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Interview de Marc Ona Essangui : « A chaque fois, il y a toujours une phase qui détermine l’échec de ces rencontres »

Au moment où vient de se clôturer le week-end dernier, le sommet de la Cop 27 à Sharm El-Sheikh en Egypte, nous nous sommes rapprochés de Marc Ona Essangui, responsable de Brainforest au Gabon. Il nous explique son absence lors de ce sommet et jette u regard froid dans le marché de dupes que constitue les sommets sur l’environnement et le manque d’engagement des pays développé. Tout comme il critique la frilosité des pays africains…

Mingoexpress : Marc Ona bonjour. Il se tient en ce moment en Egypte, le sommet de la Cop 27. Brentforest n’y est pas présent. Comment justifiez-vous votre absence ?

Marc Ona : Merci pour la question. Cette conférence des Nations-Unies sur le climat a été initiée, il y a longtemps. Nous sommes à la 27è conférence des Nations-Unies sur le climat. C’est parce qu’il y a une convention des Nation-Unies sur le climat, que cette réunion se tient. Elle se tient pour mobiliser non seulement les partenaires financiers, mais aussi les Etats. Les Etats dits bailleurs de fonds des Nations-Unies, des ONGs, la société civile etc. Tout le monde se retrouve pendant la Cop, pour non seulement définir les stratégies afin de venir à bout des problèmes climatiques, car c’est la Convention des Nations-Unies qui est à l’origine de cette rencontre. Nous sommes à la 27è, mais quand vous regardez, à la fin de chaque rencontre, il y a un communiqué final qui ressemble à chaque fois, à celui des observateurs internationaux qui viennent observer les élections en Afrique. Ces derniers disent : « Les élections se sont bien passées, malgré quelques insuffisances qui ne remettent pas en cause la crédibilité de ces élections. »
La Cop s’est réunie, il y a eu des avancées, mais les grande puissances ne sont pas tombées d’accord sur les engagements généraux par rapport à tel ou tel problème. Autrement dit, à chaque fois, il y a toujours une phase qui détermine l’échec de ces rencontres. Entre-temps, quand vous regardez la mobilisation des moyens, notamment des moyens financiers, matériels et humains, mais c’est colossale. Sauf que tous les deux ans, vous avez cette Cop. Alors à quoi servent ces Cop, si le minimum en termes de résolution des problèmes liés au changement climatique, si ce minimum n’est même pas sur la table. Je vous prends un exemple très simple. Il est question de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Les uns et les autres ont pris des engagements pour venir à bout de ces émissions. Le seuil de 1,5° a été arrêté. Le seuil de 100 milliards de dollars par an a été arrêté il y a longtemps. Et ce seuil a encore été déterminé à Glasgow, il y a deux ans. Aujourd’hui, nous sommes en Egypte, mais je ne sais pas si on a atteint ne fusse que la moitié de ces montants qui devraient servir à venir à bout des changements climatiques. Ça c’est le côté financier.
Quelle est l’attitude des grandes puissances, les grands pollueurs comme on les appelle. Vous avez d’un côté les Etats-Unis et de l’autre la Chine qui sont les deux principaux, auxquels on peut ajouter l’Inde, la Russie et bien d’autres. Malheureusement, on se retrouve dans une situation où personne ne veut reculer. Ni les Etats-Unis, ni la Chine encore moins l’Inde et la Russie. Ils sont dans leur course à la croissance économique, course au développement. Personne n’accepterait d’être devancé par une autre puissance. Mais pendant ce temps on demande à chacun de faire des efforts de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela veut tout simplement dire, leur demander à chacun de réduire ses ambitions pour plus de croissance. Mais qui est capable de cela ?
Sauf que pour venir à bout de cette problématique, on demande à l’Afrique de mettre sous cloche, ses matières premières. A savoir la forêt. En contrepartie, on va vous financer pour que vous ne puissiez plus exploiter vos forêts, car ce sont vos forêts qui vont absorber tout le gaz carbonique que nous émettons dans l’atmosphère. Si ce n’est pas un marché de dupes, alors c’est tout comme. Non seulement c’est un marché de dupes, mais c’est irréalisable.
On parle aujourd’hui des énergies fossiles qu’il faut supprimer, à savoir le gaz, le pétrole et d’autres ressources naturelles qui sont exploitées et qui polluent. Si on opte pour les voitures électriques par exemple, on devra fabriquer des batteries pour les faire fonctionner. Si on supprime l’exploitation pétrolière, mais les alliages, car le pétrole, ce n’est pas que les lubrifiants ou les huiles, encore moins le carburant qui fait fonctionner les véhicules. Le pétrole entre aussi dans la fabrication des alliages en plastique. Il y a même le textile dans le pétrole. Pensez-vous qu’il est réaliste d’arrêter dans bientôt, l’exploitation des énergies fossiles ? Je ne le pense pas. Ce sont plutôt des opérations de communication qui n’ont pas d’avenir. Mais plus on le dit, plus les grands pollueurs font leur boulot. Et plus les gaz à effet de serre ne font qu’augmenter et plus la température de la terre augmente. Nous sommes là sur un terrain où il n’y a pas de solution, car personne ne veut lâcher prise.
Ce que moi j’observe, c’est que les africains sont toujours en train de tendre la main, jouant aux mendiants internationaux dans cette problématique, alors que nous sommes au cœur du problème. Prenons le cas des énergies, l’Afrique dispose d’un potentiel énorme en soleil. Vous avez le Sahel, nous en Afrique centrale, le potentiel en termes de soleil est énorme. Pourquoi ne pas développer la technologie en termes d’énergie solaire afin d’abandonner les énergies fossiles ?
Le Gabon a un réseau hydrographique l’un des plus dense en Afrique. On a appris cela à l’école. Pourquoi ne pas utiliser cette force hydrographique pour ériger dans chaque village, des micro-barrages ? Dans l’arrière-pays, les populations sont obligées d’acheter des groupes électrogènes par manque d’électricité. Même la SEEG utilisent des groupes électrogènes qui fonctionnent au gasoil à l’intérieur du pays. Or, des groupes fonctionnent avec du fuel, du gasoil. C’est ce gasoil aujourd’hui, qui est à l’origine d’une bonne partie des émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi stratégiquement, on ne va pas jusqu’à retirer ces groupes électrogènes, les remplacer par des micro-barrages qui sont non seulement propres, mais beaucoup plus silencieux. En réalité, personne ne veut perdre son business ; Les fabricants des groupes électrogènes se font de l’argent avec. Ceux qui exploitent le pétrole ou le gaz, gagnent de l’argent avec. Aujourd’hui, on se retrouve face aux businessmen où personne ne veut lâcher son business. On parle du climat, mais pour les businessmen, c’est du virtuel. Ce qui est palpable et réel, ce sont les espèces sonnantes que l’on gagne dans l’exploitation de ces ressources.
La plupart des minerais qui ont fait des Etats-Unis la première puissance viennent de l’Afrique. La Chine aujourd’hui, se tourne vers l’Afrique pour exploiter toutes les ressources qui feront d’elle, le pays le plus puissant du monde. La Russie c’est pareille. Pourquoi ces grandes puissances se déversent en Afrique ? Parce que c’est le berceau des ressources naturelles. Mais le continent africain qui détient et produit toutes ces ressources convoitées par les grandes puissances, est malheureusement le continent le plus pauvres. Alors qu’il aurait dû être le plus puissant. Soixante ans après, on n’est pas capable de transformer nos ressources pour être aussi puissant que les autres qui sont en train de devenir très puissant avec nos ressources.

Le sommet de Paris avait suscité beaucoup d’espoir, notamment en Afrique. Qu’est-ce qui a fait que ces conclusions deviennent une chimère ?

C’est ce que je vous ai dit au début, à savoir que personne ne veut lâcher prise. Personne ne veut accepter d’être la dernière roue du carrosse. Pensez-vous que les Etats-Unis vont arrêter de produire parce que la Chine est en train de les talonner ? Cela vaut pour la Chine ou la Russie qui sont des grands pollueurs. Ils sont des grands pollueurs parce que leur économie est tellement puissante qu’ils ne font que développer des industries polluantes.
Le grand débat est porté sur l’Afrique, parce qu’elle détient, non seulement le potentiel énergétique du monde d’aujourd’hui, en termes de pétrole, de gaz, d’uranium et bien d’autres en termes de matières première. L’Afrique détient l’un des poumons de l’humanité, les forêts du bassin du Congo. L’Afrique détient le soleil, elle a un fort réseau hydrographique. Elle a donc tout ce qu’il faut pour se développer. Sauf que les pays occidentaux, l’Asie et l’Amérique, ayant épuisé toutes leurs ressources, ils viennent donc se servir en Afrique. Aujourd’hui, s’ils continuent à se servir en Afrique pour développer leur pays, leur continent, l’Afrique aussi va se vider. Conséquence, il n’y aura plus de bouclier contre ce qu’on essaie d’éviter, à savoir les rayonnements ultra-violet. Et par conséquent, il faut que l’Afrique soit ce réservoir de ressources et de forêt, afin que les autres soient sauvés. Mais ce calcul est très mal fait, c’est pour cela que chacun essaie de convoiter l’Afrique.

Marc Ona, merci.

C’est moi !

Propos recueillis par GPA

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