Tous les pouvoirs, tous les gouvernants des Etats du monde font face à toutes sortes de vilenies : critiques, pressions, menaces, trahisons, etcétéra, en provenance de tous les milieux et strates de la société. La détention et l’exercice du pouvoir d’Etat, qu’ils soient légitimes ou pas, font toujours des envieux. La période de transition risque d’être longue parce qu’elle doit permettre aux populations de commencer à savoir ce qui s’est fait, ce qui s’est dit et quels sont les femmes et les hommes qui sont responsables de l’effondrement du Gabon de 2009 à 2023.
Sur les réseaux sociaux circulent actuellement des vidéos et des audios qui répandent des informations, vraies ou divertissantes, qui étaient tenues secrètes sur la gestion de la période qui va de 2018 à 2023 au cours de laquelle Ali Bongo n’était pas au Gabon alors même qu’on le voyait prononçant des discours en août et signant des décrets de nomination.
La transition a été instituée pour, entre autres, éviter un bain de sang à la suite de l’élection présidentielle de 2023 remportée par le Pr Albert Ondo Ossa, tout comme elle doit être l’occasion de dire aux Gabonais l’origine, les acteurs et les exécutants du bain de sang post-électoral de la présidentielle de 2016 au QG du candidat Jean Ping qui l’avait remportée. Le peuple gabonais veut savoir la vérité sur ce qui a été fait et par quels compatriotes au cours de ce que l’on peut baptiser les « années noires des violences et de la honte au Gabon ». Les Gabonais attendent que le CTRI communique sur la durée et le contenu du programme complet de la transition. Cela incitera les partis et les personnalités politiques à préparer la sortie de la transition et à s’apprêter à participer aux élections qui seront le « test grandeur nature » pour évaluer la fiabilité des institutions restaurées, notamment l’application des dispositions de la Constitution par la Cour constitutionnelle (CC) et celles du code électoral par le Centre gabonais des élections (CGE). Les modalités et les critères de nomination des membres de ces deux institutions doivent être objectifs, justes, impartiaux, équitables et convaincants.
Le CTRI est un régime d’exception. Cependant, sa charte comporte les mêmes institutions que celles d’un système politique républicain normal, dont un gouvernement, un vice-président, une Cour constitutionnelle, un pouvoir législatif bicaméral où l’on trouve des personnes qui ont voté des lois honnies par la majorité des citoyens. Les missions du CTRI, consacrées par la charte, sont au nombre de huit (8) et se résument à :
1- la refondation de l’Etat ;
2- la préservation de l’intégrité du territoire national ;
3- les réformes politique, économique, culturelle, administrative et électorale ;
4- l’indépendance de la justice ;
5- la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés publiques ;
6- la bonne gouvernance;
7- l’élaboration d’une nouvelle Constitution et son adoption par référendum ;
8- l’organisation des élections locales et nationales libres, démocratiques et transparentes.
De ces 8 missions, seules les missions 7 et 8, auxquelles on peut ajouter le découpage électoral, relèvent directement et totalement d’une transition politique qui est, par essence, circonstancielle, passagère et justifiée par des événements et des faits contextuels. Le reste des missions de la charte, par leur caractère, leur contenu, leur portée et leur consistance, relève de la politique structurelle et durable qui est du ressort de tout pouvoir républicain légalement et légitimement mandaté par le vote démocratique. Il serait judicieux que les organes du CTRI que sont le président, le Conseil national, le gouvernement, le Parlement et la Cour constitutionnelle de la transition s’en tiennent chacun au volet prioritaire de sa mission dans la gestion quotidienne des affaires courantes.
Certaines situations douloureuses subies, qui étaient tenues secrètes pendant des années par leurs victimes, par peur ou par pudeur, commencent à être portées à la connaissance du public ; à l’exemple des audios de Messieurs Wilfried Okoumba et Pierre Claver Maganga Moussavou qui traitent du cas d’Ali Bongo après son AVC, de la mort du Premier ministre Issozet Ngondet, des raisons de l’incarcération de Brice Laccruche Aliangha, de la vaste supercherie de falsification de la signature d’Ali, etc. Des noms sont connus et des procès sont attendus.
Déjà, des juristes ont entrepris d’ester en justice pour demander l’annulation des membres du Parlement de la transition dont la qualité, la répartition et la composition, pour nombre d’observateurs, étaient inadaptées au regard de la configuration des forces vives du pays. Cette requête a été la première épreuve de la Cour constitutionnelle de la transition qui, sans surprise, l’a rejetée ; vraisemblablement pour ne pas rendre, en faveur des requérants, un verdict qui aurait fait jurisprudence et conforté ainsi la propension à recourir à la Cour. Institution à restaurer, la justice doit, en toutes circonstances, demeurer équitable et sans concessions ; en particulier quand elle est appelée à se réapproprier sa vertu volée, violée et outragée.
Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, les autres membres du CTRI et la fraction des compatriotes qui ont reçu et exercent présentement une portion du pouvoir d’Etat doivent grandement être conscients de leurs responsabilités dans l’avenir du Gabon qui est entre leurs mains. Ce pays a encore la réputation d’être la « chasse gardée de la France » dont il faut se méfier. Dans le passé, les militaires français ont tué des soldats gabonais sur le sol gabonais. Le plus emblématique de ces défunts soldats est l’officier Ndo Edou, mort au camp Baraka en février 1964 pour l’honneur au cours d’un violent combat. Patriotes soldats du CTRI, prenez garde et soyez vigilants ! A court, moyen ou long terme, un coup d’Etat peut en cacher un autre. La popularité du général président Oligui Nguema ne doit pas faire de lui une personnalité gênante. Parce que tous les hommes politiques gabonais (et le général est maintenant, de fait, un homme politique) qui ont été populaires et adulés par le peuple ont toujours été victimes de secrètes conspirations et de la loi du plus fort qui sont mortifères…
La proposition de transition politique que j’ai proposée était à l’opposé de celle du CTRI en ce qu’elle devait commencer par un référendum et s’appuyer sur une Constituante en tant qu’institution majeure ; tandis que celle qui est en cours va se terminer par un référendum après la mise en place de cinq (5) organes qui pouvaient être ramenés à deux (2) : le Conseil national de la transition, qui aurait eu à exercer les pouvoirs politique, exécutif et judiciaire, et la Constituante aux attributions législatives pour les rédactions de la nouvelle Constitution, du nouveau code électoral et la réalisation d’un nouveau découpage des circonscription électorales. La réorganisation et l’ajustement d’une société en désordre et en délabrement avancés comme le Gabon, pour réussir, doivent normalement être entrepris par un pouvoir fort qui suscite et impose à la fois le respect, la confiance, l’estime et la crainte ; qui éduque, sensibilise et sanctionne sans provoquer le doute et l’indifférence des citoyens.
Le CTRI doit se montrer juste et impartial envers tous les agents économiques : personnes physiques et morales. Sans cette perception positive, la mobilisation et la participation du peuple gabonais à l’effort de redressement national, engagé par le général président Brice Clotaire Oligui Nguema et le CTRI pour la restauration des institutions, seront sans effets, sans grandeur et sans portée historique.