’elle a aussi des projets qu’elle veut réaliser à moyen ou à long termes. Il s’agit de la construction de deux studios sur le terrain de sa mère et d’une épicerie.
Nonobstant le fait qu’elle travaille de façon acharnée, elle ne cache pas que, comme toute femme, même celle qui a des revenus très importants, « aucune femme ne dira qu’elle n’a pas besoin d’aide financière d’un homme. Moi, j’ai besoin des revenus de mon homme », précise-t-elle avant de dire sa déception du fait qu’aucune association ni fondation ne lui soit venue en aide jusqu’à présent. « Je crois que s’il existe vraiment des mécènes de ce genre, leurs aides me seront d’une importance majeure », pense-t-elle. En attendant, elle continue son dur labeur de fabrication de vin de palme à Ntoum pour le vendre au PK 9. Ce qui ne l’empêche pas de conseiller aux filles paresseuses d’arrêter d’attendre tout des hommes. « De nos jours, la beauté physique n’a plus de valeur. Il faut savoir se prendre en charge en ayant une activité économique, si petite soit-elle », a-t-elle conclu.

C.O.

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