Input your search keywords and press Enter.

Nous sommes écologiques et non écologistes/Du Bon Sauvage au bon Ecologiste : Un charlatan blanc ministre des Eaux et forêts du Gabon

Lee White. Le ministre britannique des Eaux et forêts du Gabon.

Le Regard occidental sur lui-même et sur le monde est le substrat de toute narration historique depuis le XVe siècle. Ce discours occidental s’énonce comme une leçon de chose à l’égard de toutes les autres cultures. Les préoccupations des élites occidentales doivent impérativement devenir celles du reste du monde. Cette asymétrie est le substrat de toute politique moderne depuis cinq siècles.

Le discours réactif des « peuples dominés » est lui-même un succédané du logocentrisme occidental. Car il n’a pas d’énonciation propre aussi bien dans le rejet quand dans l’adhésion. C’est ainsi que les pseudos élites africaines (ou du tiers-monde) auraient des préoccupations locales tandis que celles du nord ont des responsabilités globales pour paraphraser Henry Kissinger à propos des rôles stratégiques des Etats-Unis et de l’Europe. On entend ainsi souvent parler de « 2000 ans de civilisation » ce qui est en fait synonyme d’occident. Alors que la terre existe depuis 4 milliards d’années au sein desquelles l’aventure humaine se poursuivrait depuis 2,8 millions d’années et homo sapiens compterait seulement 200 000 ans. Quant à l’agriculture – avec comme conséquence le début de la sédentarisation – elle daterait depuis 12000-12500 ans autrement dit la révolution néolithique. Ce faisant, on nous fait croire que le monde est fini, nous devons donc tous devenir des écologistes. C’est ainsi que les angoisses occidentales deviennent les nôtres et sonnent comme de constants rappels à l’ordre. Le climat est devenu, le mur de lamentations des fausses angoisses.

Le naturalisme occidental vêtu de ses nouveaux oripeaux « verts » nous revend avec un emballage neuf, les vieux clichés sur le bon sauvage. Nous sommes ainsi passés du bon sauvage au bon moderniste et depuis peu au bon écologiste. De fait depuis 47 ans une rhétorique réactionnaire nous assène de discours catastrophistes sur les « limites de la planète ». Ce nouveau progressisme qui veut imposer à nos sociétés un « nouvel ordre écologique » remplit les conditions de la rhétorique réactionnaire qui se décline en trois énoncés :

L’inanité : le productivisme est incompatible à la finitude de la nature ; l’effet pervers : La quête éperdue de la performance détruit la nature ;

et la mise en péril : Et si nous n’y prenons garde nous risquerions l’extinction de notre espèce : il faut donc écouter le tocsin des sorciers blancs.

Pourtant dans cette prétendue « fin du monde », seul l’occident et son productivisme nous mènent au bord du précipice. Alors que notre propre aventure humaine est une posture toute écologique : nous faisons partie de la nature et savons comment la préserver. Nos cosmogonies englobent l’environnement et ne s’en extraient guère. Le plus inquiétant c’est que de nombreux gabonais semblent succomber à ce bourrage de crâne écologiste. Pourtant il suffit de parcourir la littérature écologiste pour se rendre compte que ce sont des vieilles vétilles : en France Jacques Ellul, Alain Bompart, André Gorz (tout l’œuvre) voire en Angleterre Aldous Huxley, furent des premiers critiques des dégâts de la technique et pionniers écologistes. Et ailleurs celui qui en avait le plus évoqué cette question fut Ivan Illich avec sa fameuse « société conviviale » (Mexique). La Kenyane Wangarĩ Muta Maathai fut une pionnière africaine. La philosophie occidentale a publié des tonnes sur l’écologie. L’œuvre de Heidegger repose sur le rejet de l’ontologie moderne. Quant à Michel Serres il avait commis un ouvrage invoquant un « contrat naturel » (1990), dans lequel il instaurait la nature aussi sujet de droit que les humains. Les arbres parlent donc ils peuvent revendiquer des droits autant que des êtres humains.

Le sud doit-il payer la facture de l’occident ?

Le plus intriguant ici c’est que l’on nous demande de ramasser les tessons d’une bouteille que nous n’avons pas cassée, c’est-à-dire de payer le prix du grand partage de la modernité occidentale : Nature/Culture. De fait, ce « nouvel ordre écologiste » (Luc Ferry) est devenu tyrannique dans sa manie à vouloir nous imposer un rapport à la nature aux antipodes de notre ontologie écologique. Mieux il y a même au Gabon un « Parti des écologistes souverainistes » ou des « Socialistes écologistes » de pures facéties qui témoignent des ravages occidentalistes sur nos cultures. L’écologisme en Afrique et au Gabon n’est qu’une des manifestations de notre modernité inaccomplie. Nous sommes les accompagnateurs du soliste occidental. En effet, on peut légitimement se demander de quoi l’écologisme gabonais est-il le nom ? Autrement dit, comment peut-on être écologiste en terre humide tropicale ; un pays écologiquement autorégulé ?

L’écologie longtemps soupçonnée d’être une idée de droite, a fait des émules à gauche. Elle est devenue le dernier refuge des illusions gauchistes. La gauche ne faisant que reprendre la même rhétorique réactionnaire. Le terme « Communisme » a été remplacé par « le Commun ». C’est une position aussi opportuniste que contradictoire. Car le socialisme est aussi économiciste que le libéralisme économique donc autant destructeur de la nature. Ce sont en effet, deux doctrines modernes qui sont les deux marches de « l’empire de la valeur » occidental. Elles considèrent ainsi que l’homme doit développer les forces productives. Il doit donc agir sur la nature donc la détruire. Même si le socialisme doit dépasser le capitalisme qui serait biodégradable par le truchement de ses contradictions internes. Au lieu de produire pour vivre nous devons désormais vivre pour produire, le fameux « Miroir de la production » superbement analysé par Baudrillard. En effet, le socialisme prône autant un projet moderniste qui est supposé être scientifique. Il peut prévoir l’avenir tant il a une connaissance absolue de la société y compris la nature. Il n’y a plus de détermination mais indétermination. Il suffit de remonter la carte idéologique française pour s’apercevoir que la plupart des écologistes sont d’anciens communistes et autres infantilismes gauchistes.

La nature a remplacé la « classe ouvrière ».

Le nouveau credo serait donc : « écologistes de tous les pays unissez-vous » après avoir pendant un siècle et demi chanté « Accumulez, accumulez, la nouvelle loi des prophètes » suivant ainsi Karl Marx. Il en va ainsi de l’écologisme comme de l’ouvriérisme. Qui consistent à imaginer et attribuer un rôle messianique à la classe ouvrière c’est-à-dire être l’agent de la révolution socialiste. L’écologisme occidental est sous-jacent à l’idée de « développement » qui comme la religion occidentale jadis ou la modernité naguère avaient pour mission de nous sortir de « L’obscurité ». Et pour cause l’Afrique centrale dans l’imaginaire anglosaxon est le « cœur des ténèbres ». Et comme nous sommes dans « l’enfance du monde », nous devons prendre la leçon des « verts occidentaux ». Une véritable doxa !

Il convient de préciser que le colonialisme est à l’origine un naturalisme, représenté par exemple par des « explorateurs » comme Mungo Park, Henry Morton Stanley et David Livingstone et leurs virées « Au cœur des ténèbres ». Helene Tilley nous appris que l’Afrique fut le laboratoire de tous les fantasmes scientistes occidentaux. L’impérialisme s’est aussi bâti sur une révolution scientifique. En effet, Et le monde tropical leur a offert des terrains « vierges » d’expérimentation. La colonisation est avant tout, une œuvre scientifique. « L’homme noir » avait été chosifié dès le début de la traite. De fait, le corps nègre a toujours été l’objet privilégié des expérimentations occidentales. Notamment aux Amériques où la gynécologie obstétrique étasunienne par exemple utilisait des esclaves noires pour toutes leurs expériences. Il en fut de même pour les tests thérapeutiques des médicaments modernes dans le sud des Etats-Unis (syphilis à Tuskegee Alabama). Tout comme les « nouvelles pandémies » : VIH, Ebola qui sont la résultante d’accidents de laboratoire à partir d’expériences sécrètes entamées au sein de structures situées au cœur des forêts d’Afrique centrale depuis le XIXe siècle. Il eut même des « savants formés pour protéger la nature de l’empire colonial » Albert Schweitzer (un faux médecin) fut un précurseur dans cette écologisation des gabonais et du Gabon.

De nos jours le présupposé est le même

Nous sommes donc un « danger pour la nature » et par extension pour le monde car nous sommes ignorants. Il nous faut donc des « experts blancs », des Tarzans modernes pour nous sortir de l’ornière. Il suffit d’écouter les joutes oratoires des écologistes occidentaux qui font carrière sur le dos des sociétés du tiers-monde pour constater à quel point ils nous ont anthropomorphisé. Le fait est que comme l’ouvrier naguère qui avait imaginé son monde loin des fantasmes bourgeois, nos sociétés ont toujours imaginé leur monde loin des fantasmes écologistes. Aussi, elles n’ont pas besoin de construire un discours sur la nature, elles y vivent. L’évolution du Gabon est un cinglant démenti à tous ces discours déclinistes et spenglerien. Tant la sempiternelle injonction au développement devient insupportable.

En France bien avant 1971, il n’y avait aucun « ministère de l’Environnement ». La France comme toujours avait suivi les pas américains qui avaient créé sous Richard Nixon l’EPA (Administration fédérale de l’environnement) en 1970, en sonnant le tocsin de l’hyper industrialisation, puis il eut le Rapport Meadows et sa posture malthusienne sur les « limites de la croissance » suivi de la Commission Willy Brandt sur les limites de la planète. En France, l’écologie est devenue politique en 1974 avec la candidature de René Dumont à la présidentielle cette année-là. Depuis lors chaque présidentielle française comportait un « candidat vert ».

Un charlatan blanc ministre des Eaux et forêts du Gabon

Au Gabon nous avons un « ministère des Eaux-et-Forêts » depuis 1957 (André-Gustave Anguilé 1957-59) qui a connu jusqu’à ce jour 30 occupants dont deux blancs : Paul Mariani (1959) et plus récemment Lee White une nomination curieuse qui est une violence symbolique. Car même avec de meilleures intentions, un blanc ministre dans un Etat postcolonial est tout simplement anachronique. Sonia Gandhi (italienne d’origine, veuve de Rajiv Gandhi) avait conduit le retour du Parti du Congrès au pouvoir en Inde (2004). Elle pouvait donc devenir Premier Ministre Indien. Mais en déclinant l’offre, elle avait dû se faire remplacer par Manmohan Singh (un sikh indien) ancien ministre des finances père des reformes pour assumer la charge. Car en tant qu’européenne cela aurait fait désordre dans un pays anciennement colonisé. Elle avait fait preuve d’humilité ! C’est aussi pour cela qu’aux Etats-Unis que l’on nomme plus de chefs de police noirs dans les grandes villes (majoritairement noires), car un chef de police blanc fait mauvaise posture. Ce ministère (important) qui devrait être régalien compte-tenu de notre particularité dans ce domaine en Afrique et dans le monde : ceinture verte de l’Afrique et deuxième poumon du monde : 88% du territoire recouvert par la forêt-record africain, des eaux salées et douces à n’en plus finir. Alors d’où vient qu’un pays qui est la ceinture verte de l’Afrique joue à se faire peur ? C’est cette question que nous allons aborder. Elle nous permettra de comprendre comment nous sommes retrouvés avec Lee White un « scientifique » écossais qui porte bien son nom. Ce dernier au Gabon en 1989, à la recherche de gorilles sous les conseils d’une autre primatologue américaine Dian Fossey (1932-1985) spécialiste des gorilles rwandais, a grandi en Ouganda sous Idi Amin (1971-79), il fut ainsi le copain de jeux des enfants du dictateur sanguinaire. Il a donc une culture autoritaire et non démocratique.

La forêt gabonaise n’est pas un kit écossais ni un pudding anglais.

De fait l’écologisme est une vieille marotte qui est au cœur du productivisme occidental. Depuis le XVIIIe siècle en Europe, il y a le « souci de l’environnement » autrement dit maitriser la modernité. L’anglais John Ruskin (1819-1900) s’était illustré au XIXe siècle comme un protestant précurseur de l’écologie politique. Cette structuration politique avait commencé à prendre vraiment corps après la seconde guerre mondiale. De fait, au XXe siècle, l’œuvre de Hans Jonas (philosophe allemand) tourne autour du « principe responsabilité ». Nous ne sommes donc pas en présence d’une révolution intellectuelle. Mais tout simplement d’un ravalement de façade.

De plus en dépit de la surmédiatisation des « questions écologistes », l’on peut légitiment se demander : qu’est-ce qu’une crise écologique ? La pensée économique depuis 50 ans a mis en exergue les limites du modèle de croissance issu du discours économiciste et développementaliste occidental repris par toutes les élites postcoloniales. En effet, la légitimité de ces élites repose sur leur capacité à « sortir le peuple du sous-développement ». Le culte de la performance a mis la nature à contribution. René Passet a centré son œuvre sur l’économique et le vivant il parle ainsi de « bio-économie ». Il y démontre que toute structure vivante connait l’entropie, c’est-à-dire : la non-réversibilité des transformations de l’énergie et de la matière. Autrement dit le degré de désordre dans un système. Ignacy Sachs défend « l’écodéveloppement » depuis les années 60. Serge Latouche (mon inspirateur) s’interroge : « faut-il refuser le développement ? » il n’a pas cessé depuis presque 45 ans d’exposer la « Mégamachine » productiviste. Il prône même audacieusement la « décroissance ».

Le nouveau progressisme est devenu naturaliste, et prône une « société écologiste » autrement dit « un modèle de société qui intégrerait le plus possible, dans l’ensemble de son fonctionnement, l’impératif d’un respect pour la nature et de la biodiversité sur le très long terme au nombre de ses objectifs et de ses valeurs cardinales, en plus de la liberté, de l’égalité et de la solidarité sociale ». Il exècre l’utilitarisme en prônant l’instauration d’un revenu universel. Nous sommes dans l’anthropocène voire « capitalocène » nous disent nos rhéteurs écologistes. Autrement dit : une « phase de l’histoire de la Terre où l’espèce humaine deviendrait une force tellurique capable d’interagir avec les forces géophysiques et d’entraîner des conséquences durables pour l’écosystème ». L’anthropocène serait donc la principale mutation qui place l’homme au centre de l’univers.

Nous sommes devenus naturophages.

On voit bien ici que ce sont des discours occidentalocentrés. Ces sociétés vieillissantes confrontées aux incertitudes sont désormais effrayées par leurs propres excès. Tant elles ont confondu le bougisme et le progrès. L’écologisme est ainsi l’autre versant de la « modernité occidentale » et son corollaire le catastrophisme. Aussi sur les hauteurs béantes de son « expertise » Il dit le monde à la place des autres. Ils invoquent inlassablement « un écodéveloppement » (I. Sachs) voire un « un écho-pouvoir » (Lascoumes) au point de vouloir nous imposer comme d’habitude leur vision du monde, alors que nous n’avons pas participé à la casse. De plus la nature à l’ouvrage au Gabon est une sentinelle contre les excès productivistes. Elle est l’exemple achevé de l’autorégulation naturelle. L’écodéveloppement nous revient avec un nouvel emballage : Le « Développement Durable » : dont la posture est contradictoire. Aussi tout ce que nous entendons à propos « d’émergence » n’est qu’un euphémisme pour l’industrialisation.

Or industrialiser suppose transformer la nature.

Ce qui implique surtout performer mieux que les autres. Les questions environnementales sont essentiellement des préoccupations occidentales. Et d’ailleurs selon l’économiste anglais Lionel Robbins « les êtres humains doivent savoir ajuster les moyens aux biens rares » il y a donc bien ici la notion de limites de la nature que nos cultures expriment depuis des lustres. La science économique serait ainsi, « celle qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins et des moyens rares susceptibles d’être utilisés différemment » en somme la quête de l’utilité. Le « développement capitaliste » occidental inflige un supplice à la nature et constitue pour nous une externalité négative. En effet, le gros de la pollution est le fait de l’occident et surtout des Etats-Unis. Il y a un quart de siècle des chercheurs asiatiques mettaient en exergue l’envers du « miracle asiatique » qui est un désastre environnemental au-delà des taux de croissance mirobolants (Walden Bello-1992). Il suffit d’examiner les côtes des NPI asiatiques pour s’en apercevoir.

L’écologisme occidental est une idéologie en réalité réactionnaire sous des oripeaux « progressistes ». Aussi de nos jours être de gauche signifie désormais être écologiste. On peut regretter que des africains deviennent des idiots utiles de cette frasque naturaliste spenglerienne. Et dans cette logique apocalyptique la vie est un supplice. La présence de l’homme sur terre est d’expier ses « pêchés ». En conséquence, l’homme est en souffrance car il aurait commis un péché originel, alors que dans nos cosmogonies nous n’avons pas de péché originel. Les religions du livre ont ainsi institué le « noir » comme une créature négative pécheresse et enfermée dans l’infra-humanité.

En effet nous sommes les « fils de cham » donc maudits.

La traite négrière et l’esclavage qui en avait suivi reposèrent sur ce préjugé. Les religions du livre justifient ainsi la « souffrance du noir » comme le labeur de nos incartades. L’existence du noir est donc une ordalie il doit sauver son âme par le truchement des religions du livre. Ici, le plus surprenant c’est que des africains soient tombés dans le piège vert. Les musulmans africains et toutes les ouailles évangélistes ne sont que des somnambules sans esprit critique. Le cas Boko Haram (les savoirs occidentaux sont néfastes) illustre le bourrage de crâne et les ravages de l’islam sur les sociétés africaines. Car ils tuent au nom d’une religion qui est tout sauf africaine. Quant aux « églises de réveil » ce ne sont que des fabriques de somnambules. Elles constituent le stade suprême de la dépossession spirituelle africaine et le manque de confiance en soi. Car nous ne sommes pas des sociétés religieuses mais spirituelles. Nos manières de croire sont des quêtes personnelles et non des mouvements panurgiques. Notre polythéisme a fait de nous des sociétés immunisées contre les guerres de religion. Mais nos croyances ont été faussement estampillées : paganismes, superstitions ou animisme. En somme nous ne craignons pas la colère d’un Dieu suprême mais celle de nos ancêtres, « Olun Bekuun » comme on dit en fang. Les églises évangélistes constituent donc un lapsus anthropologique par rapport à nos sociétés.

En effet nos sociétés ne sont pas des cosmogonies du salut de l’âme, mais plutôt une veille existentielle. En somme une posture introspective, et non des âmes égarées ayant besoin d’une eschatologie pour se rédempter. Cette petite digression religieuse est nécessaire pour dévoiler la logique du discours écologiste qui est fondé sur l’apocalypse. Aussi pourrions-nous nous demander : que faisons-nous dans cette galère ?

Les rappels à l’ordre écologique occidentaux deviennent insupportables. La bonne question est de savoir quelle nature devons-nous protéger et au nom de qui ? Nos sociétés sont naturellement écologiques. Elles préservent et non « protègent » la nature. Car ici, nous n’opposons pas nature et culture. Nous ne sommes donc pas en dehors de « l’environnement » mais en faisons partie intégrante. Nous ne nous concentrons pas sur le bien commun mais sur le monde commun. C’est le cas dans les cosmogonies fang et Omyenès, où certaines espèces sont assimilables aux défunts, elles sont impérativement protégées. Cette nuance est importante pour saisir notre posture historico-anthropologique. Nos techniques de jachère et aquatiques en sont un vibrant témoignage.

Il se trouve que notre mimétisme nous pousse vers le précipice. L’attrait du discours écologiste n’est que la conséquence de notre modernité inaccomplie. Il y a une sorte d’hypocondrie de leur part qu’ils appliquent partout : selon eux, le monde est malade mais de quelle maladie ? Aussi, au lieu de « penser les choses par nous-mêmes et pour nous-mêmes » comme le disait Aime Césaire dans sa « Lettre à Maurice Thorez (1955) ». Nous nous contentons de répéter le récit occidental y compris ses angoisses. Si nous ne ravageons pas notre nature c’est parce que nous la savons finie. De fait nous sommes conscients que nous ne sommes que des résidents temporaires et non des habitants éternels. Nous ne dominons pas la nature ; nous sommes consubstantiels à celle-ci. C’est une leçon de chose que tous les « écologistes » occidentaux et leurs épigones locaux devraient apprendre avant de nous seriner de fadaises sur de pseudo « menaces sur l’environnement ».

La participation des gabonais à la pollution mondiale est proche de zéro.

Alors pourquoi devrions-nous payer la note ? Mais nos élites nullissimes et jouisseuses sont incapables de percevoir le piège occidental. Ces derniers privatisent les gains mais socialisent les pertes. Quand ils se développent ils nous intiment de faire autant. Ils nous enferment dans le paradigme du manque en posant sur nous un regard culturaliste. Mais quand il y a des dégâts, ils nous demandent de partager la note. C’est comme si votre voisin aurait consommé tout un gibier sans vous en donner, mais vous demanderait de l’aider à jeter les os de son festin. L’écologisme veut rétablir la symbiose de l’homme et la nature. Il se trouve que cela est paradoxal au productivisme. Aussi l’idée que la croissance serait compatible à « l’équilibre » de la nature est une aberration. C’est un dilemme d’impossibilité. Car l’économie moderne pour s’affirmer doit s’affranchir de la société et créer ses propres pratiques sociales calées sur un régime institutionnel adéquat. « L’expertise écologiste » est une pure mystification.

Il convient de rappeler que la politique relève des rapports de force. Les décisions sont donc prises en fonction des intérêts. Il est intenable de prôner à la fois, la précaution et le développement des forces productives. D’autant que le prestataire de service ici est muni d’une philosophie sociale qui n’a rien avoir avec la nôtre. Nos sociétés savent ajuster les moyens et les fins et se fixer dans le long terme. Le chantage productiviste nous pousse au culte de la performance. Dès lors nous ne pouvons être nous-mêmes en adoptant un mode de vie qui lui privilégie le court terme et le bonheur matériel. Ils parlent même de « destruction créatrice » selon l’économiste autrichien joseph Schumpeter.

L’idée d’un « Gabon vert » est un pléonasme.

Un pays dont le territoire est couvert à 88% d’une forêt dense n’a pas besoin de réclames oiseuses sur les « vertus du tourisme vert ». Autrement dit notre rapport à la nature n’est pas un loisir bucolique. Où l’on rechercherait un trésor perdu. Le pire c’est que les promoteurs du « Gabon vert » ne sont que de fieffés jouisseurs sans projets qui s’accrochent aux basques de l’Etat. Leur posture est d’autant plus risible qu’elle repose sur la parlotte. Il y a un mythe récurrent qui voudrait qu’Omar Bongo fut un « écologiste » à la tête du « dernier Eden vert », alors qu’il fut l’architecte de l’abaissement du Gabon. Et par conséquent de notre milieu écologique et ses différents écosystèmes. Que lui et sa clique de voleurs ont butiné en bradant notre patrimoine aux enchères ; les chinois se taillant la part du lion. De plus son ex-épouse se servait en viande rare dans la réserve « protégée » de Wonga Wongué pour alimenter son restaurant en violation de la loi. Car comment peut-on impunément tuer des « espèces protégées » en les servant à ses « clients » dans son restaurant ? Un simple fait de prince.

En vérité, la conservation de la nature relève de nos traditions et non d’une prise de conscience du « grand camarade ». A moins que la conscience verte lui fût révélée comme naguère sa conversion au catholicisme 15 jours avant de rencontrer le pape Paul VI. Ce n’est que de la pure intox un vrai roman vert. Cette farce médiatique est d’autant plus risible que les acteurs de la conservation de la nature gabonaise (les vrais villageois) ne sont jamais invités dans les débats. Le romantisme vert pose le problème de la représentativité dans le politique moderne. Comment se fait-il que ceux qui vivent les réalités reçoivent la leçon de ceux qui sont loin du terrain ! Le ministère des Eaux et forêts est de facto et de jure le ministère de l’Environnement. Car c’est lui qui a la charge de réglementer nos écosystèmes. Le Gabon disposait en effet d’un des meilleurs systèmes de gestion des eaux et forêts au monde. Tout jeune gabonais sait ce qu’était un garde-champêtre. Par exemple, l’Ogooué était balisé, toute personne naviguant sur ce fleuve est tombée sur la signalétique nautique jusqu’à la fin des annees-80.

Il y avait depuis 1938 un observatoire de l’Ogooué situé à Lambaréné.

Mais comme tout édifice public digne de ce nom au Gabon, il était tombé en panne depuis 1975 et n’a jamais été remplacé. En conséquence il est impossible de mesurer le débit de l’Ogooué depuis lors. Une situation regrettable quand on sait que notre fleuve (1200km dont 800km navigables) est le quatrième fleuve en débit d’Afrique. Les ministres en fonction dépourvus de toute culture naturelle n’ont jamais saisi l’importance de leur mission. Ils se contentent de répandre les mensonges du régime Bongo. Pis, ils se sont enrichis en bradant notre patrimoine naturel que le monde entier nous envie.

Pourtant la première couleur de notre drapeau (vert) illustre bien notre attachement à nos écosystèmes. C’est ainsi que les palétuviers plantés pendant la colonisation se sont réadaptés à nos écosystèmes. Vous pouvez convoquer tous les anciens ministres des Eaux et forêts, ils seraient incapables de vous donner les bases de leurs missions. Aucun d’entre-deux ne possède une réflexion sur le sens de leur mission. Quant aux PM fangs de l’Estuaire ils sont ignorants des réalités gabonaises et surtout de son cœur forestier. L’action publique est devenue une coalition de profiteurs sans perspective. Le Gabon est l’un des pays où l’on nomme des personnes à des postes de responsabilités sans qu’elles ne sachent quelle est leur mission. Ainsi quelqu’un peut avoir passé 20 ans au gouvernement mais demeure nullissime. La « protection de la nature » est la mission de ce ministère. Mais l’intitulé « Ministère des Eaux et Forêts et de la Protection de la Nature » parait tautologique. Car si ce ministère ne s’occupe pas de « protéger la nature » à quoi servirait-il ? Quelle était la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? La gestion de l’Etat ici se réduite au partage des prébendes. Il fut un temps où il fut même affublé « Ministère de l’Economie forestière » afin de consoler Mr. Ndoumba qui fut évincé du Ministère de l’Economie et des Finances. Curieusement, la nature est devenue une part maudite que l’on cache.

Les gabonais réduisent leurs compatriotes ruraux sous le terme péjoratif de « broussards ». Preuve s’il en est de leur inculture qui n’a d’égale que l’impéritie des actes publics. Alors que ce sont ces « broussards » les vraies sentinelles et dépositaires de l’authenticité gabonaise. Dans les années 60-70 – et surtout la période Léon Mba (un gabonais authentique) – les élèves gabonais passaient encore toutes leurs vacances au village, consolidant ainsi leurs racines. Les liens entre générations étaient solides. Mais le régime gabonais depuis 1968, est par excellence celui de « l’impuissance publique ».

Les dirigeants publics ne connaissent rien de nos écosystèmes.

Comment peuvent-ils mener l’action publique ? Ali Bongo s’était illustré en allant inaugurer le centre de pèche de Lalala (CAPAL). Il tomba sur un aquarium qui hébergeait un des poissons les plus succulents du Gabon. Il demanda curieusement au Premier ministre Paul Biyogho-Mba la nature de ce poisson. Ce dernier, fin connaisseur lui expliqua que c’était un silure. Il est étonnant qu’un président qui passe pour un « protecteur de la nature » gabonaise en ignore ces principaux éléments ! Alors que dans les cours de sciences naturelles de la classe de 5e, presque toutes les espèces gabonaises sont évoquées. Ce qui prouve que tout le vacarme autour du « Gabon vert » de sa part n’est que de la Tchatche. Le Gabon est naturellement vert, pourquoi une réclame particulière ? Un président français qui serait incapable de distinguer un fromage gruyère d’un fromage chèvre serait immédiatement en difficulté et deviendrait la risée publique.

Gérer la nature implique d’en connaitre les fondements. Les parents gabonais se sont résignés à l’occidentalisation et renoncés à leur mission de transmission des savoirs et connaissances gabonais. Ils sont si complexés au point d’abandonner leurs terroirs. Ils ont honte de leurs origines. Les jeunes ignorent tout, des travaux champêtres et de l’univers rural. Alors que tout enfant gabonais devrait connaitre au détail l’histoire et l’étiologie de notre patrimoine naturel. C’est par exemple le cas du manioc. Cet aliment qui sous forme de tige une fois plantée, devient une racine comestible. Que l’on consomme sous forme de légume (feuilles), de baguette, de rondelettes, de farine et même de carburant. Les dérivés du manioc sont multiples. Dans le primaire nous avions des cours d’agriculture. Il est donc illusoire de parler de « retour à la terre » dans une société urbanisée à 86% avec des ignorants fonctionnels. Il suffit de constater l’explosion de prénoms anglo-saxons pour s’apercevoir que ce pays est tombé bien bas, alors que lorsque l’on a sillonné le monde anglo-saxon (comme l’auteur de ses lignes), la connaissance du français est un atout. Faut-il rappeler que la langue anglaise découle du latin et du français (invasions normandes). Il y aura d’ailleurs 750-800 millions de locuteurs francophones dans le monde d’ici 2050.

L’écologisme anglo-saxon est anthropomorphiste.

Curieusement la société américaine protectrice des animaux s’appelle « American humane society ». Dans le sud des Etats-Unis, les chiens avaient plus de droit que les nègres.  Par exemple, un philosophe comme Peter Singer considère que les animaux sont égaux aux humains. Leur souffrance selon-lui est plus insupportable que celle des humains. Car ne parlant pas ils ne peuvent exprimer leur souffrance. C’est d’ailleurs le credo de Lee White l’autoproclamé Bio-Zoologue. Qui n’a publié aucun article dans les revues ayant pignon scientifique comme la revue « Nature ». Il en est de même pour John Michael Fay, qui n’est qu’un baroudeur estampillé « biologiste » surmédiatisé mais en réalité un champion de ce que je nomme : Ecology Business en somme : deux tarzans modernes dépositaires du cynisme et d’un certain naturalisme politique anglo-saxons. Ce naturalisme se décline en trois mouvances anglo-saxonnes : le retour à la terre (back-to-the land), l’homme et la Nature (Man and Nature) et le wilderness ou le « patriotisme écologiste ». Le nouveau champ de compétence du ministère s’étend il est désormais : Ministère des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan Climat et du Plan d’Affectation des Terres. L’affectation des terres est une révolution sémantique qui inaugure une nouvelle grammaire institutionnelle. Car le Gabon fait partie des pays qui n’ont pas de question foncière. En ce sens que l’abondance des terres rend inutile un monopole foncier qui forcera un métayage. Le but inavoué ici est de brader le patrimoine gabonais aux grosses fortunes. Lee White est un zoologiste qui s’improvise spécialiste foncier et climatologue. Ce qui en dit long sur son imposture. Un scientifique qui dispute des attributions ministérielles. Ils ont réussi à persuader leurs interlocuteurs gabonais – peu informés et impressionnables – de leur évangélisme naturaliste. Et ils font partie de ceux que l’on nomme les « afreucanistes » autrement dit les « faux prophètes de l’Afrique » et surtout du Gabon. Alors que leur naturalisme est bâti sur des fondements théoriques fragiles.

De plus les travaux « scientifiques » de Mike Fay et de Lee white ne sont pas heuristiques.

Ils sont la preuve que l’on peut vendre à nos dirigeants des lubies écologistes sans craindre le risque d’être réfuté scientifiquement. Leur « expertise » est donc discutable et se dissout dans l’affairisme. En effet, le « marché vert » dans un pays comme le Gabon est très lucratif.

White dit se « promener depuis 30 ans dans les forêts gabonaises » ce qui est risible. Car nos ancêtres le font depuis des lustres. Mike Fay dit vouloir nous aider à « sauver nos fonds marins » alors qu’il n’a aucun état de service dans ce domaine dans son pays d’origine, où personne ne le prend scientifiquement au sérieux. Les positions activistes écologistes de Lee White et de John Michael Fay ne sont pas scientifiques. Leurs « solutions » ne sont que de pures impostures intellectuelles. La science se définit par la réfutabilité des hypothèses et des thèses. Or, ils n’ont été soumis à aucune revue des pairs. Leur sophisme se déploie dans leurs expressions publiques. L’expert au lieu de demeurer conseiller est devenu décideur. Il trouvait le périmètre de l’Office National des forêts trop étroit pour son ego démesuré et revendique le Ministère. Ce qui prouve que ce n’est qu’un pouvoiriste sans conscience scientifique. On réalise à travers cette mutation que ce ne furent que des aventuriers « naturalistes » qui portaient un masque scientifique. Et ne pouvaient impressionner que des interlocuteurs gabonais dont l’incompétence et l’impéritie dans l’action publique sont notoires. Car on peut tout vendre à un gabonais. Surtout si ces vendeurs sont des blancs. Je les défie intellectuellement de nous prouver en quoi la nature gabonaise est en danger ? Et qui en a porté le coup fatal ? Et sur quel registre scientifique s’appuie leur soi-disant « expertise » qui n’est qu’une somme de fadaises déclinistes. Il suffit de regarder autour de soi pour constater que leurs propositions ne sont que des artefacts sociométriques, où la vocifération paternaliste occidentalo-centrique l’emporte sur le substantiel.

Ils projettent ainsi sur le Gabon la réalité de leurs sociétés d’origine.

Ainsi fidèles à leur logique eschatologique doublée d’une incertitude ontologique, la vie doit demeurer éternelle. L’occident paumé, recherche désormais le salut collectif dans la nature. Touche-pas à ma nature disent-ils. Ou en oubliant que le risque, voire la mort font partie de la vie. Depuis 455 millions d’année, il y a déjà eu cinq extinctions massives d’espèces avant la nôtre. Et pourtant la vie continue depuis lors. Donc si notre espèce constitue la sixième, où est le problème ?  Chez nous l’on dit que l’homme n’est que terre donc rien. Toute la médecine occidentale comme disait Henri Laborit n’a jamais dompté la mort. Aussi si fin du monde il y a nous serons tous morts ! Le catastrophisme occidental a bon dos. Il n’est pas vrai partout.

De fait, un pays nommé Gabon situé entre le Tropic du cancer et le Tropic du capricorne et surtout à cheval sur l’équateur ne subit pas les mêmes dérèglements climatiques qu’un pays du Sahel ou Madagascar par exemple. C’est plutôt un pays climatiquement stable et naturellement autorégulé notre reboisement naturel en témoigne. Nous sommes la ceinture verte de l’Afrique. L’action publique ne saurait être fondée sur la science. Car la logique scientifique est celle de l’expérimentation, alors que la logique politique est celle du commun et des rapports de force. Pis le choix devient impossible avec la multitude de propositions. Ce qui provoque ce que l’on appelle un « hyper choix » c’est-à-dire une pléthore de choix difficile à trancher rendant ainsi la décision publique difficile. En réalité, un politique agit sur les rapports de force et non vérifier des hypothèses scientifiques. L’action publique c’est la prise de décision et non la simple sensibilisation ni la recherche de la vérité. C’est donc la recherche des solutions et non la quête de vérité scientifique. Elle est le tombeau de l’activisme écologiste. Il suffit d’observer les contradictions des ministres « verts » des gouvernements occidentaux, qui finissent tous par tomber dans le piège politique. Lee White a ici d’ailleurs une double casquette : Il est « un expert des forêts gabonaises » doublé d’un occidental qui prétend en savoir plus que les autochtones. En bon anglo-saxon il préfère la compagnie des gorilles à celle des hommes qu’il réduit à l’infra-humanité. C’est toute l’histoire de l’occidentalisation du monde depuis cinq siècles.

On met toujours les autochtones à la leçon.

Il convient de rappeler que le colonialisme commence par le naturalisme. L’empire et la science sont consubstantiels. Les grandes expéditions scientifiques comportaient des scientifiques. Ce fut le cas de l’expédition napoléonienne d’Egypte (1798) qui comportait 165 scientifiques. Ce qui avait abouti à l’invention de l’égyptologie. Ou l’expédition « Beagle » en Colombie ayant à bord un certain Charles Darwin géologue stagiaire, qui était au service d’une expédition coloniale britannique en Amérique du sud.

En effet avant 1800, la biologie s’intitulait « naturalisme ». Karl Polanyi (1944) a bien mis en exergue « La Gande Transformation » de l’Europe au XVIIIe-XIXe siècle, qui a toujours recherché à domestiquer la nature. Elle a répandu cette vision dichotomique à travers le monde avec les conséquences que l’on sait. Les activités économiques se sont ainsi désencastrées du reste de la société. En conséquence au lieu que ces activités ne soient au service des hommes c’est plutôt l’inverse. Pourtant notre démographie est cohérente avec nos écosystèmes. Les zones forestières gabonaises jonchées de voies d’eau ne sont pas propices aux pressions démographiques. De fait, le Gabon se situe dans la zone de « dépression démographique » de l’Afrique. Aussi toute évocation de « sous-peuplement » ici est tout simplement normative.

Avec notre démographie, les dégâts sur la nature seront donc limités.

Dans nos représentations de la vie ; autant nous ne distinguons pas le monde des morts et celui des vivants nous ne distinguons pas non plus la nature et la culture. Nous ne nous dissocions pas de la nature. Car nous faisons partie de notre environnement. Nos contes et nos sociétés initiatiques comportent dans leurs énonciations et pratiques des clauses de sauvegarde existentielles. Il y a par exemple des arbres voire des forêts que nous ne touchons pas. Car nous le savons par transmission que ce sont des entités sacrées. En réalité elles ne le sont pas, mais il a fallu inventer des représentations qui permettent de protéger les espèces rares. Il en va ainsi des espèces aquatiques et terrestres. Car l’être humain dans son aventure est vorace. Une simple mise en garde verbale ne suffirait pas.

Il y a certaines espèces pourtant comestibles que nous épargnons car elles sont rares. C’est le cas de certaines races de singes (ouistiti) et autres types de poissons que certains clans, ou lignées ne consomment guère. Car ils sont assimilés aux êtres humains. Ce n’est pas étonnant que nous ne consommions pas le chimpanzé ni le gorille. De fait nos ancêtres savaient pertinemment que le Chimpanzé est biologiquement (98%) identique à l’homme. Il ne peut donc leur apporter aucune propriété nutritive particulière. Il était inutile d’en consommer. Chez les fangs le chien est considéré comme un être humain doté de la même intelligence. Ainsi tuer un chien relève du sacrilège qui pourrait affecter votre descendance. On ne mange pas un animal sauvage apprivoisé. Car ils font partie de l’environnement familial. Les espèces endémiques gabonaises sont sous le même registre. Notre canopée (extrême sommet des arbres) est presqu’inexplorée. Nous n’utilisons nos forêts que pour des besoins vitaux et non pour la nécessité de soutenir le productivisme. Nous sommes donc des sociétés d’abondance et non d’opulence. Notre ontologie n’est pas un romantisme politique vert.

La Banque mondiale est devenue « l’empire de la Nature ». Quant à l’Agence Française de Développement, elle prône même une « politique de la nature » ou plus largement une « économie politique des communs ».

Les 90 milliards octroyés par la Norvège seront un puit sans fonds.

Si ce n’est continuer à enrichir les caciques du PDG. Pourtant pour penser le « commun », il convient plutôt, d’intégrer le discours local dans la régulation de la nature. Nos sociétés le font depuis des temps immémoriaux. Selon la chronologie géologique, l’univers a connu : l’oligocène, le miocène, le pliocène, le pléistocène (homo) et l’holocène, sans que la vie ne disparaisse !  Il est donc inutile de vouloir faire des angoisses prométhéennes occidentales le fondement des politiques publiques en milieu tropical. Ils nous parlent de « fracture écologique » c’est-à-dire, un processus au sein duquel la « surdimension » de l’homme sur terre aurait provoqué des ruptures écologiques au point que certaines espèces ne peuvent pas (plus) se déplacer aisément.

Le discours écologiste est cependant normatif. Mais nous ne savons pas quelle est la norme d’usage « responsable » de la nature. Quelle est la cote d’alerte ni le point de rupture ? Pourtant selon les comparaisons internationales, le Gabon n’a pas perdu une once de forêt depuis 60 ans. Ainsi, la forêt gabonaise couvre 22 millions d’hectares dont 20 millions sont exploitables. Ce pays possède ainsi le plus fort taux de superficie forestière par habitant d’Afrique. En réalité, le Gabon dispose de 15 millions hectares de terres fertiles dont seules, 480000 ha à ce jour sont exploitées pour l’autoconsommation.

La forêt gabonaise est riche en espèces.

La faune et la flore Gabonaises sont exceptionnelles. Un grand nombre d’espèces animales et végétales demeurent protégés. La biodiversité gabonaise est sans doute l’une des plus élevées de la planète avec : 700 espèces d’oiseaux, 98 espèces d’amphibiens, entre 95 et 160 espèces de reptiles, près de 10 000 espèces de plantes, plus de 400 essences forestières et 198 espèces différentes de mammifères. On y trouve de nombreuses espèces animales rares que l’on continue de découvrir : le Pangolin du Gabon est spécifique. Quant au lion il aurait réapparu, le Picatharte le Cercopithèque à queue de soleil etc. Roger Sillans dans sa thèse avait superbement mis en exergue, les conséquences écologiques de la colonisation française au Gabon. Et énuméra avec Raponda-Walker : « Les Plantes Utiles du Gabon ». Le Gabon est ainsi l’une des réserves de faune et de flore les plus variées et les plus importantes d’Afrique et du monde : c’est un important refuge pour les chimpanzés dont le nombre est estimé, entre 27 000 et 64 000 et les gorilles près de 35 000 recensés en 1983. Grâce à sa nature généreuse, le Gabon abrite aussi plus de la moitié de la population d’éléphants d’Afrique. Et avec 50 000/80000 pachydermes, la plus grosse population mondiale d’éléphants de forêts. Alors si le Gabon abrite la majorité des pachydermes au monde (60%) où est le danger ? Pourtant ces éléphants qui détruisent les plantations ou débordent dans les zones urbaines de Gamba devraient être régulés. Les populations locales en sont expertes.

Depuis la colonisation, la forêt gabonaise est réglementée et donc préservée. Mais surtout grâce à nos cultures. Les enfants des lacs du sud par exemple savent lire la nature. Ils sont conscients que les hippopotames servent à draguer l’envasement des embouchures de l’Ogooué et des lacs. Que les éléphants permettent de répandre les graines dans la forêt à travers un mouvement dénommé zoochorie. Ils savent que les mouvements des pélicans du nord vers le sud déclinent les saisons. Et que quand les marées deviennent moussantes c’est la fin de la saison sèche.

Ils savent quel type de pêche entreprendre selon nos quatre saisons. De plus les paysans connaissent très bien la législation en matière de protection de la nature. Ils maitrisent donc leur patrimoine naturel. Pourtant il subsiste dans la vie publique une bêtise épaisse qui couvre le débat autour des questions de la nature. Paradoxalement c’est la diversité des ressources financières et l’urbanisation qui ont préservé la forêt gabonaise des prédations courantes en Afrique.

Ce faisant, les 13 parcs nationaux « créés » par Omar Bongo relèvent plus d’une stratégie de communication que d’une réelle « politique écologiste ». En réalité l’image d’Omar Bongo était tellement écornée qu’il avait sauté sur l’occasion en tentant de redorer son blason en occident, sans pour autant comprendre de quoi il parlait comme à son habitude.

Les « écologistes » du tiers-monde sont en effet bien vus dans les milieux huppés anglo-saxons. Le National Geographic et le New-York times ont mis exergue le cas gabonais. Une grande émission américaine : « Treasure Island Show » avait été tournée en 2009. Mais tout ceci ne fut qu’un pur vernis exotique. Les 90 milliards proposes par la Norvège ne sont que de la poudre aux yeux et l’on peut aisément imaginer leur destination finale. Les dirigeants norvégiens faisant preuve d’un cynisme déconcertant eux qui prônent les pratiques.

En réalité la préservation de la forêt gabonaise est davantage le résultat d’une autorégulation naturelle que la conséquence d’une politique publique opportune. Aussi l’affirmation constante selon laquelle, le discours écologiste relèverait d’une science universelle de la nature est fausse. L’on devrait prendre en compte les « styles territorialisés de modernités », et leur ancrage dans des cultures historiques. Hélas Il suffit d’écouter les différents ministres ayant occupé cette fonction pour constater leurs platitudes sur le sujet. Ils se contentent de répéter la parole du « grand camarade » ou du « distingué camarade ». Et comme dans tous les domaines de l’action publique au Gabon il n’y aucune imagination politique.

Au Gabon, l’argent est la seule motivation de l’engagement public.

Les ministres ne sont que des VRP d’une politique naviguant à vue. Cela se résume en somme à des balivernes à propos du « souci de l’environnement ». Les victimes des radiations de Mounana n’ont jamais été prises en compte et demeurent non-indemnisés et meurent dans le silence. Alors que les politiques publiques devraient se caler sur une lecture propre à nos réalités. Ainsi au lieu de poursuivre des agendas conçus ailleurs, il serait plus logique de mobiliser l’expertise de nos terroirs. Je ne saurai trop soutenir les efforts louables de l’ONG « Club de l’Amitié : l’Association Lacs du sud Biliba » qui a modestement mis en exergue des pratiques écologiques authentiques. Loin des poncifs écologistes yéyés. Leur engagement devrait être un élément de réflexion pour les autres régions du Gabon. Car Ils ont prouvé que la tradition est le substrat de la modernité. Ils sont dépositaires d’un patrimoine existentiel sans égal dans le pays. La vivacité des Lacs : Ezanga, Onangué et Oguemoué. Ils démontrent à suffisance que seuls ceux qui sortent de nos terroirs sont à même de saisir le « principe responsabilité » et comme on dit en fang « Abagle Si » ou « Akouma si ». Ils viennent encore de démontrer leur dignité en rejetant la pantalonnade de Maurel & Prom. Qui pensait que des sacs de riz dans une localité agricole et halieutique sont la marque de la « redistribution des revenus pétroliers », alors qu’elles ont besoin de biens publics. Telles que des infrastructures routières qui sont les vrais chemins d’avenir pour nos terroirs. Car lorsque la mobilité est facile, les gens reviennent chez eux ils n’émigrent point. Ils ne vont donc plus s’incruster dans les zones urbaines.

Naguère nous étions de « bons sauvages » et l’injonction écologiste veut faire de nous de « bons écologistes ». Au service des fantasmes déclinistes occidentaux. Le Gabon est le pays par excellence de charlatans besogneux.

Aussi tout aventurier peut arriver en quenouille dans ce pays et finir opulent.

Y compris occuper des fonctions régaliennes à la barbe et au nez des autochtones. Lorsqu’un scientifique originaire d’un pays démocratique (et qui ne maitrise pas la langue française) devient ministre dans un régime autoritaire c’est-à-dire, qui viole les principes sur lesquels il a été élevé, c’est une preuve de l’imposture scientifique de ce dernier. Et pour cause dans une récente entrevue avec un journaliste de BBC à la question du journaliste qui lui rappelait en toute connaissance de cause, la nature « autoritaire du régime Gabonais et de ses dirigeants », Lee White répond (traduction de l’auteur) « moi, je dirais plutôt un chef Africain » ; une réponse qui en dit long sur son ignorance crasse de l’histoire et des réalités anthropologiques gabonaises. Le journaliste a vu juste : Le Gabon est une dictature parfaite mais Lee White n’en a cure. Puisque c’est le pouvoir qui l’intéresse. Il éprouve une certaine volupté à dominer des nègres en milieu tropical. Faut-il rappeler que ce furent les écossais les agents du colonialisme anglo-saxon notamment en Amérique du nord et en Australie avec les conséquences que l’on sait ! Un scientifique sérieux ne s’engage jamais sur un terrain qui n’est pas le sien. En 30 ans de séjour au Gabon il n’a rien oublié de son suprématisme blanc anglo-saxon. Pis il ajoute « avant c’était un régime de parti unique, désormais c’est un régime pluraliste et Omar Bongo a gagné toutes les élections ». Pardi ! Lee White peut-il nommer une seule démocratie où la même famille règne depuis 52 ans ? Il a sans doute confondu le Gabon avec la dynastie des Windsor (famille royale d’origine allemande) de son pays d’origine.

Il appert ici qu’il n’a pas une culture historique et civile suffisantes pour comprendre la complexité d’un régime républicain. Car il n’est pas de chez-nous. Une pure pantalonnade qui révèle bien son imposture scientifique. Paul Feyerabend nous avait déjà révélé que le soi-disant « discours scientifique » est une illusion. De fait, je ne vois pas un chercheur digne de ce nom, tel un Richard Dawkins (grand biologiste anglais) ou le regretté Stephen Jay Gould (1941-2002-biologiste américain parfait francophone au demeurant) siégeant dans un gouvernement indien ou ougandais : ce serait un suicide professionnel et une indignité intellectuelle irréparable. Nous devons imaginer notre existence par nous-mêmes et pour nous-mêmes, libre de l’impérialisme naturaliste occidental. La nature gabonaise est trop précieuse pour être confiée à des « écologistes » occidentaux et leurs épigones locaux. Nous sommes des sociétés holistes c’est-à-dire formant un tout cohérent mais non uniforme. Chez-nous c’est donc l’homme qui appartient à la terre et non l’inverse. Et il faut des hommes pour préserver la nature et non l’inverse. Nous n’avons donc jamais été écologistes mais authentiquement écologiques autrement dit en phase avec nos écosystèmes.

Nous devons refuser l’injonction écologiste occidental.

Le Gabon est un pied-de-nez aux discours écologistes catastrophistes occidentaux. De fait, chez-nous, nous ne pratiquons pas l’anthropocentrisme (l’homme centre de l’univers) car la nature est prévisible. Elle est un fait social total donc indissociable de nos pratiques sociales. Nous ne vivons pas sur le mythe de la perfection fondée sur la crainte du déferlement du chaos. Aussi, Il ne suffit pas de « penser les sociétés africaines » il faut plutôt les connaitre donc les « dé-penser » c’est-à-dire déconstruire le logocentrisme occidental et son catastrophisme intrinsèque.

Nous avons avec les pygmées les meilleurs gardiens de la nature. Leur expertise est inégalable et nul ne connait la forêt gabonaise mieux que ces habitants pluriséculaires de notre écosystème. Ils sont donc nos meilleurs éclaireurs. Et non des pseudo-scientifiques ratés qui se trompent de vocation et de pays. Et dont l’arrogance n’a d’égale que l’impéritie dans leurs « projets« . De fait, nos cosmogonies sont les sentinelles irréductibles de la biodiversité contre l’impérialisme vert occidental. Tout empire périra. On ne dira jamais assez que le nageur connait mieux la rivière que l’hydrologue. A chacun son histoire et son écologie.

Aristide Mba, Eco-Politiste, chercheur en Sciences Sociales

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *