Ancien chroniqueur sportif à la RTGI-radio, ancien Conseiller membre du Conseil national de la communication (CNC), et ancien Conseiller politique du président du Sénat, le défunt Georges Rawiri. Marc Elie Biyoghe est aujourd’hui à la tête d’un Collectif des anciens conseiller membres du CNC qui peinent à obtenir leurs droits à une pension de retraite. Il nous a dit son dépit face à la manière dont le gouvernement traite ces notables de la République…
Mingo : Marc Elie Biyoghe, bonjour !
Marc Elie Biyoghe : Bonjour !
Vous n’êtes plus à présenter. Notable de la République et de la communauté fang du Moyen-Ogooué, ancien chroniqueur sportif à la RTG-radio (aujourd’hui Radio Gabon), ancien conseiller membre du CNC et ancien conseiller politique du premier président du Sénat, Georges Rawiri, aujourd’hui le temps est venu de faire valoir vos droits à la retraite. Sauf qu’il y a comme un malentendu ou une indifférence du gouvernement concernant la question de votre mise en retraite. De quoi ça retourne ?
Merci d’avoir pensé à nous puisque je suis ici pour parler au nom de mes collègues anciens conseillers membres du Conseil national de la Communication, car c’est le sujet qui nous tient le plus à cœur.
Vous l’avez si bien dit. Personnellement j’ai été conseiller membre au CNC dix (10) ans durant. J’ai terminé comme conseiller politique du président du Sénat. Je suis à la retraite parce que j’ai fait mon temps. Mais ici je parle au nom de tous mes collègues du CNC qui m’ont fait l’honneur de parler au nom de nous tous. Vous savez, la vie et surtout le vivre-ensemble sont caractérisés par une série de lois. Ce sont des normes qui nous permettent de vivre dans la fraternité, mot qui figure bien dans notre hymne nationale.
Il y a un texte qui a régi le CNC. Le président de la République, El hadj Omar Bongo, paix à son âme, a promulgué des lois, dont cette loi qui nous accorde une pension de retraite spéciale pour les anciens membres du CNC ayant fait au moins un mandat. Ce texte est clair. Et dans la configuration de l’Etat, il y a la présidence de la République que nous devons considérer comme le cœur de la sagesse. La sagesse qui conçoit tout ce qui doit se faire. Le rôle du gouvernement c’est de donner la force et doit conduire tout ce qui est décidé à la présidence de la République. Cette loi qui nous confère le droit à une pension spéciale est là, promulguée depuis l’an 2004. A l’époque, nous étions encore en fonction. Nous sommes partis, pour la plupart, en 2007. Nous pensions dans notre naïveté que le gouvernement allait mettre tout de suite en mouvement l’exécution de cette loi. Malheureusement, nous avons attendu longtemps, trop longtemps et rien n’a été fait.
C’est ainsi qu’en 2013, une délégation de nos collègues va porter plainte à la Cour constitutionnelle, qui est l’institution chargée de la régulation du fonctionnement de toutes les autres institutions. Une audience a été tenue où le gouvernement était représenté via le conseiller juridique du Premier ministre. Après avoir entendu les arguments des uns et des autres, la Cour constitutionnelle a décidé, je dis bien a décidé et non donné un avis. Elle a décidé que, jusqu’à présent, le gouvernement, ne nous ayant pas donné l’occasion de toucher notre prime de retraite, était dans l’injustice, parce que c’est une discrimination. Je crois que nous ne faisons pas attention aux symboles de notre pays. Visons la devise de notre pays : « Union-Travail-Justice ». Où est la justice dans ce qui nous arrive et que je viens de relever ? Des notables de la République qui sont traités comme des moins que rien ! Le gouvernement, ampliataire de la décision de la Cour constitutionnelle, ne l’exécute pas. Cela veut dire quoi ? Est-ce que je dois conclure que le gouvernement défie la Cour constitutionnelle ? Cette situation est gênante, mais tout peut arriver dans la vie. Je considère aussi que tout n’est pas parfait dans la vie. C’est certainement un oubli de la part du gouvernement. Si tel en est le cas, je voudrais ici solliciter sa bienveillance et le prier de revenir sur le droit. Tout le monde s’accorde et à dire que les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans recours et exécutoires. Pourquoi le gouvernement refuserait-il d’exécuter cette décision de la Cour constitutionnelle ?
Voulez-vous nous dire que de mars 2013, date du rendu de la Cour, à nos jours, huit (8) ans après, les différents gouvernements qui se sont succédé font le mort ?
Ils font le mort. Maintenant, pour les réveiller, j’ai reconstitué le dossier, quand bien même le gouvernement le détiendrait, car il en est ampliataire de la décision de la Cour constitutionnelle. Le président de la République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat sont ampliataires de cette décision. Je ne veux pas parler du Parlement qui est chargé de contrôler l’action du gouvernement, puisqu’il a reçu cette décision, et sachant que trois mois après notification de celle-ci, le gouvernement doit rentrer dans les pénalités. Mais le Parlement n’a jamais demandé des comptes au gouvernement pour savoir si cette décision a connu un début d’exécution. C’est pour cela que les collègues et moi, nous nous sommes réunis pour dire on va essayer de faire quelque chose pour réveiller l’attention du gouvernement. Personnellement je me suis rendu à la primature pour déposer le même dossier en sollicitant bien, je le répète, la bienveillance du gouvernement.
Il est triste de constater aujourd’hui que beaucoup de nos collègues sont décédés et la loi dit que ceux qui sont décédés avant d’avoir touché cette pension de retraite, leurs héritiers n’auront droit à rien. Mesdames et messieurs les membres du gouvernement, pensez à ceux qui ont servi dignement la République. Je pense personnellement à Madame Okoumba Agathe, qui vient de partir. J’ai vu, au soir de la veillée chez elle, il n’y avait pas de place pour mettre le pied, car trop de monde. Se sont-ils souvenus des conditions dans lesquelles Madame Okoumba a terminé sa vie ? Ces démarches, nous les avons commencées ensemble. J’allais souvent chez elle. Ce qu’elle me disait était émouvant, car à son âge (doyenne de notre promotion), tous les jours, elle devait prendre ses médicaments. La même chose pour nous autres. Des collègues comme Fidèle Etchenda sont partis, Richard Nguema Bekale, Jean-Bernard Saulnerond-Mapangou, Richard Moubouyi, Charles-Noël Bourdette, Ismaël Abouna… Tout ce monde est parti. Leurs ayant-droit n’auront droit à rien.
Ce que vous dites-là est profond, pour ne pas dire émouvant, et, à la limite, relève du cynisme de la part du gouvernement. Au regard de vos âges avancés, n’avez-vous pas l’impression qu’avec vous le gouvernement joue la montre en laissant la nature solder elle-même votre dossier comme c’est le cas de vos collègues que vous venez de citer ?
C’est un comportement très dangereux. Nous devons comprendre que la vie est régie par des lois. Je parle là de la loi et de la justice des hommes. Il y a une autre justice. Elle est divine. Elle est lente, immanente et implacable. Vous avez accepté des fonctions que vous ne voulez pas assumer. Mais cela est grave. Nous devons faire attention à tout ce que nous avons autour de nous. Il y a des symboles comme celui dans notre pays de la maternité allaitant. Il signifie que nous sommes d’un même pays, nourris par une même mère. Qui a plus de sentiments envers un enfant que sa mère ? Elle est le plus sûr des parents. Cela me réjouit d’autant plus que le Premier ministre du Gabon en ce moment est une femme, donc une mère. Qu’elle pense à nous ! Qu’elle se présente comme une maman qui a devant elle des enfants en détresse. Au moment où je vous parle, certains de nos collègues sont très malades. Je ne vais pas citer leurs noms, mais vous comprenez. Nous ne demandons plus du travail ou de l’aumône, même si, en ce qui me concerne, ma mémoire ne me fait pas encore défaut. Nous demandons juste que la justice soit respectée. Il s’agit juste de prendre une loi qui dit que ‘’par rapport à ce que vous touchiez lorsque vous étiez au CNC et au regard de ce qui vous était prélevé pour votre retraite, on vous donne un pourcentage de tant ». Et la Cour constitutionnelle a dit au gouvernement de faire comme pour les autres institutions. Ce n’est donc pas une spécificité du CNC. Nous sommes une seule République. Nous ne sommes même plus une vingtaine encore en vie. Les autres institutions ont leurs primes de retraite. A moins qu’on pense que dans ce pays les communicateurs sont des moins que rien. J’avoue que j’ai cette petite idée, d’autant plus que, pendant la Conférence nationale, deux institutions ont été créées en connaissance de cause : la Cour constitutionnelle et le Conseil national de la communication. Pour des raisons que j’ignore, le Conseil national de la communication est sorti du cercle des institutions constitutionnelles. J’ai honte, car du temps où je siégeais au CNC, j’ai vu des responsables d’autres pays africains venir ici à Libreville pour solliciter notre exemple. J’ai été dans certains de ces pays qui se glorifiaient d’avoir épousé notre exemple. Voilà que, quelques années plus tard, nous-mêmes nous disons non, ce n’était pas bon, nous nous sommes trompés, on change. Finalement qu’est-ce que nous voulons ?
Nous voulons que le gouvernement de ce pays fasse respecter, en ce qui nous concerne, une loi promulguée par le chef de l’Etat, confirmée par la Cour constitutionnelle. Sinon, sur qui devons-nous faire confiance pour essayer d’espérer vivre ? Ayons un cœur d’homme ! Faisons tout pour que nous vivions en toute fraternité. L’injustice crée le désordre et le désordre ne favorise pas le développement. Le développement doit être quelque chose de communautaire, sinon le gage de la paix. Nous avons aujourd’hui un certain âge. Je précise que nous ne sommes pas nés vieux. Nous sommes nés enfants, nous avons connu notre jeunesse et nous avons travaillé. Nous avons vieilli et nous avons droit au repos. Qu’on nous donne ce que nous méritons !
Marc Elie Biyoghe, Merci !
C’est moi qui vous remercie.