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Gabon/Trois questions à…Luc Bengono Nsi « Les partis politiques disparaîtront d’eux-mêmes, à mon humble avis »

« Il va de soi que si on veut être réaliste, républicain, patriote, la garde républicaine doit disparaître comme il faut faire disparaître le PDG », nous a confié le président du Mouvement de redressement national (Morena) que nous avons joint par téléphone, le 8 mai dernier, afin d’avoir son avis sur la suspension des partis politiques par le Dialogue national inclusif.

Mingo express : Monsieur le président du Morena, le rapport final du Dialogue national inclusif a été remis récemment au président de la transition par le président du bureau dudit dialogue, Mgr Jean Patrick Iba-ba, Archevêque métropolitain de Libreville. Dans ce document, il est retenu que les partis politiques légalement reconnus sont suspendus en attendant la mise en place de nouvelles règles régissant la création et le maintien des partis politiques. Qu’en pensez-vous ?

Luc Bengono Nsi : D’abord, le dialogue ne prend pas de décision. Il prend des résolutions qui peuvent être considérées comme des propositions. Des recommandations ne peuvent pas être considérées aujourd’hui comme des résolutions d’Etat. Deuxièmement, je me pose la question de savoir pour quelle raison suspend-on tous les partis politiques en attendant de nouvelles dispositions. En plus de ça, s’il y a un nombre pléthorique de partis politiques au Gabon, c’est le Parti démocratique gabonais (PDG) qui a accepté de reconnaître plus de 100 partis politiques. La reconnaissance des partis était devenue comme un petit jeu. Et, partant, les partis politiques qui se battent pour le Gabon comme le Morena que je préside. Pourquoi on suspendait ces partis politiques ? Je me suis d’abord opposé. J’ai donné mon avis en attendant que le PDG soit suspendu et avant que les principaux responsables qui ont géré ce pays ne passent devant les tribunaux parce qu’il y a des actes graves qui ont été posés. Veut-on entraîner dans cette décision tous les autres partis politiques du Gabon ? C’est une interrogation. En plus de ça, vous supprimez les partis politiques. Que veut-on créer dans notre pays : la dictature ou la démocratie ? Quand on est en démocratie, on évoque également la réalité de certains partis politiques. Ce qui est vrai, c’est que dans les pays francophones, il y a une pléthore de partis politiques alors que dans la plupart des pays anglophones, les partis politiques sont en grande partie au nombre de deux. Ce qui fait que ceux-là sont plus disciplinés que nous. Je ne vois pas à quoi servent plus de 100 partis politiques au Gabon. Pour moi, ceux qui les créent ou ceux qui les font créer visent en premier le franc électoral. Je pense qu’il n’y a pas de raison de mettre les partis politiques en sourdine et dire que c’est dès qu’on aura terminé de mettre en place les conditions d’existence des partis politiques qu’ils pourront reprendre leurs activités. Les partis politiques disparaîtront d’eux-mêmes, à mon humble avis, parce qu’il faudrait répondre aux nouvelles conditions que l’Etat posera. C’est ce que je peux dire très succinctement.

En parlant du PDG, cette formation politique et ses alliés de 2016 à 2023 sont également suspendus, mais sur une période de 3 ans avec effet immédiat. Aussi, les responsables desdits partis politiques sont frappés d’inéligibilité aux prochaines élections politiques. Votre appréciation !

Je me pose, d’abord, la question de savoir qui sont aujourd’hui les principaux responsables qui seraient suspendus et inéligibles. Lors d’une émission à laquelle j’ai participé avec Muang’Mbading, il a posé une question de savoir « vous allez suspendre quel PDG ? Mais c’est le PDG qui dirige la transition ». Vous prenez l’Assemblée nationale, son président est un PDGiste. On vous a dit qu’il n’est pas PDGiste ? Et un certain nombre de PDGiste se retrouvent dans les arcanes des institutions actuelles du pays. Et vous dîtes que vous suspendez le PDG. Ce sont ceux-là qui constituent l’esprit du PDG. On devrait recenser les noms de ceux qui devraient subir les punitions dues à leurs crimes. Qu’on essaie d’inventorier les partis politiques qui étaient dans la majorité présidentielle et qui favorisaient tout ce qui se passait en mal dans ce pays. C’est un travail qui devrait déjà être fait. Et nous, nous insistons sur le fait qu’on puisse aller jusqu’à connaître le degré de responsabilité de certains d’entre eux dans la situation actuelle du Gabon. Le CTRI semble ne pas vouloir regarder le problème de cette manière. Mais il y a la voix du peuple qui crie, les voix des Gabonais qui ont été tués pendant ces périodes qui s’élèvent. Et nous, nous estimons que ceux qui ont tué, ceux qui ont commis des crimes et d’autres crimes soient sanctionnés dans l’intérêt du peuple gabonais. Et pour éviter qu’on y revienne tôt ou tard. Voilà pourquoi je dis, suspendre pendant 3 ans, je ne peux pas le comprendre. Mais il faudrait qu’à un moment donné les gens assument leurs responsabilités. Et le parti politique, s’il faut le suspendre, il faut le dissoudre après avoir établi les réalités des faits. C’est ce qu’il faut faire pour le PDG et ses alliés.

Il y a un sujet très important, parmi tant d’autres, évoqué dans l’opinion mais que le Dialogue national inclusif n’a pas traité. Il s’agit de la problématique de la garde républicaine. D’aucuns estiment que ce corps d’armée a toujours soutenu, sinon, protégé les dirigeants du pays et ceux du PDG et que c’est la participation de cette armée aux émeutes du pays depuis 1990 qui entraîne des morts. Pensez-vous que la GR doit aussi être dissoute ?

Il faut être réaliste. Ce sont les Français qui ont mis la GR en place avec pour objectif de protéger le chef de l’Etat et sa famille, protéger les Français et leurs intérêts dans notre pays. Appelée, d’abord, garde présidentielle (GP) et muée en garde républicaine (GR), elle n’a pas été conçue pour se préoccuper de la vie des Gabonais. C’est ça la réalité. On ne peut pas non plus nous faire croire que la GR devenue est loin de ce qui s’est passé en 1993, de ce qui s’est passé en 2009 et de ce qui s’est passé en 2016. Et je comprends pourquoi aujourd’hui le CTRI ne voudrait pas qu’on revienne sur ces dossiers. Parce que la GR, hier GP, est largement impliquée dans tout ce qui s’est passé ces années-là. Donc, si on veut rebâtir le Gabon, si on veut mettre le Gabon sur les rails pour qu’il soit une vraie République, en ce moment-là, la GR devrait également disparaître. Mais elle ne disparaît pas. Pourquoi ? Parce qu’à l’intérieur, il y a beaucoup de non-Gabonais. Le regroupement se faisait, au départ, à l’intérieur du Gabon. Les Loulou Martin les formaient contre le peuple gabonais parce qu’on dit de défendre et de protéger Bongo alors qu’un président de la République doit être élu par un peuple qui l’aime. Mais on ne peut pas monter une garde pour faire en sorte que le président de la République soit l’ennemi du peuple. Il va de soi que si l’on veut être réaliste, si l’on veut être républicain, si l’on veut être patriote, la GR doit disparaître comme il faut faire disparaître le PDG.

Propos recueillis par C.O.

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