Le Premier ministre Alain Claude Bilie-By-Nze, accompagné des membres de son gouvernement, a rencontré l’administration des transports à l’immeuble Arambo. C’était le vendredi 17 mars 2023 dernier. Cette rencontre faisait suite à la démission du ministre des Transports, Brice Paillat, qui, elle, faisait suite au naufrage du ferry Esther Miracle qui a endeuillé de nombreuses familles gabonaises et dont la recherche des corps se poursuit. C’était l’occasion pour le chef du gouvernement non seulement de dénoncer les maux qui minent l’administration des transports, mais aussi l’ensemble des administrations du Gabon.
Dès sa prise de parole, le Premier ministre a annoncé l’érection d’une stèle au port Môle, « à l’endroit du départ, en souvenir des disparus. Ce monument symbolique sera là chaque jour pour que jamais nous n’oubliions et pour nous rappeler que plus jamais nous ne voulons plus jamais vivre ça ». Ainsi, le PM répondait là à une demande de la population pour qu’effectivement le souvenir de cette sombre nuit reste ancré en chaque Gabonais.
Ne pouvant occulter la question de la responsabilité, le PM y est tombé pieds joints. Il relève, selon les premières révélations des enquêtes, trop de « failles dans la gestion de l’administration du ministère des Transports et à tous les niveaux : terrestre, aérien, maritime ou ferroviaire… ». Notamment la complaisance dans le traitement des dossiers, les conflits d’intérêts et l’intérêt personnel qui ont trouvé un terrain fertile au ministère des Transports au Gabon. Mais pas que… Ce « sont des maux qui fragilisent le service public », a dit le PM. Ainsi, constate-t-il que, « trop souvent, des actes administratifs et des agréments ou autorisations sont délivrés sans examens rigoureux ni contrôle des pièces fournies au dossier, au mépris de l’intérêt général. Cet événement malheureux doit servir de leçon à tous les gestionnaires des affaires publiques. Il y a trop de négligence, trop de compromission, trop de passe-droits et trop de petits arrangements… ».
D’ailleurs, le PM a déploré le « phénomène de la corruption dans notre administration » qu’il a jugé « plus que préoccupant ». « Ensemble, nous allons et devons lutter contre ce fléau ». Courage, Monsieur le PM, car vous voulez vous en prendre là à ce qui fait l’ADN du régime ! Quoi qu’il en soit, Bilie-By-Nze a averti : « Tout agent public répondra désormais, plus que jamais, devant les juridictions compétentes. Nul ne sera couvert, nul ne sera protégé… Nos actes nous engagent. Notre signature nous engage personnellement et pénalement. C’est pourquoi, si des failles sont révélées par les résultats de l’enquête au sein de l’administration des transports, dans le cadre de ce naufrage, des sanctions administratives seront prises, sans préjudices des sanctions pénales. Personne ne sera épargné à quelque niveau que ce soit… ». Gageons que les sanctions ne se limiteront pas au seul ministère et à la seule administration des Transports. La Défense et l’Intérieur doivent-ils être épargnés ?
Avant de clore son propos, le PM a annoncé qu’il proposera au chef de l’Etat des décisions dans les tout prochains jours. Elles seront dures et difficiles, mais il dit les assumer en qualité de chef du gouvernement.
Ce drame, nous avons de cesse de le dire, recouvre en lui-même plusieurs causes. Notamment la pauvreté, la négligence, le refus de porter secours à personne en danger, la corruption… Signe des temps ou simple coïncidence, il s’est révélé au régime au moment où celui-ci s’organisait pour les célébrations du banquet de son 55è anniversaire avec, en prime, l’annonce solennelle de la candidature de l’enfant-roi, le dictateur émergent Ali Bongo Ondimba.
Certes, il a pris la sage décision de reporter son événement et d’annoncer un deuil national à un moment où tous les corps n’étaient pas encore remontés, mais il sera bien difficile demain, pour le régime PDG, de faire abstraction de ce deuil que nous trainerons encore longtemps, pour se retrouver et faire la fête en différé. Deux voies s’offrent au distingué camarade président : reporter la date des élections, date qu’il camoufle jusqu’à présent afin de surprendre les potentiels futurs candidats de son parti en ne leur laissant pas le temps de démissionner et d’y aller en indépendants, ou ne pas se porter lui-même candidat et laisser au peuple gabonais la liberté de se choisir en toute transparence son nouveau chef.
GPA