Input your search keywords and press Enter.

La chronique politique de Beauty Nana Bakita Moussavou/Transition gabonaise : Conférence nationale souveraine ou dialogue national ?

Selon le chronogramme du Comité pour la transition et la restauration des institutions, un dialogue national inclusif est envisagé pour se tenir du 1er au 30 avril 2024 pour « dessiner les nouveaux contours politiques et institutionnels » du pays.

Faits historiques

Au Gabon, les dialogues font partie intégrante du processus électoral. En effet, après les phases pré électorale, per électorale et post-électorale, le dialogue politique couronne l’ensemble. Le constat fait montre que les différents dialogues convoqués par Bongo et son clan politique ont permis de négocier leur tranquillité entre deux élections et de se débiner face à leurs propres engagements à respecter les résolutions des dialogues. Les promesses n’engagent pas les Bongo, mais ceux qui les entendent et croient en eux.
Ces dialogues n’ont pas servi qu’à Bongo et son clan. Ils ont aussi permis à l’opposition bidouille et niaise, à la recherche de postes et de prébendes lucratives, d’opérer des revirements spectaculaires, des rapprochements intéressés, motivés et incestueux.
Du 27 mars au 21 avril 1990, une Conférence nationale est convoquée suite à une crise politique de grande ampleur. Omar Bongo Ondimba, du haut de ses « talons-dames », s’opposait de toutes ses forces à la restauration du multipartisme appelé à cor et à cris par la majorité du peuple. Il menaçait de rayer le Gabon du planisphère si on l’y obligeait. A l’épreuve du temps, les pressions populaires finirent par l’emporter sur le récalcitrant Omar Bongo. Le multipartisme tant souhaité est adoptée le 22 mai 1990. Un gouvernement de transition dirigé par Casimir Oye Mba s’ensuivit. Les Gabonais espéraient avoir fait le plus dur. Oh que non ! Car qui a tué tuera toujours. Le secrétaire politique du Parti gabonais du progrès (PGP), Joseph Rendjambé, est assassiné par les sbires du pouvoir PDG (le courant PDG des rénovateurs fut pointé du doigt). Un mort de plus dans l’escarcelle d’Omar Bongo. Il engendra des émeutes sanglantes et horribles à Libreville et à Port-Gentil. L’armée française d’occupation, qui s’en mêla, ne fit pas les choses dans la dentelle. Des massacres à grande échelle eurent lieu à Port-Gentil, ville natale de Joseph Rendjambe, épicentre de la résistance.
Comme il est difficile pour un chien de changer sa manière de s’assoir ! La victoire à l’élection présidentielle de 1993, remportée par le père Mba Abessole dans les urnes, échut à Omar Bongo-des-Plateaux en application du principe du « qui perd gagne » cher à Marie Madeleine Mborantsuo. Bis repetita, les populations remirent ça et la situation n’évolua pas dans la bonne direction.

La digression

Toutes les concertations politiques convoquées par Bongo et ses affidés ne furent que de simples distractions et inutiles digressions. Ils se sont toujours rétractés devant leurs propres engagements à respecter les résolutions des dialogues tenus après chaque victoire volée de 1993 jusqu’à leur chute.
Au terme du dialogue d’Angondjé, par exemple, une commission ad hoc avait été commise à suivre et à évaluer la mise en œuvre des actes du dialogue par le gouvernement d’union nationale qui en a résulté. A l’évaluation, zéro pointé. Hormis la résolution relative au mode d’élection à un tour favorable au candidat du PDG, aucune autre n’a connu un début d’application, suscitant les plaintes de la commission. Tous les tripatouillages de la Constitution répondaient aux caprices du roi, car au Gabon, ce que voulait Bongo, la loi le voulait. Autrement dit, sa volonté et celle de la loi n’étaient pas distinctes.
Cette supercherie issue du laboratoire pédégiste de réflexion sur les mécanismes de la fraude s’est puissamment installée avec le concours bienveillant d’opposants ventro-situationnistes pour assurer une légitimité de pacotille à Bongo, à sa famille et à ses ouailles qui, depuis la restauration du multipartisme en 1990, n’ont pas remporté une quelconque élection. Omar Bongo savait que tous les dialogues par lui convoqués étaient considérés par les Gabonais comme des trêves sociales lui permettant de boucler ses mandats. Une magouille ingénieuse qui consistait à écarter le peuple et ses adversaires politiques de la lutte contre la fraude électorale pour laquelle l’amour de sa vie, Marie Madeleine Mborantsuo, et lui visaient le prix Nobel. Le jeu auquel il s’adonnait avec acharnement, à savoir les différents bidouillages de la Constitution et la corruption des élites politiques, administratives et militaires, orientait son existence et était un moyen efficace de la consolidation de son empire sous les tropiques. Il contribuait au renforcement de sa longévité au pouvoir. Les Bantou ont souvent considéré le dialogue comme une occasion de « laver le linge sale en famille ». Mais Bongo et ses affidés l’ont utilisé comme une arme redoutable au service de la ruse, de la duperie et de la corruption d’une classe politique naïve, taillable et corvéable à souhait.

Un dialogue de plus, un dialogue de trop ?

La doxa enseigne que lorsque les intérêts d’une famille, d’une communauté sont menacés, il est nécessaire que les membres de cette famille ou de cette communauté usent de la voie pacifique de la discussion et de la négociation pour « laver le linge sale en famille » selon les commodités et les usages permettant de restaurer la sérénité du groupe et non d’un individu. De 1990 à 2023, Bongo et ses affidés ont organisé cinq (05) dialogues consécutifs à des élections présidentielles truquées et à des victoires volées. Après chaque parodie, simulacre et farce électorale, ils ont toujours utilisé le même schéma, à savoir frauder aux élections, négocier leur quiétude et se désengager. De ces cinq (05) dialogues, le linge lavé n’est toujours pas propre, toujours sale. Et pour cause, la sérénité ne peut point exister entre deux caractères que la nature a formés l’un à l’autre contraires.
Obnubilé par le souci de la confiscation du pouvoir, Bongo et ses affidés faisaient du dialogue et de la négociation des instruments pour démontrer leurs capacités de ruse, de roublardise et de duperie. Ceux qui ont décidé de discuter, même avec le démon pour les intérêts vitaux du pays, en sont sortis groggy, assommés par des mensonges et duperies à répétition. Et, jusqu’à ce jour, le linge est toujours sale, de plus en plus sale. Pour preuve, la démocratie et l’Etat de droit tant espérés se trouvent toujours au stade de balbutiement.
Les accords post-électoraux de Paris, tenus du 5 au 27 septembre 1994, avaient pourtant accouché de bonnes résolutions, lesquelles, comme à l’accoutumée, furent sacrifiées par le souverain Omar Bongo sur l’autel de l’égoïsme pour la possession et la confiscation du pouvoir. Le référendum qu’il organisa et finança à coup de millions de Fcfa pour valider lesdites résolutions ne fut, comme à son habitude, qu’un alibi de plus lui permettant d’assurer la tranquillité de son sommeil en attendant le prochain scénario, le prochain chapitre. Le référendum connut pourtant un engouement populaire avec un taux de participation de 63,45 % et d’adhésion massive de 96,40 %.

Conférence nationale souveraine et inclusive

Comme dit plus haut, une Conférence nationale s’était tenue à Libreville du 27 mars au 21 avril. Au cours de celle-ci, le Front uni des associations et partis politiques de l’opposition (Fuapo) ferrailla dur afin de lui donner un caractère souverain. Le Fuapo voulut conférer une suprématie aux décisions qui y seront prises et leur donner un caractère immédiatement exécutoire. Ce à quoi le roublard Bongo et ses ouailles n’accédèrent pas. Le Fuapo ferrailla dur aussi pour s’opposer à la mise en place du Rassemblement social démocrate du Gabon (RSDG), sorte de laboratoire de l’apprentissage la démocratie. Un subterfuge, une trouvaille de plus pour retarder la restauration du multipartisme. Bongo et son ami venu tout droit de France, logé et blanchi par ses soins, échouèrent. Dans leurs calculs et velléités méphistophéliques, ils se cantonnèrent à l’idée d’un forum non souverain et les recommandations qui y ont résulté subirent la loi de l’application sélective. Elles moururent de leur propre mort. La ruse et la roublardise étaient passées par là. Le chef du PDG, El Hadj Omar Bongo, les considéra comme de simples « recommandations et non des injonctions ».
Selon le chronogramme du CTRI, un dialogue national inclusif est prévu pour être tenu du 1er au 30 avril 2024. Cette grande messe se doit d’être une conférence nationale souveraine et non un dialogue inclusif. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le risque de tomber dans les mêmes travers est grand. Si nous ne crions gare, l’objectif de « dessiner les nouveaux contours politiques et institutionnels » ne sera pas atteint. La raison, les pédégistes, en grande partie responsables des problèmes qu’endurent les Gabonais, écument en majorité les institutions de la transition gabonaise. Il sera difficile de réaliser une quelconque mutation de nos institutions en repartant sur la base des mêmes substrats : la ruse, la roublardise, la duperie, la voyoucratie. C’est pour dire que si le dialogue se déroule sous le format envisagé par le CTRI, le Gabon sortira de là crasseux, couvert de linge sale. C’est ce que nous appelons courir dans un sac.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *