Sur son seul nom et avec le bilan dont il peut se prévaloir depuis sa prise de pouvoir, le sémillant général Brice Clotaire Oligui Nguema peut suffisamment capitaliser pour aller avec optimisme et sérénité à la présidentielle du mois d’août 2025. Pourquoi tient-il tant à s’encombrer d’un parti politique qui, en réalité, profite plus de lui que l’inverse ? Lors de la campagne référendaire, les cadres de ce parti, non seulement étaient des repoussoirs dans de nombreuses localités, mais encore ils ont malicieusement augmenté le taux d’abstention en refusant de transporter leurs légendaires bœufs votants. Ces nécessiteux exigeaient des moyens pour ça. Mais ils n’auraient rien reçu venant du bord de mer. Lecture…
Comme il ne fallait que s’y attendre, la trop grande place prise par des cadres du parti déchu du pouvoir le 30 août de l’année dernière n’a pu qu’horripiler une bonne partie de l’opinion et de l’électorat gabonais consternée de voir aussi rapidement la reprise du service politique avec éclat de celles et ceux que l’on pensait avoir réglé le sort politique pour un bon bout de temps au sortir du Dialogue national inclusif organisé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions(CTRI) en avril dernier. Mais la mesure de suspension recommandée contre le parti toujours avec le pouvoir n’a pas pu prospérer. Non plus qu’elle n’a frappé ceux des alliés de l’ancien parti unique.
Si cette recommandation avait été actée, le sémillant général et son gouvernement ne seraient pas en ce moment en train de tenter de s’ôter les deux cailloux du pied que sont pour eux l’ancien Premier ministre Alain Claude Bilie-by-Nze, qui se pose, chaque jour qui passe, en principal opposant du pouvoir militaire, et Hervé Patrick Opiangah, l’allié de l’Union pour la démocratie et l’intégration sociale (Udis) dont la sortie politique contre le « oui » fut tonitruante deux jours avant le scrutin référendaire du 16 novembre courant. Mais, entre plusieurs maux, Brice Clotaire Oligui Nguema et ses principaux stratèges et conseillers devaient choisir les moindres à leurs yeux. Après avoir certainement pesé les avantages et les inconvénients de la posture à adopter : faire avec ou sans le PDG.
Plus que vraisemblablement, c’est la première option qui l’aurait emporté. Et si le Pr Albert Ondo Ossa a eu tort de parler très tôt de révolution de palais, les militaires, qui sont arrivés aux affaires, n’ont à aucun moment, dès leur prise de pouvoir, parlé d’une quelconque…révolution, ce système qui vient radicalement tout changer avec des emprisonnements à tour de bras de dignitaires de l’ancien régime suivis d’exactions et d’exécutions sommaires. Rien de tout cela !
C’est plutôt avec tout le monde et, prioritairement, avec ceux que l’on connaît le mieux que le président de transition va souhaiter travailler. Une volonté de rassemblement déséquilibrée en faveur du PDG qui va très vite se concrétiser dans la mise en place des principales institutions de transition. Tâche d’autant plus facilitée avec la remise en…lumière de ces frères longtemps ignorés par Ali Bongo Ondimba qui pouvaient ainsi jouer sur deux tableaux.
On voit ainsi, dans le premier gouvernement Raymond Ndong Sima, trois anciens camarades directement issus du parti déchu et les principaux collaborateurs du président renversé regroupés avant cela au sein du Haut commissariat de la République (HCR). Dans la haute administration, des têtes tombent, mais un peu à…la tête des clients. Dans le parapublic, pareillement. Sans que le PDG ne perde au change. A mesure que l’on va se rapprocher des échéances, l’ancien parti-Etat, toujours avec le pouvoir, retrouve du poil de la bête. Et Paul Biyoghe Mba, le nouveau patron intérimaire, en attendant que le vrai se déshabille, pardon, se dévoile, n’a même plus besoin d’y mettre les formes : « Le PDG est un parti au pouvoir et de pouvoir… ».
La voie est désormais ouverte pour la prise en main quasi total de la dernière campagne référendaire à travers le pays. Le pouvoir d’Oligui Nguema pouvait-il faire autrement que de composer avec eux ? Oui et non.
On peut répondre par l’affirmative en notant avec lucidité que la mesure de suspension du PDG et de ses cadres et alliés les plus zélés risquait d’aliéner au plus que probable candidat Oligui Nguema la quasi totalité des cadres de son fief naturel de Ngouoni en particulier, mais aussi d’une écrasante majorité de la classe politique altogovéenne. Le Haut-Ogooué, province d’origine des Bongo, mais aussi d’Oligui, de Jeannot Kalima et de Ngari, s’est toujours mobilisée massivement, instinct de survie politique oblige, derrière le candidat naturel du Parti démocratique gabonais. Quand cela s’est avéré nécessaire comme en 2016, la province présidentielle a pu avoir un sursaut hors du commun en se rendant aux urnes comme un seul homme. Morts et vivants. Peut-on raisonnablement se passer d’un tel apport ? Raisonnablement non. Comme personne ne pouvait ignorer le risque qu’il y avait d’associer la province sœur de l’Ogooué-Lolo, presque aussi longtemps monocolore politiquement avant les rébellions de Guy Nzouba Ndama et de Paulette Missambo, aux sanctions qui devaient frapper lourdement l’ensemble des circonscriptions altogovéennes. Si, à cela, il faut relever que l’ensemble des autres provinces du pays étaient sous l’emprise du pouvoir et du système Bongo depuis des années, on voit bien la où résiderait la difficulté pour le nouveau pouvoir, sans doute pas préparé à assumer autant de charges politiques et techniques, à faire plus compliqué là où tout paraît plus simple… Mais comme les apparences peuvent être trompeuses ! Et des exemples palpables sont là pour relativiser la toute puissance et l’implantation réelle du PDG dans tout le pays et dans la majorité des cœurs des Gabonaises et des Gabonais.
Il y a, d’abord, eu l’élection présidentielle de décembre 1993 qui a vu le père Paul Mba Abessole faire vaciller électoralement le trône d’Omar Bongo Ondimba. Où étaient la majorité et le savoir-faire des PDGistes ? Omar Bongo va se débrouiller lui-même en refusant sa défaite et en mettant les chars dans la rue…
En 2016 et pratiquement en moins d’une année, Jean Ping est venu remporter la présidentielle, malgré la débauche des moyens et la construction dispendieuse et inachevée de la route Omboué-Port-Gentil pour le discréditer. Où était le PDG ? Ali Bongo refuse lui aussi sa défaite et demande à la GR, sa GR, d’aller pilonner le QG de Jean Ping à l’arme lourde…
Le plus extraordinaire s’est sûrement produit fin août 2023 lorsqu’en moins d’une semaine, la coalition Alternance 2023, avec Albert Ondo Ossa, est parvenue à ravir le pouvoir d’Etat à Ali Bongo Ondimba. Où était le PDG, toujours prompt à remplir les lieux de meetings et de causeries et parfaitement incapable de mobiliser pour son champion le jour des scrutins.
La dernière campagne référendaire a une fois de plus démontré toute la fragilité d’un parti politique avec qui Brice Clotaire Oligui Nguema a noué un mariage incestueux et pressenti pour en prendre la présidence toujours aussi vacante et qu’il aurait tout intérêt à réformer en le libérant, tout d’abord, de son nom avant d’en exclure ceux qui militent pour l’inertie en son sein.
Sauf que parmi les cadres de ce parti, il y en a qui pensent qu’ils peuvent niquer Oligui, regardé comme un analphabète politique. Il ne faut pas l’oublier, le PDG est une savane ou ne survivent que les fauves. Oligui, disciple de Machiavel, devra garder cela à l’esprit et comprendre que la fidélité dont certains PDGistes le gratifient n’est que du bout des lèvres. Ils n’hésiteront pas à le poignarder dans le dos dès que la meilleure occasion se présentera.
Elive Sarah-Noëlle Nyanah-Mbeng