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Promulgation des lois et droit de recours au Gabon : Comme un banditisme d’Etat

Marie Madeleine Mborantsuo, la présidente de la Cour constitutionnelle surnommée « Madame irrecevable ».

Depuis quelques années, le gouvernement et la Cour constitutionnelle semblent se livrer à un jeu. Un vilain jeu qui fait que gouvernement fait voter au parlement des lois impopulaires la veille et les fait promulguer la nuit. Tuant ainsi chez les citoyens, toute velléité de pouvoir saisir la Cour constitutionnelle pour attaquer la loi promulguée. Ceux qui s’y sont essayés ont reçu comme réponse, la légendaire irrecevabilité, sous-prétexte que la loi a déjà été promulgué. Soit c’est la promulgation qui est illégale, soit c’est le droit au recours qui est désuet.

Il faudra peut-être qu’un jour nos constitutionnalistes nous interprètent les dispositions de l’article 17 de la Loi n° 001/2018 du 12 janvier 2018 portant révision de la Constitution de la République gabonaise. Cet article 17 dit exactement ceci : « Le président de la République promulgue les lois définitivement adoptées dans les vingt-cinq (25) jours qui suivent leur transmission au gouvernement. Ce délai peut être réduit à dix (10) jours en cas d’urgence déclarée par l’Assemblée nationale, le Sénat ou le gouvernement.
Le président de la République peut, pendant le délai de promulgation, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée. Le texte ainsi soumis à une seconde délibération doit être adopté à la majorité des deux tiers (2/3) de ses membres, soit sous sa forme initiale, soit après modification. Le président de la République le promulgue dans les délais fixés ci-dessus. A défaut de promulgation de la loi par le président de la République dans les conditions et délais ci-dessus, il doit déférer le texte à la Cour constitutionnelle. En cas de rejet du recours par la Cour constitutionnelle, le président de la République promulgue la loi dans les dix (10) jours suivant la notification de la décision de la Cour. ». Pour le profane ou le vulgaire, ce délai de 25 ou de 10 jours mérite d’être clarifié, car on pourrait penser qu’il constitue la date butoir dont dispose le chef de l’Etat pour promulguer la loi, mais également le délai donné à tout citoyen de pouvoir déposer un recours à la Cour constitutionnelle pour attaquer une loi qu’il estime inconstitutionnelle.
En effet, nous constatons, pour le déplorer, que depuis un moment le gouvernement fait voter des lois anticonstitutionnelles au Parlement à des heures où la Cour constitutionnelle n’est plus en disposition de recevoir un recours et les promulgue dans les mêmes dispositions. Ainsi en est-il de la dernière loi portant code pénal en République gabonaise. Parce que la disposition sur l’homosexualité avait été retirée de cette loi, certains compatriotes avaient entrepris de déposer des recours à la Cour constitutionnelle. Cela est un droit constitutionnel prévu par la loi, de même valeur que celui qui donne au chef de l’Etat la faculté de promulguer la loi. Autrement dit, pour un meilleur parallélisme des formes, le requérant devrait disposer du même temps pour attaquer une loi devant la Cour constitutionnelle, temps équivalent à celui dont dispose le chef de l’Etat pour la promulguer. La Cour ne peut donc déclarer « irrecevable » une requête qui lui est introduite dans un délai de moins de 10 ou 25 jours.
Parlons du dernier fait en date ! Le gouvernement a définitivement fait adopter au Sénat la loi portant nouveau code pénal le 29 juin 2020 dans l’après-midi. Et le 30 juin 2020 au matin, la même loi est promulguée au journal officiel 72 bis, édition spéciale. A quel moment le ou les requérants pouvaient-ils alors déposer des recours sans que ceux-ci ne soient frappés d’irrecevabilité, car, selon la Cour, une fois que la loi est promulguée, elle ne peut plus faire l’objet de recours.
Nous reposons donc la question à la cour, à savoir : la possibilité de tout citoyen d’attaquer une loi au sein de sa juridiction, est-elle, oui ou non, un droit constitutionnel ? Si oui, à quel moment ce droit peut-il s’exercer si la loi est votée en soirée et promulguée la nuit ? Le greffier de la Cour constitutionnelle travaille-t-il la nuit pour recevoir des recours liés au vote de la loi ? La réponse est non !
On peut donc conclure que la disposition légale autorisant tout citoyen à saisir la cour pour attaquer une loi inconstitutionnelle est sans objet, car inopérante dans les faits. Elle doit donc être abrogée. Soit le législateur avait effectivement pensé qu’en l’espace de 10 ou 25 jours suivant la promulgation de la loi, le requérant dispose du même délai pour introduire un recours à la Cour constitutionnelle, au nom du parallélisme des formes, ce qui entre dans la logique.
En rejetant systématiquement les recours introduits après promulgation de la loi, la cour se fait complice du gouvernement et viole, de fait, les droits fondamentaux des citoyens.

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