Après avoir produit lamentablement deux ordonnances concernant la fin des dépistages de masse et la gratuité des tests PCR, le gouvernement a été trainé devant la Cour constitutionnelle deux fois. Et deux fois, il s’est fait taper sur les doigts par la Cour constitutionnelle. Mieux, dans sa dernière décision, la Cour a donné un mois au gouvernement, le temps de bien faire les choses. Mais en moins d’une semaine seulement, le gouvernement a publié un décret qui n’est pas loin des arrêtés retoqués par la Cour. Tout comme on observe une violation manifeste de la loi.
Déjà à l’origine de l’annulation des arrêtés n° 0559 et n° 0685 portant sur les nouvelles restrictions contre le Covid-19 et la vente des tests PCR, le Copil citoyen, via deux de ses leaders, à savoir Paul Aimé Bagafou et Bernard Christian Rekoula, ont introduit, le 17 janvier 2022, une nouvelle requête à la Cour constitutionnelle. Requête visant l’annulation, pour irrégularités et inconstitutionnalité, du décret n° 0002/PR/MS du 07 janvier 22 portant modification et suppression de certaines mesures de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la Covid-19 au Gabon. Voici ce que dit ce décret de dupes :
« D E C R E T E :
Article 1er : Le présent décret, pris en application des dispositions de la loi n° 003/2020 du 11 mai 2020 sus-citée, porte modification et suppression de certaines mesures de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19.
Article 2 : Pour les passagers vaccinés entrant sur le territoire national, le test de dépistage est obligatoire à l’arrivée. Ils sont exemptés d’observer la période de quarantaine.
Article 3 : Pour les passagers non vaccinés entrant sur le territoire national, il est imposé un test de dépistage à l’arrivée et une période de quarantaine obligatoire d’une durée de 5 jours dans un établissement hôtelier agréé sur la plate-forme de réservations « Assistance Voyage Gabon ».
Article 4 : Il est décidé d’une augmentation du nombre de rotations hebdomadaires des vols internationaux qui passent de 2 à 5 par compagnie aérienne.
Article 5 : S’agissant de la circulation à l’intérieur du pays, les personnes vaccinées sont exemptées de l’autorisation spéciale du ministère de l’Intérieur et du test PCR.
Les personnes non vaccinées doivent, outre justifier d’un test PCR négatif valable 14 jours, obtenir une autorisation spéciale du ministère de l’Intérieur pour tout déplacement.
Article 6 : Au sens du présent décret, on entend par :
– personne non éligible : celle ayant un test de dépistage de la Covid-19 positif depuis moins de trois (3) mois, celle ayant présenté une réaction allergique sévère et documentée à la vaccination, celle porteuse des pathologies contre-indiquant la vaccination tel que précisé par le comité national de vaccination ;
– dépistage de masse : le dépistage appliqué à une population entière ou à un grand groupe caractérisé par l’absence d’autres critères de selection particuliers et organisés dans le cadre des campagnes de santé publique ;
– dépistage individuel : un examen de dépistage ciblé en fonction des facteurs de risque individuel en dehors d’un programme de dépistage organisé.
Article 7 : Sous réserve des personnes non éligibles à la vaccination et visées à l’article 8 ci-dessous, il est mis fin à la gratuité des tests de dépistage de la Covid-19.
Article 8 : Les personnes non éligibles à la vaccination bénéficient de la gratuité des tests de dépistage sur présentation, au laboratoire, d’un certificat de non éligibilité délivré par le comité national de vaccination.
Article 9 : Le certificat de non éligibilité est établi sur présentation d’un certificat délivré par le médecin traitant. Pour les personnes ayant eu un diagnostic confirmé de la Covid-19, le certificat de non éligibilité est valable trois (3) mois.
Pour les personnes qui présentent les affections médicales contre-indiquant la vaccination de la Covid-19, le certificat de non éligibilité est renouvelable tous les six (6) mois.
Article 10 : Il existe deux (02) types de test de dépistage : le test antigénique et le test PCR.
La validité des tests de dépistage de la Covid-19 est fixée ainsi qu’il suit :
– test antigénique : 2 jours ;
– test PCR : 14 jours.
Article 11 : Il est fait obligation aux personnes non vaccinées souhaitant accéder aux lieux publics, notamment les administrations, les entreprises, les restaurants, les snack-bars et les boîtes de nuit, de présenter un test de dépistage de la Covid-19 négatif en cours de validité.
Pour les personnes vaccinées, l’accès aux lieux précités est conditionné par la présentation d’une attestation ou d’une carte de vaccination.
Article 12 : Les conditions exigées à l’article 11 précité ne s’appliquent pas pour l’accès aux lieux suivants, notamment :
– les hôpitaux ;
– les pharmacies ;
– les marchés ;
– les commerces ;
– les banques ;
– les établissements d’enseignement pré-primaire et primaire, d’enseignement secondaire général, d’enseignement technique et d’enseignement supérieur.
Article 13 : Les entreprises dont tous les employés sont vaccinés sont exemptés de la mesure de couvre-feu, notamment les restaurants, les snack-bars et les boîtes de nuit.
Article 14 : Toute personne vaccinée est autorisée à circuler aux heures du couvre-feu.
Article 15 : Des textes réglementaires déterminent, en tant que de besoin, les dispositions de toute nature nécessaires à l’application du présent décret.
Article 16 : Le présent décret, qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, notamment celles du décret n° 00108/PR/MS du 10 avril 2020 instituant un régime de dépistage de masse du Covid-19 en République gabonaise et du décret n° 00133/PR/MS du 11 mai 2020 instituant un dépistage de masse du Covid-19 en République gabonaise, sera enregistré, publié au Journal officiel et communiqué partout où besoin sera.
Fait à Libreville, le 07 janvier 2022 »
Suite à la plainte du Copil citoyen, nous nous sommes rendus au Journal officiel pour nous procurer la loi n° 003/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires, ensemble les textes modificatifs subséquents. Après l’avoir lu avec une loupe, nous n’avons trouvé nulle part où il est prévu la mise en vente des tests PRC par arrêté gouvernemental. Pourquoi le gouvernement vise-t-il un texte qu’il est en train de violer ? Passons !
A supposer même que cette loi fasse l’affaire, peut-elle être modifiée par un décret ? Juridiquement, la réponse est non ! En fait, le gouvernement, s’il tient à faire payer ses tests PCR, doit aller jusqu’au bout de sa logique. En faisant quoi ? En modifiant directement la loi et dire : « Les disposition de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires sont modifiés et se lisent désormais ainsi qu’il suit : article 1er… Article : les articles…sont supprimés ». Or, que fait le gouvernement ? Il prend un décret qui modifie et supprime on ne sait trop quel texte. C’est un flou total digne d’un gouvernement des amateurs et du pain béni pour le Copil citoyen qui a tôt fait de trouver la faille et a de nouveau saisi la Cour constitutionnelle. Tirant les leçons de son arrogance passée qui s’était vite muée en humiliation, le gouvernement se camoufle derrière un silence qui masque mal son inquiétude, car une autre annulation de son décret vaudrait théoriquement démission. Le gouvernement, qui est pourtant entouré d’éminents juristes, se croit autorisé de faire n’importe quoi pour énerver le peuple. Les membres du gouvernement ne sont tout de même pas tous des cancres. Ils savent et ils ont des gens qui savent. Mais pourquoi foncent-ils dans la bêtise ? Que cache cette logique de fuite en avant ?
Nous avons en face de nous un gouvernement de têtus qui pense gouverner contre la volonté de son propre peuple. Non, Sylvia, non Nourreddin, non Ossouka, non Matha, non Guy Patrick, non Moussa ! Non, on ne peut pas gouverner contre peuple. Ce n’est pas possible. On gouverne pour satisfaire les besoins du peuple. Dans sa dernière décision, la Cour constitutionnelle vous avait donné un mois. Un temps suffisamment long. Pourquoi n’avez-vous pas pris tout ce temps pour réfléchir ? C’était quoi l’urgence de pondre et de publier un autre mauvais texte en trois jours ? Le gouvernement dispose pourtant d’organes qui existent et qu’elle peut consulter avant de publier un texte de loi. Et la Cour constitutionnelle en fait partie. Que dire du Conseil d’Etat ou de la Cour administrative, perçus comme les conseils juridiques du gouvernement ? Ont-ils réellement été consultés ? Pas si sûr.
Concluant sa requête, le Copil citoyen écrit : « qu’il plaise aux éminents juges constitutionnels d’annuler le décret sus-mentionné non seulement pour les irrégularités de forme, mais surtout pour le non-respect de certaines dispositions de la loi fondamentale ».
Tic-tac ! Tic-tac !