Jamais, depuis l’accession de ce pays à l’indépendance, aucun chef d’Etat, depuis le retour au multipartisme, n’était parvenu à se faire élire avec un score de cette ampleur (73 %) face à autant de challengers de poids comme Moïse Katumbi et le prix Nobel de la paix Denis Mukwegue. Jamais aussi aucun de ses devanciers, de Joseph Kasavubu à Josep Kabila Kabangue, n’avait autant promis avant et pendant son exercice effectif du pouvoir sans concrétiser l’essentiel des promesses, notamment sur le plan sécuritaire.
Principal obstacle à l’accomplissement de ses vœux : l’insaisissable voisin rwandais qui ne veut pas se contenter de la main tendue par Kinshasa, mais nourrit le dessein d’arracher tout le bras…minier de l’est de la République Démocratique du Congo, précisément dans la province du nord-Kivu surnommée « Fatshi Béton » par ses partenaires de la coalition « Union sacrée pour la Nation ». C’est pourtant encore avec l’épée de Damoclès de l’insécurité permanente entretenue par les voisins rwandais et ougandais que le chef de l’Etat congolais, Félix Antoine Tshilombo Tshisékédi, entame, depuis janvier dernier, son second quinquennat présidentiel.
Alors que son prédécesseur, Gl-major d’armée de surcroît, Joseph Kabila Kabangue, avait fini d’écraser la rébellion du M23 en 2013, lui léguant un pays entièrement logé à l’intérieur de ses frontières héritées de la colonisation, le 5ème chef de l’Etat de la RDC a cru mieux faire, pour pérenniser définitivement la paix, de réinviter à Kinshasa et Paul Kagamé (à l’occasion de sa première investiture en janvier 2018) et des membres de la rébellion vaincue (des mois plus tard) pour renégocier la paix que le fils du Mzee assassiné avait arrachée de haute lutte par les armes. Considérant que l’armée que lui léguait celui qui venait de passer 18 ans au pouvoir était infiltrée et insuffisamment préparée dès lors à faire face à de nouveaux assauts des Rwandais, toujours en appétit face aux immenses richesses minières congolaises, le fils de feu Etienne Tshishekedi Wa Mulumba s’est largement ouvert à son homologue de Kigali en lui offrant, en plus de l’amitié, les possibilités, d’ailleurs actées, de co-investir principalement dans l’exploitation de l’or.
Dans la foulée, il ouvrait également le ciel de Ndjili à la compagnie aérienne rwandaise « Rwand’air » pour desservir une capitale de plus de 12 millions d’habitants qu’il livrait ainsi, diront ses détracteurs, à l’infiltration d’espions du voisin malin…
L’idylle entre les deux présidents a brusquement pris fin avec la résurgence du groupe rebelle du M23 et la prise de Bunagana à la frontière rwando-ougandaise.
Refusant de négocier cette fois-ci, Tshilombo Tshisekedi a fait appel aux forces de l’East african communauty (EAC) pour chasser les rebelles des zones congolaises occupées. Las, Kényans et Ougandais se contentaient d’accompagner les supplétifs rwandais dans les zones, de plus en plus nombreuses, sous contrôle…rwandais en dépit des démentis de Kigali. Exit donc les forces armées de l’EAC et place alors aux troupes de la SAADC avec l’Afrique du Sud en tête.
Malgré tout, les rebelles, clairement soutenus et appuyés par Kigali, continuent leurs avancées en territoire congolais, notamment en direction de Goma où sont signalées non pas simplement de…moindres petites escarmouches que le président congolais, en campagne électorale, avait promis de sanctionner tout de suite, mais des obus, des missiles sol-air et des drones. L’implication des jeunes volontaires « wazalendo » ne suffit pas à endiguer la hardiesse des rebelles rejoints depuis un certain temps par un certain Corneille Nangaa, à la tête de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), le président de la centrale électorale congolaise qui avait géré le processus qui avait rendu possible, en décembre 2018, l’alternance pacifique et civilisée au pouvoir entre l’actuel chef de l’Etat et son prédécesseur honoré aujourd’hui du titre de « sénateur à vie ». Raison de l’entrée en rébellion du prédécesseur de Denis Kadima : le fait que la famille présidentielle lui ait arraché ses carrés miniers. Même les mercenaires recrutés par Kinshasa se révèleront n’être que, selon l’expression de notre confrère Jean-Marie Kassamba, patron de Télé 50 très suivie dans le pays, « des mercenaires de boîtes de nuit… ».
A l’évidence, Kinshasa, à l’heure actuelle, ne semble pas faire le poids ; ni militairement, encore moins diplomatiquement. Le Rwanda, qui a reçu dernièrement la visite du chef de l’armée algérienne après la réaffirmation des engagements pris par la Pologne, vient de signer avec l’Union européenne un accord portant sur l’exportation de minerais que le pays ne produit pas. Du moins pas encore. On ne sait jamais.
Réduit à l’option de la négociation avec…Paul Kagamé, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, qui en a accepté le principe en début de semaine à Luanda, se retrouve aujourd’hui très en difficulté face à son opinion publique qui ne jure que par la fermeté dans la gestion de ce volet sécuritaire de l’est du pays.
N’est-ce pas justement sur ce terrain que le président congolais, fraîchement réélu, se savait à nouveau attendu ? Lui qui, pendant la dernière campagne électorale, avait prévenu qu’à…« la moindre escarmouche… », Kigali allait voir ce qu’il allait voir. Or, depuis la confirmation de sa victoire électorale, d’ailleurs mollement contestée, le Rwanda et ses supplétifs ne se contentent pas de tirer des escarmouches sur Saké et Goma, ils y font larguer bombes et obus. Plutôt tranquillement…en attendant que le président « Fatshi Béton », avec sa majorité de gouvernement imparable, aille s’installer en commandant suprême des armées à Goma ou à Béni comme il l’avait promis à l’entame de son premier mandat il y a cinq ans…
Sylvanal Békan