Lassés par plusieurs mois de confinement, alors que les promesses d’Ali Bongo de soutenir les ménages et les toutes petites entreprises ou commerces sont restés lettre morte, une grande partie de la population se « déconfine » elle-même. Le PDG d’Owendo a montré la voie il y a quelques jours.
Ouverture massive et clandestine des bars, motels…
En raison du coût économique de cette crise dans la grande partie des populations de Libreville et de l’intérieur du pays, plusieurs prennent le risque aujourd’hui d’ouvrir clandestinement leurs activités commerciales afin de « survivre ». La survie, tel est le mot. Comment des jeunes filles-mères, des femmes et des hommes qui tirent leurs revenus ou moyens de subsistance font-ils pour tenir depuis cinq (5) mois que le confinement est de mise dans le pays (couvre-feu, fermeture des bars, motels, restaurants, etc.) ? Entre-temps, les bailleurs ou propriétaires de locaux occupés par ces activités économiques réclament leur dû. Les salariés, qui perçoivent de modiques revenus mensuels (serveurs, vendeurs, braiseurs, démarcheurs) à la gare routière, dans les marchés et les quartiers, font comment pour « tenir » sachant qu’ils ont des loyers à payer (domicile) et des enfants à nourrir, sans plus parler des engagements (prêts, tontines) ?
Les mesures annoncées par Ali Bongo sont devenues des mensonges aujourd’hui. Où sont les loyers des bailleurs ? Où sont les milliards annoncées pour soutenir ces Gabonais qui n’ont plus de quoi vivre ?
Une situation économique intenable qui fait que, dans les faits, les activités économiques et commerciales encore officiellement « fermées » reprennent en toute clandestinité. La demande sociale n’a d’ailleurs jamais été aussi criarde avec ce confinement : bars improvisés dans les cours, arrière-cours des maisons, tout comme ceux qui rabattent les portes, mais accueillent leur clientèle pour consommer en prenant le soin de diminuer le volume de la musique.
Si certaines zones très exposées ne peuvent le faire (Derrière-l’Assemblée, Awendjé-vers-la Réussite, Carrefour IAI…), les sous-quartiers et zones peu intégrées sont devenues de vrais centres commerciaux. Bars, motels, commerces sont ouverts 24/24h. Et la clientèle n’est pas seulement que civile, mêmes les policiers, gendarmes et militaires s’y retrouvent. Tous des Gabonais qui se sentent asphyxiées par cinq (5) longs mois de confinement intenables.
La stratégie la plus pratiquée est aujourd’hui la transformation de presque tous les bars en « restaurants avec terrasse » puisque c’est cette catégorie de commerce qui avait été autorisée à rouvrir il y a un mois. Du coup, il suffit de poser quelques marmites de bouillon de carpes ou d’improviser un barbecue devant chez soi ou son bar pour justifier l’ouverture et le monde s’ameute, car on peut consommer tout en mangeant.
Le déconfinement est-il synonyme de relance épidémiologique ?
Officiellement, le Comité de pilotage et de lutte contre la Cobid-19 (Copil) fait savoir que la courbe de guérisons est en forte progression et dépasse déjà au moins celle de nouvelles contaminations. Elle se rapproche ainsi de la courbe de cas infectés. Du coup, le Gabon semble traverser avec plus de peur que de mal la phase critique qu’elle devait basculer dans une méga crise sanitaire nationale (pic épidémiologique estimée en mars à 10 000 cas entre mi-juin et mi-juillet). Alors qu’on est en début août, le risque d’un déconfinement officiel, comme les voisins équato-guinéens et camerounais l’ont tous déjà fait depuis deux mois déjà, serait une relance de contaminations massives du fait de la période actuelle qui est celle des mariages, retraits de deuil et des activités culturelles et sportives diverses. Le risque étant donc à l’évidence une nouvelle vague ingérable des cas comme entre avril et mai 2020 dans un contexte de faible capacité de tests et de prise en charge hospitalière des cas les plus graves s’ils venaient à se multiplier par centaines ou milliers.
Si comparaison n’est pas raison, la Guinée Equatoriale et le Cameroun, malgré leur déconfinement, ne connaissent pas une nouvelle situation épidémiologique plus grave que la nôtre. Le confinement avait été lancé pour permettre aux services de santé de ne pas être débordés, mais aussi pour endiguer l’épidémie. Ensuite, les gestes barrières et l’isolement des patients symptomatiques et de leur entourage devaient permettre d’attendre le vaccin. Aujourd’hui on n’est pas près de tout cela. L’Organisation mondiale de la santé a annoncé, le 01er juillet 2020, que la crise sera de « très longue durée ». Alors, on fait comment ?
Le gouvernement, notamment le ministre de la Santé, Guy Patrick Obiang, gagnerait à renforcer la ressource hospitalière et à « libérer » la population d’un confinement que finalement « rien » ne semble plus vraiment encore justifier aujourd’hui.