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Difficulté d’alternance au Gabon : Les illusions du système-Bongo !

Les Bûcherons, dans les années 1990 avaient pris pour habitude d’opposer ce qu’ils caractérisaient comme étant le pays officiel au pays réel. Le premier étant matérialisé par l’Etat-Bongo, contrôlé par une minorité, le second composé par les larges masses populaires, notamment les catégories sociales les plus démunies. Les passages de Léon Mba à Omar Bongo, en effaçant dans la foulée les Yembit et autres Obame Eyeghe, puis d’Omar à Ali Bongo Ondimba, à aucun moment, il ne fut question des intérêts du peuple gabonais.

Il s’est toujours agi de ceux des entreprises extractives étrangères, notamment françaises. Des sociétés forestières, minières, et pétrolières installées au Gabon. L’Etat-rentier-Bongo est le digne représentant de ces intérêts-là. Ce sont donc ces cartels et leurs obligés politiques locaux qui, dans les faits, et cela depuis des décennies, régentent la séquestration du pouvoir central dans notre pays au profit des Bongo et encadrent sa transmission dynastique dans le cas du Gabon.
En 2009 – comme en 1957, 1967, 1993, 1998 – la France dit non, une fois encore, à une véritable alternance démocratique. D’ailleurs, cette année-là, l’encre de l’acte de décès d’Omar Bongo n’est pas encore sèche que la France félicite Ali Bongo Ondimba avant même que, détail crucial, la Tour de Pise, ce piège qui n’oublie jamais l’oiseau, ne prononce l’énième verdict préétabli de la victoire d’un Bongo. Avec la bienveillance de l’Hexagone. Et, ce n’est pas nouveau.
Déjà, en 1957, les Gabonais doivent choisir entre Léon Mba, et Jean-Hilaire Aubame. Bien que ce dernier l’emporte dans les urnes il lui faudra s’incliner devant Mba à cause des débauchages à l’Assemblée nationale orchestrés par les puissants soutiens forestiers français, avec comme chef d’orchestre le Français Roland Bru. Il faut prendre en considération que la présence des entreprises forestières française sur le sol gabonais précède de très loin dans le temps la constitution de la jeune classe politique gabonaise et le passage progressif de ses élites dans certains rouages – pas tous – de l’Etat qui s’amorce dès 1958. Toujours en 1957, les établissements G. Leroy sont à la foire de Paris et présentent des contreplaqués en okoumé. Les historiens nous rappellent qu’ils sont « nommés pour deux ans membres suppléants de la Commission urbaine de Port-Gentil : MM. Baclot, représentant des Établissements Leroy ; De L’Escale, directeur de la Maison Quillard ; Faure (Auguste), membre indigène… Ets G. Leroy fait partie des cinq sociétés dites « dérogataires » … Les sociétés forestières les plus puissantes sont celles qui appartiennent aux usines de déroulage, de placage et de contreplaqués de France. Elles sont dites « dérogataires » car elles exportent par leurs propres moyens, sans avoir recours à l’Office des Bois de l’A.E.F. (O.B.A.E.). Ces firmes puissantes sont toutes installées dans la région de l’estuaire, d’exploitation relativement récente, où elles ont pu se tailler de larges permis riches en bois […]… » Ce sont donc elles et leurs capitaines d’industrie qui tissent et retissent le tissu politique gabonais.
La réalité de la puissance des forestiers est tout aussi indubitable que celle de la française Comuf (Compagnie Minière d’Uranium de Franceville) qui a exercé près de 40 ans d’activité, jusqu’en début 2000 et a donc nécessairement influencé la cooptation des élites en vue de leur intégration dans la superstructure politique gabonaise. Il ne pouvait en être autrement. Il faut bien comprendre pourquoi. Comme peut s’en rendre compte tout internaute, la COMUF est une initiative du Commissariat à l’énergie atomique français qui, à la demande de la France, jusqu’en 1953, prospecte et « auquel se sont associés des groupes industriels, chimiques et bancaires français pour exploiter la « province uranifère » du bassin de Franceville ». En fait, la France prépare un important programme nucléaire militaire et civil nécessitant de l’uranium enrichi. Ceci explique donc cela.
On ne saurait, par ailleurs, ignorer le poids de la COMILOG (Compagnie Minière de l’Ogooué) au Gabon. C’est plus de 70 ans d’exploitation d’un gisement qui représente 25% des réserves mondiales de minerai de manganèse. La COMILOG est une filiale du groupe métallurgique français Eramet.
On terminera notre revue des majors français au Gabon avec la Société des Pétroles d’Afrique Equatoriale Française à sa création, ancêtre de Total Gabon, présente chez nous depuis le 30 juillet 1949.
Tous ces outils économiques du colonialisme français, en précédant l’érection du Gabon en pays indépendant politiquement et juridiquement ne pouvaient qu’avoir leur dernier mot à dire sur le parcours politique et le déploiement des élites dans les jeunes structures étatiques de cette ancienne colonie française. A cette fin, Paris a toujours su prendre soin d’appuyer et de promouvoir principalement ses dévoués. D’où Albert-Bernard Bongo après Léon Mba. Les choses sont finalisées et annoncées à Paris. Foccart est bien vivant. Du général De Gaulle à Mitterrand, on comptabilise 22 ans de parti unique. De 1990 à 2009. Mort d’Omar Bongo Ondimba. Sarkozy conclut l’affaire en adoubant Ali Bongo Ondimba. De Sarkozy à Macron en passant par Hollande, Paris préfère soutenir une guerre civile contre Gbagbo, appuyer la « révolution » burkinabé, vociférer contre Joseph Kabila à l’ONU, prôner la désobéissance civile contre Maduro au Venezuela, ou, encore, il y a seulement une dizaine de jours, comme confirmé par l’état-major français, organiser l’intervention d’une patrouille de Mirage 2000 des forces françaises contre les rebelles tchadiens de l’Union des forces de la résistance (UFR).
Tandis qu’au Gabon, la France préfère fermer ses yeux et laisser aux tenants du système-Bongo les mains libres et du temps pour se trouver un nouveau représentant. Certes des noms circulent déjà. D’Opiangah à Marie Madeleine Mborantsuo, en passant par Frédéric Bongo, Fabrice Andjoua Bongo, le Noureddine de son papa et de sa maman, sans oublier, bien évidemment, l’inévitable directeur de cabinet d’ABO. La Lettre du continent n°793 nous annonce même le grand retour de Pascaline Mferri Bongo Ondimba que beaucoup pensait définitivement affaiblie par la maladie.
On en est là au Gabon. Et comme les chiens ne font pas de chat, il serait illusoire de s’imaginer que de ce système qui s’agite comme une boîte à surprises, il en sortira une solution populaire. Ce qui serait bien surprenant. Le pays officiel s’est toujours organisé et réorganisé sans et contre le pays réel.

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