A la fin de l’année 2019, la population mondiale découvre avec stupeur la pandémie du Coronavirus (Covid-19) en provenance de Chine, considérée dès lors comme le foyer originel de cette maladie. Les conséquences médicales de cette pandémie sont immédiates et sans appel en raison notamment de sa contagiosité qui impose aux différents gouvernants de prendre des mesures urgentes pour limiter sa propagation. Les mesures les plus significatives sont le port du masque obligatoire dans tous les lieux publics, la distanciation sociale/physique, le lavage systématique des mains, etc.
Sur le plan social, la plupart des gouvernements mettent en place des confinements (total ou partiel) et des couvre-feu qui ont pour incidence première la privation de certaines libertés fondamentales (liberté d’aller et de venir ; liberté d’exercer une activité génératrice de revenus, etc.). Les principaux domaines du vivre ensemble sont impactés : éducation (fermeture des écoles), santé (hôpitaux débordés), économie (chômage et précarité sociale). Dans ce chaos annoncé, le Gabon n’est pas en marge. En effet, dès le 15 mars 2020, soit quelques jours seulement après la déclaration du patient zéro dans notre pays, les autorités politico-administratives décident d’appliquer en grande partie les mêmes mesures prises à l’échelle internationale comme le confinement de la population, le couvre-feu et la limitation des activités aux seules activités jugées essentielles.
Face à cette maladie, les réactions des Gabonais sont plutôt contrastées malgré la mise en place du Copil et les différentes conférences de presse organisées pour instruire les populations sur les dangers du Coronavirus. Il faut croire que l’appareillage communicationnel élaboré peine véritablement à susciter l’adhésion populaire, car la population gabonaise reste, en grande partie et ce quel que soit le milieu social, partagée entre le déni de la maladie, la croyance aux traitements traditionnels et la méconnaissance ou la négligence des traitements de la médecine moderne.
L’arrivée des vaccins entre méfiance et défiance
C’est dans un contexte de méfiance, voire de défiance (le concert des casseroles au Gabon en est un exemple) que, quelques mois après l’apparition de la maladie, les spécialistes annoncent non seulement l’arrivée de nouvelles vagues, mais aussi de nouveaux « variants » plus contagieux et plus dangereux. Il s’agit notamment des variants britannique, brésilien et sud-africain. Ces annonces ont pour effet l’affaiblissement moral d’une population dont la santé psychologique est déjà en berne et dont l’espoir d’un remède à cette pandémie s’éloigne continuellement. Les efforts de recherche impulsés par les firmes pharmaceutiques, dès le début de la pandémie, ont pour résultat le développement de vaccins. Les premiers à se signaler sur le terrain vaccinal sont les Américains (Pfizer, Moderna, Johnson & Johnson) et les Russes (Spoutnik V), suivis des Chinois (Sinopharm, Sinovac), des Européens (AstraZeneca ou Vaxzevria), des Cubains (Soberana, Adbala), des Indiens (Covaxin) et même des Iraniens (Razi Cov Pars) qui développent des vaccins aux noms parfois rébarbatifs.
L’annonce de la découverte de ces vaccins pour lesquels les étapes d’expérimentation n’ont pas été respectées et les précautions de pharmacovigilance pas totalement maitrisées crée une polémique dans différents pays, mais surtout dans les pays en voie de développement qui ne disposent pas de laboratoires capables d’intégrer le marché mondial de la production des vaccins contre la Covid-19. Cette polémique prend appui notamment sur les enjeux géopolitiques internationaux et nationaux.
Sur le plan national, les populations gabonaises se méfient des choix médicaux et stratégiques des autorités. En effet, pourquoi un vaccin chinois, de surcroît gratuit, alors que le protocole de traitement est essentiellement français (Chloroquine, Azithromycine, vitamine C et zinc) ? La crise morale, dans laquelle est engluée la société gabonaise depuis un quart de siècle, n’est pas de nature à rassurer les Gabonais quant au choix des autorités.
Sur le plan international le clivage, nord-sud sur la question du vaccin est réel, car les populations africaines considèrent que l’avènement de cette pandémie est lié, entre autres, au programme de la Fondation Bill Gates sur la réduction de la population mondiale dont le taux d’accroissement, particulièrement en Afrique, semble inquiéter au regard des enjeux climatiques. Cette théorie du complot visant à créer un virus pour anéantir la croissance démographique en Afrique se trouve confortée par le discours du président français, Emmanuel Macron, prononcé en novembre 2017 à Ouagadougou devant les étudiants et les autorités burkinabè dans lequel il considère clairement la limitation des naissances comme enjeu véritable du développement. Il y a, en plus de ces stratagèmes géopolitiques, des enjeux économiques soutenus par des firmes pharmaceutiques occidentales qui font du Coronavirus un business lucratif.
Choix du vaccin et zones d’ombre au Gabon
Lorsqu’aux mois de janvier-février 2021, les autorités gabonaises annoncent l’utilisation du vaccin chinois Sinopharm pour lutter en profondeur contre la pandémie, la suspicion grandit et la crise de confiance se cristallise. Dès lors, des questions légitimes sont émises : sur quel variant ce vaccin agit-il ? Ce vaccin a-t-il un effet immunisant ? Ce vaccin a-t-il un effet de non contagion ? Quels en sont les effets secondaires ? Quelles sont les mesures prises en termes de pharmacovigilance ? Ces questions trouvent quelques réponses dans les interventions de spécialistes (biologistes, immunologues, épidémiologistes…), mais ces réponses ne sont pas rassurantes. Le doute croissant de la population s’oppose au lancement même de la campagne de vaccination et des réticences se font entendre.
Les interventions de la société civile (Dynamique unitaire) ont interpellé le gouvernement sur le caractère volontaire de la vaccination en rappelant des dispositions juridiques qui interdisent de contraindre un citoyen à l’administration d’un traitement. A travers les réseaux sociaux, des voix dans la diaspora se sont même fait entendre pour appeler à un refus de la vaccination, considérant que les Africains et, singulièrement, les Gabonais seraient utilisés comme cobayes pour des vaccins en phase d’expérimentation. Ces réserves ont amené le gouvernement à développer un discours plus conciliant à travers la rhétorique du « consentement éclairé ». A ce jour, le chef de l’Etat et quelques membres du gouvernement, par devoir d’exemplarité, se sont fait « vacciner ». On compte aussi quelques « volontaires » qui ont reçu la première dose du vaccin chinois Sinopharm. Parmi les premiers candidats au vaccin, une certaine presse indique déjà le décès d’un compatriote dont l’organisme n’aurait pas supporté les composantes du vaccin qui, il faut le signaler, n’a pas encore reçu toutes les homologations des instances habilitées. Toute chose qui ne concourt pas à rassurer l’opinion sur le bien-fondé de se faire vacciner.
De ce fait, sur le plan social, la population attend des réponses concrètes face au défi de la vaccination. Les questions sont multiples :
1. la vaccination fera-t-elle stopper le port du masque ?
2. la vaccination fera-t-elle reprendre aussitôt une vie normale dans les lieux de rencontre sans protocole Covid ?
3. la vaccination rend-elle résistant à la Covid-19 ?
4. la vaccination arrête-t-elle la contagion ?
5. combien de temps durera le vaccin ?
6. le vaccin ne tuera-t-il pas ?
7. statistiquement, le virus ne tuant pas (taux de survie de 99,7 %), pourquoi se faire vacciner ?
8. la vaccination protègera-t-elle à 100 % les personnes avec lesquelles on est en contact ?
9. quel est le modèle de gestion des réactions indésirables graves, des effets à long terme (encore inconnus) ou bien si on meurt du vaccin, la famille sera-t-elle indemnisée ?
10. la vaccination arrête-t-elle la distanciation sociale ?
11. si toute la famille (parents, enfants, grands-parents…) est vaccinée, peut-elle s’étreindre à nouveau ?
12. après la vaccination, est-il possible de contracter à nouveau la Covid-19 ?
Les réponses à toutes ces questions ne sont pas toujours claires, nettes et précises. Le début de cette campagne de vaccination ne rencontre pas un engouement réel. La communication gouvernementale ne trouve pas encore un écho très favorable dans la population pour de nombreuses raisons liées aux facteurs endogènes et exogènes. Quels sont les facteurs de résistance endogènes et exogènes à la vaccination au Gabon ? Quel est le point de vue des laïcs catholiques du MCR ? Quelle est la position des catholiques ? (clergé et laïcs) ?
Vaccination et traitements médicamenteux : quelle voie prioriser ?
Le débat autour du vaccin pose surtout un problème de conscience, de morale et d’éthique. Les explications médicales et scientifiques, qui ne font pas encore l’unanimité (variables d’une source à une autre), ne participent pas à rassurer la population. D’autant plus que la nouvelle technologie (ARN) utilisée pour la plupart des vaccins en circulation suscite de nombreuses critiques et la fiche de consentement signée par le candidat au vaccin, au Gabon par exemple, dégage la responsabilité de l’Etat en cas de complication sanitaire post-vaccin. Dans le même temps, le questionnaire à remplir par chaque candidat au vaccin signale des contre-indications pour tout sujet désireux de s’inscrire dans un projet de procréation à court ou moyen termes.
Le scepticisme est entretenu par l’environnement géopolitique mondial. Les Occidentaux ne font pas confiance aux vaccins russe et chinois pourtant homologués par l’OMS. Pour preuve, ils n’ont validé que les vaccins élaborés dans les laboratoires occidentaux. Le vaccin chinois est envoyé en Afrique gratuitement. Dans quel but ? Tous ces vaccins sont en phase expérimentale. Le débat autour de la croissance de la population mondiale n’est pas étranger à cette méfiance. La crise de confiance et de légitimité internes des autorités ne facilite pas l’adhésion.
De plus, au regard des réserves exprimées par la Conférence épiscopale du Canada sur le vaccin AstraZeneca, dont le développement et la production révèlent l’utilisation de cellules souches humaines (fœtus avorté ou embryons humains détruits), c’est-à-dire qui touchent au caractère sacré de la vie et de sa dignité intrinsèque, on pourrait s’interroger sur le choix du vaccin chinois Sinopharm ou sur tout autre vaccin dont les connaissances sur le développement, la production, voire l’expérimentation clinique restent confuses, notamment au plan éthique. Dans ce contexte, ne serait-il pas plus pertinent d’encourager et de développer les traitements médicamenteux modernes comme traditionnels (pharmacopée), le temps d’avoir un avis plus précis sur les vaccins ? Ce, d’autant plus que, statistiquement, les chiffres du taux de mortalité des infections, virus et bactéries courantes dans le monde en 2020, indiquent que la Covid-19 représente moins de 3 % de mortalité, loin derrière la grippe aviaire (60 %), la peste bubonique (60 %) et Ebola (50 %) pour ne citer que ces maladies.
L’annonce faite par le porte-parole de la présidence de la République le 13 avril dernier sur la réception prochaine d’environ 15 000 doses du vaccin russe Spoutnik V ne change nullement les termes du débat qui portent essentiellement sur la pertinence du choix de la vaccination dans un contexte expérimental sujet à plusieurs incertitudes comme approche prioritaire dans la lutte contre la propagation de la pandémie de la Covid-19.
Regis Renkongo, du Mouvement catholique républicain (MCR)