Une sévère crise financière couronne la crise socioéconomique. Les deux s’imbriquant par une implacable logique à l’interminable crise post présidentielle. Ceux qui disent que « la présidentielle est derrière nous », « que l’économie du Gabon se porte bien » peuvent-ils affirmer que les décisions prises par le gouvernement émergent lors du conseil des ministres du 21 juin sont de simples ajustements passagers ou sont-elles l’aveu officiel et public d’un Etat en situation de total échec. Aux dires des dirigeants, les résolutions issues du séminaire gouvernemental sur « l’équilibre et l’assainissement des finances publiques » organisé du 17 et 18 juin au Cap Estérias vont entrées en application immédiatement.
Voilà que les évènements et les faits, toujours têtus, ramènent progressivement à la réalité les opposants et les responsables gouvernementaux qui pensent que « tout va bien au Gabon ». Non Messieurs et Dames ! « tout ne va pas bien au Gabon ». Au conflit électoral post-présidentiel, qui est toujours d’actualité, s’ajoutent la crise de l’économie nationale caractérisée par la fermeture ou l’arrêt des chantiers et la cessation des activités des entreprises ; et par « le déséquilibre des finances de l’Etat » qui sont dans un état lamentable. Quand un pays est en grandes difficultés économiques et financières, les autorités doivent le reconnaitre et l’annoncer très clairement au pays dans leur communication. C’est ce que le porte-parole de la présidence a tenté de faire lors d’une conférence de presse, en évitant de qualifier la conjoncture socioéconomique de crise et de parler de mesures d’austérité.
Dans les pays francophones noirs en développement, ce sont les masses populaires et les catégories moyennes qui sont les premières victimes des crises politique, économique, financière et sociale qui ont pour principale cause la mauvaise gouvernance des hommes et femmes au pouvoir. La réduction de salaire est une atteinte directe aux budgets familiaux, déjà très déséquilibrés par les hausses continues de prix pratiquées par les commerçants sur les produits alimentaires de consommation quotidienne. C’est dans les tranches des hauts salaires qu’il faut appliquer la décote voulue par le gouvernement. Par un mode de calcul simple, on pourrait se rendre compte qu’une décote sur 1.000 hauts revenus peut être plus bénéfique que sur 2.500 bas salaires et n’est que justice et traductrice de solidarité. En fait, c’est tout le budget de fonctionnement de l’Etat qu’il faut « passer au peigne fin » pour sa réduction ; sans se focaliser sur la contraction de la seule masse salariale qui en est la rubrique la plus pesante et la plus sensible.
La condition sine qua non pour faire accepter aux populations les mesures contraignantes et susciter leur adhésion à un plan d’austérité, c’est d’avoir été bon gestionnaire avant que les difficultés ne surviennent ; c’est d’avoir accompli, en périodes financières favorables les réalisations collectives au profit des citoyens en matière de sécurité sociale, d’emplois, de construction des infrastructures, etc.
L’habituelle banale explication qui consiste à dire que la baisse des recettes pétrolières et celle du cours du dollar sont les causes des crises économiques des pays pétroliers est devenue un lieu commun, un non sens. La gestion d’un Etat se complique quand ses responsables agissent et traitent l’argent publique avec légèreté et insouciance. Objectivement, le pouvoir émergent est dans une terrible tourmente financière. Ses membres ne se réfèrent que rarement au PSGE dont 9 ans d’exécution n’ont pas permis d’atteindre les résultats partiels escomptés avant terme ; alors que l’opération Mamba a donné et donne des indications sur la mauvaise et frauduleuse utilisation de l’argent public, sans que le mal combattu soit éradiqué. Maintenant que la crise apparait au grand jour et se généralise, l’Etat en sa qualité de puissance et de force publique met en œuvre les moyens dont il dispose pour tenter de renflouer ses caisses. L’ampleur et la nature des mesures préconisées prouvent que la crise, qui n’est pas que financière, est profonde ; et que son traitement doit naturellement intégrer le contentieux post-électoral pour restituer au peuple sa souveraineté et à Ping Jean sa victoire afin de lui permettre, en sa qualité de président de la République chef de l’Etat, d’expérimenter son programme en faveur des populations. Dans la recherche de l’équilibre de ses finances, le gouvernement émergent a d’abord augmenté les prix des produits de consommation de masse de première nécessité tels le carburant et le gaz.
En second lieu, il vient d’annoncer une batterie de mesures allant de la réduction des revenus à celle des effectifs pour baisser la masse salariale. Aussi, les décotes seront appliquées sur les traitements et autres rémunérations. Les effectifs des cabinets du président de la République, du Premier ministre, des ministres, du Secrétariat général du gouvernement et des autres institutions seront réduits. Un audit de la masse salariale sera diligenté. Mais quid de celui qui a été fait au début du premier septennat ?
Quant à la réduction de la taille du gouvernement, elle ne portera pas sur l’équipe actuelle, qui doit d’abord aller aux législatives ( si elles ont lieu) mais au gouvernement post-législatives. Tout cela manque de cohérence… Une Economie est un « système organisé » qui obéi à des modalités de fonctionnement qu’il faut en permanence activer efficacement. Il se dégage de l’économie politique des émergents le sentiment qu’ils veulent restructurer le « traditionnel secteur privé » pour le mettre en évidence et l’inciter à travailler en synergie avec un « secteur parapublic privatisé de type nouveau ». L’ensemble serait ensuite placé sous la tutelle de l’Etat émergent. C’est ainsi que, les capitaux privés étrangers, privés et publics gabonais portés par l’Etat contribueraient à former une épargne mixte locale : source d’enrichissement de la caste politique au pouvoir. La position monopolistique que prend OLAM au Gabon risque de donner aux affaires une forme « économique et entrepreneuriale autarcique » qui faciliterait sa participation à la réalisation de cet objectif de création de la richesse nationale. Cela fait dire aux gouvernants « »… La hausse est préférable à la baisse ; en particulier quand elles concernent les salaires et les promotions professionnelles.
Comment sortir le Gabon de la crise ?
Les difficultés politiques, économiques, financières et sociales gabonaises forment un « bloc de crise » dont le début de solution se trouve dans la reconnaissance de la victoire de Jean Ping et son installation à la direction du Gabon ; et point dans l’organisation des élections législatives, dans la réconciliation nationale ou dans la relance économique prônées par certains citoyens du pouvoir et de l’opposition. Que les gabonais se mobilisent ou pas contre les impopulaires mesures gouvernementales ne changera rien à leurs blessures et douleurs. Que les partis et les personnalités politiques de l’opposition qui sont favorables aux législatives obtiennent ou pas la majorité à l’Assemblée nationale au sortir de l’élection, si elle se tient, ne changera rien à leurs préoccupations.
Les gabonais en majorité veulent l’alternance politique pour en finir avec l’Etat PDG-Bongo-Emergent. Pour ce faire, c’est Ping qu’ils ont choisi et qu’ils attendent. Cette lapalissade doit être répétée parce qu’elle est le nœud gordien de la crise nationale. Depuis l’indépendance, à part quelques épisodes et quelques instantanés, l’histoire de la lutte démocratique du peuple gabonais a rarement été marquée par la violence. Face aux multiples brutalités et agressions policières subies, les gabonais ont souvent répondu par un silence fait à la fois d’indifférence, d’impuissance, de mépris, de révolte et de peur enfouis. Mais, jusques à quand ce silence durera avant de se transformer en bruit ?
Au Gabon, les familles des chômeurs sont plus nombreuses que celles des agents de l’Etat touchés par la réduction des revenus ; même si par ricochet, elles sont concernées par solidarité et partage coutumiers. Rassembler les gabonais, fonctionnaires et chômeurs, par un mouvement de masse pour faire reculer le pouvoir sur sa décision de baisser les revenus nécessite du courage. Pour de multiples raisons dont le grand endettement, l’indiscipline et la mauvaise gestion, les agressions politiques, les actes illégaux et anti sociaux, les promesses non tenues, la méchanceté… le gouvernement du pouvoir émergent ne pourra jamais élaborer et mettre en œuvre avec succès un plan de relance économique (PRE) qui exige rigueur, compétence et effort au travail. Il est temps de changer radicalement la gouvernance du pays. Dans le contexte actuel, si un gabonais téméraire est tenté de prendre le pouvoir par la force, la ruse ou la perfidie ; qu’il se prépare à affronter le rejet du peuple qui attend son élu de 2016. Ce n’est nullement par hasard que Jean Ping a été choisi par les gabonaises et les gabonais. C’est que l’homme inspire confiance, il n’est ni extrémiste, ni agité mais déterminé et respectueux de ses engagements politiques. Il se dégage de lui ce trait de caractère que seul le nombre d’années vécues donne et que l’on nomme communément sagesse.
Le Gabon a aujourd’hui besoin d’un chef expérimenté, calme, posé, pondéré, à l’abri des juvéniles jouissances et des vulgaires distractions et divertissements. Quel qu’il soit, tout problème a toujours une solution. Cette dernière doit se fonder essentiellement sur la justice et la vérité. Si certains compatriotes par individualisme ou guidés par des intérêts égoïstes font des détours ou tournent en rond pour proposer des solutions à la dégradation du Gabon ; d’autres, les défenseurs des valeurs et des principes savent que la résolution des problèmes actuels commence par le respect de la volonté du peuple qui a longtemps été moquée. Sans cela, le pays sera longtemps bloqué.
Le dialogue politique, la réconciliation nationale, les législatives élargies à 143 sièges ne sont pas et ne seront jamais ni des débuts de solution, ni des solutions ; mais des fumisteries ou des expédients portés par quelques politiciens opportunistes et démagogues. La nature et l’ampleur des mesures drastiques prises par l’Etat pour faire face aux difficultés financières du pays dictent qu’une nouvelle gouvernance soit rapidement initiée, sous peine de vivre un naufrage qui entrainerait la quasi-totalité de la population ; les émergents compris. Il est à la fois compréhensible, pathétique et surprenant de constater que les faucons du régime PDG-Emergent et de l’AJEV qui affirment aimer leur pays ne parviennent pas à la conclusion qu’ils « doivent lâcher prise » parce qu’ils n’ont pas la capacité de redresser la situation socioéconomique et politique du Gabon.
Le changement à venir de ce régime doit se faire tranquillement, sans heurts, sans haine et passion, sans esprit de vengeance, sans crainte et en confiance. Si des groupes recourent à la violence armée, ils se rendront responsables de la débâcle qui pourrait s’ensuivre. La violence, la vraie est aveugle et n’épargne jamais personne ; surtout pas ceux qui en sont les détonateurs.