Input your search keywords and press Enter.

Gabon Politique / entretien avec le député de la transition Pepecy Ogouligende, née Mavikana : « Le changement c’est quelque chose de progressif »

Actuellement députée de la transition pour le compte de la société civile, l’honorable Pepecy Ogouligende, née Mavikana, nous livre son regard sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale, son regard sur la transition et le futur où elle soutient le « oui » non sans s’expliquer pourquoi… Lecture !

Le Mbandja : Bonjour, honorable !

Honorable Pepecy Ogouligende : Bonjour !

Quel est le rôle d’un député de la transition ?

Je voudrais, tout d’abord, remercier les plus hautes autorités, en tête desquelles le président de la transition, président de la République, son excellence le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, de m’avoir choisie pour faire partie de ce Parlement de transition. Un député de la transition a les mêmes missions que celles dévolues à un député élu, à savoir contrôler l’action du gouvernement essentiellement, consentir l’impôt et évaluer les politiques publiques. C’est également pour moi, par cette question, l’occasion d’inviter les pouvoirs publics à procéder à un exercice de pédagogie et à une communication de proximité pour faire comprendre aux Gabonais que la transition est une période particulière où l’on part d’un point A à un point B avec pour objectif principal le retour à l’ordre constitutionnel. Tout ce qui se fait aujourd’hui se fait dans un cadre exceptionnel.

Quelle est la particularité d’un député de la transition ?

Le député de la transition a les mêmes prérogatives qu’un député élu, sauf que nous avons été nommés par le président de la transition chacun dans sa sensibilité et c’est là aussi la richesse de ce Parlement parce que nous avons des députés et des sénateurs qui viennent de tous les horizons, qu’ils soient du monde politique, religieux, universitaire, de la société civile… C’est une richesse. C’est pour moi une première à l’Assemblé nationale, mais au regard des débats, je sens qu’il y a une véritable diversité d’opinions et de regards qui, in fine, permet à chacun non seulement de s’enrichir, mais aussi de se poser des questions auxquelles il n’aurait pas eu l’idée.

Un député de la transition n’ayant pas de circonscription électorale, pour qui parle-t-il ?

C’est ce qui a été dit. Nous sommes les députés de la République. Nous n’avons pas de circonscription électorale ou de groupement spécifique, mais, en tant que Gabonais, nous savons que nous avons forcément des origines sur le plan national, mais aujourd’hui le travail que fait le député, qu’il s’agisse des comptes-rendus parlementaires, est fait sur l’ensemble du territoire avec une particularité pour le monde rural. Il serait beaucoup plus aisé pour un député de se rendre dans sa zone de naissance, car il se pose le problème de la langue. Mais, effectivement, nous n’appartenons pas à des circonscriptions électorales ou à des groupements spécifiques. Il nous a été exigé d’avoir un regard national. Nous représentons toutes les populations gabonaises.

Quels sont, selon vous, les temps forts de cette année parlementaire ?

Nous avons reçu plusieurs lois, mais, parmi elles, je vais citer l’examen de la loi de finances qui nous a permis de voir s’il y a une adéquation entre les priorités de la transition, donc du CTRI, et les inscriptions budgétaires. Nous avons eu également la loi de règlement de la ligne moins 2 qui nous a permis de voir si les engagements contenus dans la loi de finances de cette année ont été exécutés dans ce sens. Nous avons également eu le cadrage macro-économique en matière de perspectives. Est-ce que, justement, en écoutant les populations aujourd’hui, les priorités, aussi bien en termes d’annonces du chef de l’Etat, les plans de développement, les attentes des populations, est-ce que ces grandes priorités ont été prises en compte pour l’élaboration du futur budget ? On peut dire que l’année dernière, nous étions quasiment au lendemain du coup de la libération. C’était donc la continuité, hormis les urgences qui avaient été inscrites par le CTRI. Pour cette année, nous pensons avoir eu suffisamment de recul et avons suffisamment commenté le cadrage macro-économique pour qu’il corresponde aux attentes prioritaires des populations. Les parlementaires ont donné les grandes lignes des orientations qui seraient en phase avec la vision du CTRI. Nous avons également eu le rapport de l’exécution du budget, donc tout ça pour dire que, contrairement à ce qui se dit, l’Assemblée nationale fait un travail de fond, mais il faut savoir que le changement, c’est quelque chose de progressif et la démocratie est une construction et cette démarche d’inclusion permet à chacun d’interroger son rôle.

L’organisation des élections par le ministère de l’Intérieur n’est-elle pas un recul pour la démocratie ?

Je pense qu’il y a confusion. Est-ce qu’il y a un recul ? Je ne pense pas. Le ministère de l’Intérieur coordonne le processus. Comme dans un avion, il n’est que le pilote, c’est lui qui montre la direction et chaque acteur a un rôle à jouer et c’est à chaque acteur de savoir quel est exactement son rôle et s’assurer qu’il a les compétences. Il faudra que les observateurs nationaux et internationaux, la société civile, au moment où les accréditations seront données, puissent les solliciter, car nous allons veiller à ce que le principe de transparence soit respecté.

Pouvez-vous rassurer les Gabonais de l’impartialité du ministère de l’Intérieur lors des élections à venir ?

Le ministère de l’Intérieur n’est pas le seul acteur. Plusieurs acteurs seront mis en œuvre dans ce processus. Il a donc intérêt à être impartial. Organiser des élections est une lourde responsabilité pour le ministère de l’Intérieur. J’appelle à la sagesse du ministre, car penser qu’on peut mener seul ce processus est impossible. Les autres acteurs vont jouer leur rôle en s’assurant que les dispositions juridiques en vigueur seront respectées. Il faudrait s’assurer d’intégrer toutes les parties prenantes en amont du processus, tomber d’accord sur la méthodologie, sur ce qui va se faire et permettre à chacun de jouer son rôle. Les conditions de transparence devront être réunies et tout le monde veillera à jouer vraiment sa partition.

Selon vous, pour la présidentielle, quelle durée de mandat sied ?

Nous sortons d’une situation où tout le monde était arrivé à bout de souffle et c’est naturel au-delà de tout ce qu’on peut dire du régime déchu. C’est un cycle naturel et les recherches ont montré que pour un régime, au bout de 10 ans, même si vous êtes un bon leader, il y a une lassitude au niveau du peuple. C’est pourquoi, si je peux me permettre, dans ce qui va se faire, 5 ans seraient l’idéal, renouvelable une fois, parce qu’au-delà de 10 ans, on produit l’effet inverse. C’est important d’emmener toutes les parties prenantes, les gouvernants d’aujourd’hui à se rendre compte que nous sommes dans un environnement où nous avons une jeunesse de plus en plus instruite, de plus en plus informée de ce qui se fait sur le plan international et qui rêve aussi de ce que le Gabon puisse entrer dans l’histoire. Cette transition est donc une chance pour tout le monde, elle est bien perçue, car les Gabonais savaient qu’il fallait qu’on obtienne un changement. Malheureusement, ou heureusement, ce changement est arrivé à travers le coup de libération qui reste toujours, selon les normes, un coup d’Etat. Nous devons donc tout faire pour revenir à l’ordre constitutionnel.

Quelle est la particularité de l’élection à venir ?

Les élections ont toujours été un problème dans ce pays depuis 1993. Les violences post-électorales ont provoqué des pertes en vie humaines importantes et je rends hommage aux victimes. Cette élection est tellement cruciale. C’est le premier test d’élections transparentes, là où on aura comme vainqueurs ceux qui seront élus et, pour parler du référendum, ce que les Gabonais auront fait comme choix par rapport aux questions qui leur seront posées. J’invite par la même occasion les autorités en place à miser sur la communication de proximité, à mettre en place des missions à caractère pédagogique afin de mieux expliquer aux populations ce qu’est la transition. Etant moi-même sur le terrain, on entend de tout.

Quelle est votre regard sur le référendum ?

Il faudrait qu’on revienne à l’ordre constitutionnel. Un pays en transition est un pays fragile, un pays instable. Nous avons la chance d’avoir cette paix. Tout le monde doit converger pour qu’on revienne à l’ordre constitutionnel.
Une fois le président élu sur la base d’un projet de société, les populations pourront exercer leur devoir de redevabilité pour que les autorités en place puissent rendre compte du respect de leurs engagements. Le « oui » du referendum va au-delà de la Constitution. Pourquoi les gens s’insurgent à dire oui ? Parce qu’il y a d’abord eu un front du « non ». Mais le front du « non » s’est basé sur quoi puisque la Constitution n’est pas encore là ? Le processus est tellement sensible qu’il faut qu’on fasse attention à distiller des informations qui peuvent menacer le processus dans son ensemble. C’est une œuvre humaine. Il y aura des imperfections. Mais est-ce que, face à ces imperfections, il faut mettre le pays en danger avec toutes les conséquences que ça peut constituer ?
Il faut accroître la communication. Si les Gabonais sont informés des enjeux et des défis, on n’aura même pas besoin de faire la campagne pour le « oui » parce que chacun comprendra que mieux vaut finir rapidement avec ce processus, organiser des élections libres et transparentes et élire le futur président pour que le pays revienne à l’ordre constitutionnel et intégrer le concert des nations afin de bénéficier de toutes les opportunités et de répondre aux attentes des populations.

Si le « non » l’emporte au référendum, qu’arrivera-t-il ?

En cas de « non », ça veut dire qu’on reprend le processus à zéro. Donc on allonge la transition. Dans ce cas, ce n’est pas le président de la transition qui est perdant. On ne veut pas le dire, mais nous sommes en transition militaire. Est-ce que le peuple est prêt à assumer ? Ce sont tous ces éléments que nous devons présenter aux populations, les conséquences du « oui » et celles du « non ». Les pouvoirs publics devraient davantage communiquer sur ces questions.

Quelle est, selon vous, l’avancée majeure de cette transition ?

Dans la Constitution qui arrive, la limitation du mandat du président a été un principe acté et ça le président de la transition, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, l’a dit et redit. C’est déjà une grande avancée parce que pendant toutes ces années, nous avons attendu cette limitation de mandats. Tout dirigeant désormais au Gabon aura un mandant bien limité. Le combat démocratique n’est pas un acquis, mais une lutte permanente. Nous pouvons faire confiance aux mots du président de la transition, au respect de la feuille de route pour le retour à l’ordre constitutionnel qui pourrait profiter à tout le monde.
Le « oui » au referendum, je pense que si tout le monde a une clarté sur les enjeux, la question ne se posera plus, le Parlement jouera sa partition et il faut savoir que le code électoral actuel concerne le référendum pour les élections futures. Il y aura certainement d’autres textes qui prendront en compte toutes les observations qui ont été faites pour que les principes démocratiques soient renforcés. En dépit de tout, ayons à l’idée que nous devons maintenir la consolidation de la paix et nous devons œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel, car c’est dans l’intérêt de tous.

Le mot de la fin ?

Chacun de nous a des attentes d’un Gabon meilleur, empreint de justice sociale, où tous les Gabonais peuvent s’exprimer et s’épanouir. Je ne peux qu’inviter le président de la transition et tous ceux qui sont à l’œuvre dans cette transition à regarder aux conditions des plus vulnérables, à tenir compte des enjeux afin de maintenir la paix et je salue les efforts qui ont déjà été faits. Je vous remercie.

Interview réalisée par Ornika Biloghe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *