Input your search keywords and press Enter.

Eglise catholique du Gabon/Tribune libre de l’abbé Elias Anga Ngoua : Le chrétien, la politique et le bien commun

Cet article s’inscrit dans la logique des futures échéances électorales dans notre pays le Gabon. Il est un éclairage qui donne de manière logique aux chrétiens et même à tous les hommes de bonne volonté de se donner une ligne de conduite avant, pendant et après lesdites élections. Il s’agit d’une responsabilité à la fois individuelle et collective. Le bon ou le mauvais choix du chrétien va engager toute la communauté.

Comment comprendre, avant tout, les termes ‘’ chrétien ’’, ‘’ politique ’’ et ‘’ bien commun ’’ ?

Ami de Jésus-Christ, le chrétien est donc son disciple, surtout à partir de Jean 8, 32 qui enseigne que « dîtes la vérité et elle vous affranchira ». Comme son maître Jésus Christ, le chrétien doit faire chaque jour et dans toutes les circonstances le choix de la vérité et de la justice. Il est imitateur de Jésus en tout temps.

Quant à la politique, disons avec Aristote que l’homme est par nature un être politique dont la mission première et essentielle est la gestion de la cité et du respect des droits de l’Homme. Cette cité qui permet finalement à la personne humaine de s’accomplir de manière parfaite. C’est l’idéal d’une bonne société, celle qui donne à l’Homme de bonnes raisons de vivre et d’espérer. Le jubilé de l’espérance en constitue un signe et un signal fortement providentiel en cette année 2025.
Le bien commun n’est un concept ni économique ni politique. Il n’est pas mis en évidence dans aucun ouvrage de science politique sauf chez Georges Burdeau qui, de manière relative, en fait un des chapitres de son Traité de science politique. Le bien commun est donc défini de manière plus morale que politique en évoquant « du bien de tous et de chacun parce que nous sommes tous responsables de tous » (Sollicitudo rei socialis, n° 38).

Il y a ici l’élaboration d’un principe fondamental qui nous indique que les biens de la terre sont en réalité destinés à tous et ne peuvent être accaparés par quelques-uns comme nous en faisons malheureusement le constat en Afrique et au Gabon. L’exigence de l’enseignement social de l’Eglise s’impose à chaque humain et à chaque société : la solidarité et la subsidiarité. Ici encore le chrétien doit en être une parfaite exemplarité sociale.
L’approche de ces trois concepts met en valeur la question des droits humains qui, de manière réelle, forment le premier grand moyen d’action de l’Eglise qui passe non pas seulement par les membres du clergé, mais également par la présence des laïcs qui ont un rôle majeur dans la transformation politique des sociétés et dont la nôtre. La nécessité de cette présence des fidèles chrétiens dans la politique a été soulignée par Jean Paul II dans son texte « Christifideles laici ». La politique est un des lieux concrets d’action efficace qui permet aux chrétiens de faire advenir les valeurs positives de l’Evangile dans une société.

Caritative et sociale, l’action des chrétiens se veut proche et directement active auprès des plus pauvres. Politique, elle doit agir de manière permanente sur l’ensemble des structures pour parvenir à une amélioration des conditions de vie de tous. La vraie démocratie n’est pas celle d’une politique à caractère scientifique et menée par des experts ou qui parfois « fabriqués » dans l’irrationalité de la conscience humaine au profit du « je pensant ». Celui-ci doit faire plus qu’un pas, aller vers le nous : une option préférentielle.
Le chrétien en politique est celui qui propose à la société des solutions qui répondent aux multiples questions sociétales qui engendrent de grandes divisions entre les riches et les pauvres, les patrons et les ouvriers, les nations riches et les nations pauvres. Le chrétien doit indiquer à notre société les exigences de la justice qui n’est pas le droit de ceux qui ont ou qui possèdent. C’est avant tout le droit de ceux qui n’ont pas.

En temps électoral, la visibilité du chrétien sur le terrain politique doit absolument être réelle, car ce dernier, comme « lumière du monde et sel de la terre » (Matthieu 5, 13), doit montrer que Dieu est celui qui aime le pauvre et son exclusion de la communauté est véritablement une rupture d’alliance avec Dieu, Auteur de la vie. Il n’y a donc pas d’engagement politique ou en politique sans apprentissage au préalable d’une vie sociale conforme à la volonté divine. C’est aussi dans cette perspective, d’ailleurs, que s’inscrit le bien commun qui constitue une caractéristique forte de la justice sociale.
Le chrétien est porteur, dans ce cadre électoral précis, d’un message social de l’Eglise qui ne doit pas être considéré uniquement comme une simple appréhension théorique ou idéologique, mais comme un fondement et une motivation pour l’action concrète. Son engagement en politique n’est pas l’expression de sa pensée personnelle, mais plutôt de la promotion constante du bien commun, celui de toute la communauté. Son combat permanent est justement celui de la défense de l’intérêt général et non singulier. La promotion de la justice est, pour le chrétien, une lutte qui consiste à aider avant tout le pauvre et ce choix est la réponse du Christ qui nous apprend que l’amour de Dieu est indissociable de l’amour du prochain. C’est, en effet, ce dernier qui est au centre de la doctrine sociale de l’Eglise.

« Image et ressemblance de Dieu », le chrétien doit s’engager pour aider à bâtir une société humaine plus juste et plus digne qui est celle de la construction d’un monde des solidarités. La recherche de la solidarité avec ceux qui souffrent, le travail pour la justice économique et sociale sont ainsi vécus avec une profonde attitude de foi, avec un grand élan de réalisme évangélique. C’est la raison pour laquelle le chrétien, en tant que fils de Dieu, doit s’engager en politique en gardant en lui une grande espérance renouvelée. Il devra faire face aux puissances d’injustices et de divisions en faisant preuve de foi et d’abnégation. C’est pour cette raison que l’Eglise, comme communauté des croyants, a donc cette vocation spéciale à inviter sans cesse tous ses membres à l’action sociale, économique qui construit la justice.

Au nom de la doctrine sociale de l’Eglise, le chrétien fait appel à ce qu’il y a de plus universel en l’homme : la raison, le sens de la justice et le respect de l’autre. Il est ainsi celui qui, en temps électoral et de manière plus précise, celui qui, au nom de l’Eglise, transmet une espérance nouvelle (jubilé de l’espérance), ceci à travers un engagement concret partant, bien sûr, de l’annonce de l’Evangile. Sa lutte contre le « théâtralisme politique », terme évoqué par le docteur Ebang Ella dans son ouvrage « De la politique autrement, au-delà du théâtralisme politique », devient l’un plus grands combats que doit mener le chrétien qui doit faire admettre à notre société que l’engagement politique n’est pas du « théâtre », il est avant tout source ou possibilité de construction de la cité tenant compte de la personne humaine dans toute son essence. Ebang Ella évoque dans son ouvrage la dimension « vertueuse de la vocation politique ». Celle-ci, au fond, est aussi ce qui caractérise la foi du chrétien qui doit faire preuve de vertu ou de mesure dans le choix à faire et, surtout, dans son option constante de la vérité.

Finalement, comme fils de Dieu, l’engagement socio-politique du chrétien est davantage un service aux autres

Cette approche nous est indiquée également et de manière plus forte et visible chez le docteur Séraphin Obame Ndong dans son ouvrage intitulé « Jésus : le plus jeune patriarche et le plus grand prophète ». Le bibliste nous donne ici des éléments d’appréciation qui indiquent que le chrétien, dans son engagement politique ou en politique, doit « impacter sur la destinée humaine ». Nous pensons que cette orientation de l’auteur correspond profondément à la mission du Christ et davantage à celle du chrétien vivant dans une humanité gabonaise qui a « besoin d’une bouée de survie pour un monde meilleur, fraternel et humain ».
Le chrétien, comme citoyen d’une cité bien précise, est appelé à bien s’engager dans la société pour promouvoir, an nom de sa foi au Christ ressuscité, le bien commun et la justice sociale. Sa mission fondamentale est d’y apporter les valeurs de fraternité humaine, de paix et, surtout, de vérité conformément au message évangélique. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, le pape François rappelle que « la politique est une forme éminente de charité » (in Fratelli tutti). Le combat chrétien et du chrétien va donc être celui de lutter contre des intérêts à la fois tant partisans que personnels au détriment de la dimension communautaire. Nous le rappelons ici, le choix du chrétien est celui du Christ et donc celui de la vérité.
En célébrant le jubilé de l’espérance, vivons dans la foi ce temps de Carême dans la prière et, surtout, dans le partage en ayant surtout une pensée spirituelle et sociale pour tous les “ blessés de la vie ”.

Abbé Elias Anga Ngoua

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *