Faisant partie de la multitude des sociétés du groupe Delta Synergie (50 sociétés et 34 milliards de Fcfa d’actions), propriété de la famille Bongo, la Société gabonaise des services (SGS), spécialisée dans la sécurité et le gardiennage, est en faillite depuis quelques années. Sa mise en liquidation judiciaire en 2017 pourrait ne pas la sortir de la ligne rouge de sa fermeture. En cause, des détournements massifs continus…et ce n’est pas encore fini.
Les Bongo : l’affairisme illicite au sommet de l’Etat
La holding Delta Synergie est détenue à 19,5 % par Ali Bongo, à 19,5 % par sa sœur Pascaline Bongo, à 18,5 % par la succession Omar Bongo (autres enfants en gros). Les 43 % restants se répartissent entre d’autres membres de la famille Bongo et des proches de la famille. L’analyse des participations de Delta Synergie fait naître un soupçon de conflit d’intérêts permanent doublé de prises illégales d’intérêts. En effet, alors qu’elle n’a jamais cessé d’avoir parmi ses principaux actionnaires des chefs d’Etats en exercice (Omar Bongo y détenait 37 % du capital, Ali Bongo détient 19,5 %), Delta Synergie s’est constitué un portefeuille de participation au sein de 50 entreprises parmi les plus lucratives de notre pays (BTP, services, etc.). D’où viennent les fonds investis par les actionnaires de Delta Synergie ? Comment les fonds investis ont-ils été constitués ? Quels sont les éléments de preuve ? On est en face d’un cas manifeste de blanchiment de capitaux, de prise illégale d’intérêt…en somme, des crimes économiques perpétrés par la même famille qui profite de sa position aux affaires pour imposer à l’Etat de signer des contrats juteux de plusieurs dizaines de milliards de Fcfa chaque fois avec leurs propres sociétés. De même, les fonds détournés dans les crédits budgétaires sont injectés sous forme de capitaux et d’actionnariat dans ces sociétés à leur phase de démarrage. L’absence d’alternance, de démocratie et d’indépendance de la justice dans ce pays explique pourquoi nous en sommes arrivés là.
On en veut pour preuve ces quelques exemples anodins compte tenu de la gravité de la prédation et de la criminalisation de l’Etat par Boa comme Omar en son temps. En 2010, pour le très lucratif chantier de la route pont Octra-port d’Owendo, s’élevant à 20,06 milliards de Fcfa, c’est Socoba, détenue à 50 % par Delta Synergie, qui fut choisie par l’Etat. C’est encore Socoba à qui fut attribué le chantier d’extension du stade de Franceville. La même Socoba s’est vue attribuer le chantier de construction de 3 échangeurs à Libreville pour plusieurs milliards de francs. En 2013, lorsque l’Etat gabonais a sollicité un financement bancaire de 100 milliards de Fcfa pour la construction de logements sociaux, c’est BGFIBank, détenue à 6,4 % par Delta Synergie, qui a été retenue. Alors que l’Etat s’est engagé dans un projet d’exploitation d’un gisement polymétallique à Mabounié (Lambaréné), la société Maboumine, créée pour conduire le projet, s’est empressée d’ouvrir son capital à hauteur de 5 % à Delta Synergie dont le président Ali Bongo est le principal bénéficiaire.
Le cas SGS : quand les Bongo se volent entre eux
Elle est détenue, à presque 70 %, par les Bongo (Delta Synergie). Malgré les contrats onéreux dont cette société bénéficie de l’Etat gabonais (surveillance et gardiennage des ministères, etc.) et des sociétés privées (surveillance des sites), elle croule sous des dettes faramineuses. En 2015, la société a évité de justesse une fermeture des portes pour mauvaise gestion. En cause, des détournements massifs de fonds. On aurait pu dire « quand les Bongo volent les Bongo » parce que le personnel de la direction est bien choisi et occupée aussi par les Bongo. En 2016, à la suite de plusieurs arriérés et retards de salaires, les 6 000 agents armés de la SGS étaient entrés en grève, arme au pied. On se souvient de l’affront que ces civils armés, majoritairement d’origine ouest-africaine, avaient opposé aux forces de police gabonaises qui avaient été envoyés pour circonscrire leur mouvement afin d’éviter des conséquences politiques dommageables pour le régime alors qu’on était à la veille de la présidentielle. La SGS est bien un corps d’armée privé au sein de l’Etat.
En août 2016, le passif (dettes et autres) de la SGS s’élevait à 14 milliards de Fcfa. Le processus de redressement judiciaire a permis à la société de signer des moratoires avec les fournisseurs et ses clients, le temps de lui permettre de retrouver une meilleure santé financière. En 2017, le déficit net d’exploitation était d’environ 100 millions de Fcfa. Au premier semestre 2018, il est spectaculairement monté à plus d’un (1) milliard de Fcfa. Incroyable ! Dans cet élan, le déficit de la SGS va se creuser pour atteindre les 34 milliards de Fcfa consolidé d’ici la fin de l’année. Des données comptables font état de fausses facturations, de décaissements douteux sur les comptes de la société ainsi que le non respect des procédures d’achat et des plafonds de dépenses. Dans le même temps, la société n’a plus jamais honoré sa dette sociale avec la CNSS et la CNAMGS. De même, en matière fiscale, c’est la catastrophe : pas de déclaration, pas d’impôt payé à l’Etat (IRPP, TCS, FNH) depuis belle lurette. Avec de telles infractions graves au code des impôts, la SGS aurait été une société appartenant à opposant ou à un tiers, elle aurait déjà eu des scellés (cas du Maïsha des Myboto). Pire, il n’existe pas à ce jour une traçabilité (lettrage de compte) entre les opérations portées au débit des comptes de la société et leur effectivité (service fait ou vérifiable). La masse salariale est aussi l’autre « niche » de détournements d’argent à la SGS. Le fichier n’est pas contrôlé. Du coup, d’un mois à l’autre, ça bascule sans cohérence avec les recettes apportées par le service de recouvrement de la société. Et depuis quelques mois, les agents avouent être payés à la main, donc sans bulletin de salaire…
Comme quoi les Bongo, déjà incapables de gérer leurs propres affaires malgré la main basse qu’ils font sur l’Etat pour s’auto-rémunérer (contrats, marchés), sont aussi incapables de se montrer honnêtes en affaires même entre eux-mêmes. La fermeture de la SGS ou, plutôt, sa probable reprise (cession à un nouvel investisseur, pourquoi pas Olam, le nouveau bras financier de la famille et de la junte) semble inéluctable. Un risque réel de dégâts collatéraux pour les quelques Gabonais qui y avaient trouvé leur gagne-pain.