Adieu, Maître !
L’annonce du décès de notre grand maître en peinture, Marcellin Minkoe-mi-Nze, laisse la communauté artistique nationale profondément éplorée. Mais pas seulement, puisque l’aura de l’homme est, par l’ampleur de son talent, depuis belle lurette, allée explorer d’autres sensibilités, autant sur le terroir natal qu’au-delà. Mais cette communauté artistique, autant elle est affligée, autant, en la circonstance, elle met un point d’honneur à se déployer sous le sceau du rituel convenu : l’observation d’une standing ovation pour marquer la sortie de scène d’un héros du pinceau.
Le bâtisseur du grand temple lui lit cet ultime voyage en termes de retour à l’Orient éternel où la majesté de la lumière resplendissante permet au pèlerin de lire enfin le sens des choses dans leur dimension originelle. D’aucuns sont inconsolables à la perte d’un être cher, mais à la vérité, dans les cercles de transcendance, on se ravise à la pensée que pour perdre, il faut d’abord avoir possédé. Or, à la dimension humaine, personne ne peut posséder personne d’autre. Une chose est cependant irrécusable : ce départ sans retour crée irréversiblement un vide incommensurable, même si les musées et galeries d’art demeurent garnis de ses innombrables pièces maîtresses dans le domaine qu’il a éclaboussé avec un talent insolent. A l’instar d’un Arthur Rimbaud qui, en son temps, s’écria, en guise de défi : « j’ai pris la beauté, je l’ai assise sur mes jambes et je l’ai insultée ».
Qu’à cela ne tienne ! Même si toute mort est une renaissance, la disparition d’un proche ayant été un compagnon de vie marque indélébilement. C’est le syndrome de la dent qui s’érige dans la bouche en visiteur inénarrable de l’espace laissé vide par une dent arrachée.
D’autant que pour Maître Marcellin Minkoe-mi-Nze, malgré une consécration de son talent par les érudits autant que par le commun des mortels, la précarité s’est invitée avec un zèle frisant l’indignation, dans son quotidien, au soir de sa vie. D’où l’interrogation lancinante : quand chez nous l’artiste pourra-t-il enfin véritablement vivre de son art ?
Marcellin, mon soutien moral indéfectible à ta famille est, en tout cas, de mise en ce moment si particulier de la vie de chacun d’entre nous.
Dans nos échanges fréquents, je te faisais observer que même Molière est mort dans un dénuement total, excommunié et enterré de nuit pour ses opinions, tout comme Mozart. Il y en a eu et il y en aura bien d’autres. La postérité les a pourtant réhabilités. L’artiste se préoccupe au premier chef de la pureté de son art, non de sa gloire qui n’est pas la mesure réelle de sa valeur intrinsèque.
J’ai dit. A bientôt, Maître !